Le président du Conseil des Affaires internationales de Russie, Igor Ivanov, qui a également été ministre des Affaires étrangères de 1998 à 2004, a prévenu dans un article du Moscow Times du 25 janvier que la crise ukrainienne est plus dangereuse que toute autre crise survenue lors de la Guerre froide. Il a demandé aux dirigeants politiques actuels de faire le nécessaire pour empêcher qu’une guerre nucléaire éclate :
La menace d’un affrontement nucléaire est plus élevée aujourd’hui qu’à l’époque de la Guerre froide. En l’absence d’un dialogue politique, dans un environnement de méfiance mutuelle atteignant des sommets historiques, l’éventualité d’un événement imprévu, y compris un accident conduisant à l’emploi des armes nucléaires, devient de plus en plus grande.
Cette évaluation à faire froid dans le dos est la dernière d’une série de mises en garde de ce type lancées par des personnalités de haut niveau qui ont contribué dans le passé à calmer, de manière non officielle, les différends entre l’Occident et les pays de l’Est.
Ivanov a été le vice-président du Dialogue Track II en 2012 et 2013, qui avait pour ambition de « construite une sécurité mutuelle dans la région euro-atlantique ». Ses interlocuteurs étaient le Britannique Lord Des Browne, l’ancien ambassadeur allemand aux États-Unis Wolfgang Ischinger, et l’ancien sénateur américain Sam Nunn. La journée précédant l’article d’Ivanov, Nunn avait lui-même lancé un avertissement contre le danger d’un affrontement nucléaire.
Ivanov dénonce comme un exercice de rhétorique l’idée qu’une nouvelle Guerre froide a commencé. L’histoire ne peut se répéter, précise-t-il, car les conditions actuelles ne correspondent aucunement à celles de l’ancien paradigme.
Au cours de la Guerre froide, en dépit des dangers, les relations internationales étaient encadrées par un ordre établi après la fin de la Deuxième guerre mondiale. Indépendamment de toutes les lacunes et des engagements découlant de cet ordre, l’humanité se trouvait en mesure d’éviter un nouveau désastre global. (…) Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où l’ordre ancien a cessé d’exister, et un nouvel ordre répondant aux attentes des principaux pays n’a pas encore été établi. C’est ce qui rend notre époque si différente de celle de la Guerre froide. Officiellement, nous souscrivons tous aux normes établies du droit international. Comme l’a montré une nouvelle fois la crise ukrainienne, les vieilles institutions ont sensiblement perdu leur efficacité, et le droit international se délite au bénéfice des intérêts politiques.
Ivanov ne le précise pas, sans doute par esprit de politesse, mais il est clair que « l’ère post-westphalienne » proclamée par le Premier ministre britannique Tony Blair à Chicago en 1999 a ouvert la porte, quelques années à peine après la chute du mur, non seulement à l’érosion du droit international mais aussi au pillage des pays ciblés par les principaux intérêts financiers de Londres et de Wall Street. Ces intérêts financiers ne se sentiraient désormais plus liés par le respect de la souveraineté des peuples ni celui des droits des individus qu’ils entendaient exploiter (comme le montre le terrible accident de Rhana Plaza en avril 2013, au Bangladesh).
Pour Ivanov, il est urgent « de mettre de côté les ambitions et les insultes mutuelles, de manière à amorcer un dialogue sur l’ordre mondial à venir, pour que toutes les nations puissent construire leur propre avenir. Sinon, plutôt qu’une nouvelle Guerre froide, nous serons confrontés un jour à un véritable conflit nucléaire, à grande échelle. »
La poudrière ukrainienne et l’allumette d’Obama
Depuis la mise en place, avec l’aide directe de Victoria Nuland, d’un gouvernement ouvertement acquis à l’idéologie bandériste (un ex-collaborateur nazi), et dirigé par son homme « Yats » (le surnom affectueux donné par Nuland au Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk), l’Ukraine a sombré dans une guerre civile servant de terrain d’entraînement pour un futur affrontement avec la Russie.
Sans attendre même une seconde les éléments permettant de comprendre qui a été responsable de l’attaque du 24 janvier sur des civils ukrainiens dans la ville de Marioupol, dans l’est du pays, et surtout sans avancer la moindre preuve, le président Obama, en visite en Inde, a immédiatement accusé la Russie d’être responsable de l’attaque. Ainsi les « rebelles ukrainiens » auraient perpétré cette horrible attaque contre leur propres confrères, « avec le soutien de la Russie, de l’équipement russe, un financement russe, un entraînement russe et des soldats russes », a déclamé Obama, avant d’ajouter que « toutes les options supplémentaires qui sont à notre disposition, à part l’affrontement militaire », seront utilisées. Cela ne laisse plus grand place à la négociation.
Le Conseil permanent de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a de son côté fait part, suite à une réunion d’urgence le 26 janvier, « de sa grande préoccupation à propos des violences accrues dans les régions de Donetsk et de Lougansk », et insisté sur la « nécessité d’un retour de toutes les parties à la table de négociation de manière à convenir d’un cessez-le-feu durable et pour la mise en application de toutes les dispositions des accords de Minsk. »
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