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- Octobre 1997. Lionel Jospin lors d’un déjeuner de travail avec son directeur de cabinet Olivier Schrameck aujourd’hui président du CSA. Pour Jospin, la candidature de Cheminade en 1995 était « un accident » qu’on aurait dû éviter.
- Crédit : Paris Match
Les Français n’ont plus vraiment envie de voter pour les « grands candidats ». C’est sans doute la raison pour laquelle le CSA propose de toiletter les règles des élections présidentielles…
Le 10 septembre 2015, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), organisation administrative indépendante nommée par le président de la République, organisait une conférence de presse pour annoncer les quinze mesures qu’il suggère pour « l’application du principe du pluralisme politique dans les médias audiovisuels en période électorale ».
Le changement proposé pour 2017 (qui doit encore être confirmé par le ministère de l’Intérieur et le Parlement) étant passé presque inaperçu, une mise au point est nécessaire.
Quelles sont les règles en vigueur aujourd’hui pour l’élection présidentielle ?
« Rien n’est plus républicain, rien n’est plus démocratique, j’ajoute que rien n’est plus français » : voilà ce que disait de Gaulle avant le référendum de 1962, consistant à faire passer l’élection du président de la République via le suffrage universel.
L’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 exprime son intention : « Tous les candidats bénéficient, de la part de l’État, des mêmes facilités pour la campagne en vue de l’élection présidentielle », ce qui fait que cette élection est peut-être la seule réellement démocratique en France.
La loi garantit aujourd’hui trois garde-fous de la démocratie :
- Pas de système des partis : pour éviter que le système politique soit pris en otage par les puissants réseaux d’influence, l’élection présidentielle se fait au suffrage universel et le vote s’exprime en faveur d’une personne, non d’un parti. Ainsi quelqu’un de nouveau et d’indépendant peut surgir.
- Pas de tri par l’argent : tout citoyen dont le sérieux est confirmé par la signature de 500 élus sera soutenu financièrement par l’État pour mener campagne, et ceci indépendamment de son résultat. Il peut se faire rembourser jusqu’à 800 000 euros de frais de campagne, même s’il obtient moins de 5 % des voix.
- Pas de discrimination dans les médias : dès la publication par le Conseil constitutionnel de la liste officielle des candidats, les médias audiovisuels sont soumis pendant quatre semaines à la règle du temps de parole égal : par exemple, un Bolloré ne peut pas empêcher un Jacques Cheminade de s’exprimer autant qu’un François Hollande.
Que veut changer le CSA ?
C’est cette dernière règle qui est dans le collimateur du CSA. Lors de la conférence de presse du 10 septembre, son président, M. Olivier Schrameck, a tenté de nous convaincre que ce changement est pour notre bien : la motivation des électeurs étant en baisse, le CSA a mis en place un groupe de travail pour améliorer les débats et veiller à l’application du principe d’égalité.
Regardons de plus près la première des quinze propositions, qui concerne l’élection présidentielle : le CSA considère « qu’il appartient au législateur organique d’introduire le principe d’équité pendant la période dite "intermédiaire" » de la campagne électorale. Autrement dit, pendant la période « chaude » de la campagne présidentielle, quatre semaines avant le scrutin, après publication de la liste officielle des candidats par le Conseil constitutionnel, le principe d’égalité de temps de parole des candidats serait remplacé par celui d’« équité ».
Si ce changement est accepté, un Bolloré ne sera plus obligé de couvrir, avant les deux dernières semaines de la campagne, celle d’un candidat qu’il ne souhaite pas voir émerger !
Car « l’équité » est un mot qui change tout : avec elle le temps de parole se répartit au prorata du degré d’« importance » du candidat... Autant dire que les « grands » candidats connus auront le droit d’être encore plus connus, tandis que les « petits » inconnus pourront le rester… en toute équité !
Selon le rapport du CSA, qui joue sur l’ambiguïté, le principe d’équité se déclinera en fonction de « la capacité à manifester l’intention d’être candidat (organisation de réunions publiques, participation à des débats, utilisation de tout moyen de communication permettant de porter à la connaissance du public des éléments d’un programme politique) et [de] la représentativité du candidat (résultats obtenus par le candidat ou les formations politiques qui le soutiennent aux plus récentes élections, indications d’enquêtes d’opinion) ».
Passons à la proposition numéro sept, qui explique encore mieux le danger de ce principe d’ »équité » : « La seule qualité de candidat ne saurait constituer une condition suffisante pour faire valoir un droit automatique à s’exprimer dans les médias », avec le commentaire suivant : « L’absence de présentation à l’antenne des candidats qui ne peuvent se prévaloir d’éléments de représentativité significatifs ne peut être regardée comme un manquement au principe d’équité. »
Et Mme Mariani-Ducray, la rapporteuse, de nous dévoiler à cette occasion la philosophie du projet de réforme : une campagne électorale, « ça ne doit pas servir d’effet d’aubaine à des personnalités ou à des petits courants. »
Après cette remarque, il est légitime de se poser la question : en vertu de quel principe soupçonne-t-on uniquement les « petits » de vouloir profiter du système et jamais les « grands » ?
Désormais, le CSA compte maintenir uniquement le principe de l’égalité réelle pendant la « campagne officielle », c’est-à-dire que les petits candidats n’auront plus que deux semaines (au lieu de cinq) avant le scrutin pour se faire connaitre à travers les grands médias audiovisuels.
Éviter les « accidents »
M. Schrameck a tout compris : en fin de conférence de presse, on apprend que par ces mesures, « nous nous mettons dans le flot des démocraties européennes ». Cette métaphore est très juste : il s’agit d’étouffer tout « accident » qui pourrait faire sortir la population du « flot » !
On a vu cette année comment « le flot » a été mis en danger par l’accident nommé Tsipras. Aurait-on peur que de tels accidents se produisent en France ?
M. Schrameck se souvient peut-être d’un accident qui risquait d’apparaître, il y a vingt ans déjà, et que le Conseil constitutionnel, dont il assurait le secrétariat général à l’époque, a su éviter : ce haut fonctionnaire assista alors au truquage d’un tiers des comptes de campagne afin, d’une part, de sauver les candidats Chirac et Balladur et, d’autre part, de noyer le « petit candidat » Jacques Cheminade, dont les comptes de campagne, sous un prétexte fallacieux, furent rejetés. (Voir lien internet)
L’argumentation tortueuse présentée par la rapporteuse débouche sur une question intéressante : « Vous vous souvenez qu’en 2012 nous avons vécu un phénomène très particulier ? » lance-t-elle. Et de poursuivre en notant que lors de cette campagne, pendant la période intermédiaire, le volume d’exposition de tous les candidats aurait baissé de 50 %, endommageant les débats, parce que les médias avaient « d’énormes difficultés à appliquer l’exigence qui était, de notre part, l’égalité stricte des temps de parole ».
Pour quelle raison ? A cause d’un trop plein de candidats, nous dit-on. Mais voyons les chiffres : 9 candidats en 1995, 16 en 2002, 12 en 2007 et 10 en 2012.
On a alors raison de persister à se demander quel est ce « phénomène très particulier » survenu en 2012, qui fait peur aux médias...
Ne tient-il pas en un nom à neuf lettres, celui d’un candidat dont le nom commence par un C et finit par un e ?
Merci de signer et de faire signer cette PÉTITION et de l’envoyer à vos élus !
Ils l’ont dit !
En 2012, rappelez-vous, on devait accorder autant de temps de parole à Jacques Cheminade, candidat on va dire original, qu’à François Hollande ou Nicolas Sarkozy ! Aberrant. A tel point que beaucoup de chaînes généralistes ont décidé de réduire la parole politique sur leurs antennes au moment le plus crucial, faute de place pour tous ! Le CSA propose aujourd’hui de ramener l’égalité totale aux deux dernières semaines de la campagne, c’est bien suffisant. »
Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFM TV, lors d’un entretien avec Télérama. Selon le décompte du CSA, la chaîne d’infos BFM TV a accordé 43 % de temps de parole au Front National lors des dernières élections municipales. Un chiffre étonnant...
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