Chronique stratégique du 19 juin 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Trump : « Les États-Unis ne doivent pas être le gendarme du monde »
Il est impossible de comprendre l’acharnement hystérique contre Donald Trump (quoi que l’on pense du personnage) sans considérer son opposition à la politique de guerre permanente mise en œuvre par la plupart des présidents américains, depuis l’assassinat de JFK.
Rappelons qu’à plusieurs reprises, Trump a publiquement dénoncé le pouvoir excessif du « complexe militaro-industriel », reprenant la célèbre expression du président Eisenhower. Le 13 juin, lors de son discours à West Point, la prestigieuse école militaire américaine fondée sur le modèle de l’École Polytechnique française, Trump a déclaré que « la vocation de l’armée américaine n’est pas de résoudre des conflits anciens dans des terres lointaines, dont les citoyens n’ont même jamais entendu parler », et que « les États-Unis ne doivent pas être les gendarmes du monde ».
Quelques jours auparavant, le président américain a essuyé un véritable affront public par un quarteron de généraux, dont certains à la retraite, après qu’il a évoqué la possibilité de déployer la Garde nationale au cas où les forces de l’ordre ne parviendraient pas à contenir les débordements des manifestations contre les violences policières. Marc Esper, l’actuel secrétaire à la Défense, Mark Milley, le chef d’État-major des armées, ainsi que James Mathis, l’ancien chef du Pentagone, et Colin Powell, l’ancien secrétaire d’État de l’administration Bush, qui ont tous pris part aux guerres criminelles lancées depuis vingt ans dans le Moyen-Orient, se sont subitement coalisés pour accuser Trump de vouloir déployer l’armée « contre le peuple ».
Les faucons de guerre sont aux abois, soutenus par l’ensemble du système médiatique, comme on vient de le voir avec la promotion de John Bolton — l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, viré en septembre 2019, et dont Trump avait dit que s’il avait suivi ses conseils, nous en serions à la 6ème guerre mondiale. Du côté des Démocrates, le candidat Joe Biden s’apprête à prendre comme colistière Susan Rice, l’ancienne ambassadrice américaine à l’ONU sous Obama, l’une des néocons les plus virulentes, pour former un parfait « ticket » va-t-en-guerre.
L’oligarchie ne veut pas d’une coopération Russie-États-Unis
Le président russe, qui s’apprête à publier un ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale — et dont la simple annonce a suffit pour mettre en émoi les médias occidentaux qui y ont vu une tentative de « réécrire l’histoire » (alors même que personne ne l’a encore lu) —, était interviewé le 14 juin sur Rossiya-tv, notamment à propos des événements récents qui ont suivi la mort de George Floyd aux États-Unis. Dans ce rare commentaire sur les affaires intérieures d’un autre pays, Poutine a fait le lien entre ces événements et la campagne visant à se débarrasser de Trump.
Bien sûr, ce qui vient de se passer est la manifestation d’une crise interne profonde, a-t-il affirmé. Cela fait longtemps que nous l’observons, depuis l’élection de l’actuel président, qu’il remporta démocratiquement. La partie adverse a mis de l’avant toutes sortes de contes de fées pour poser le doute sur sa légitimité. Je pense que le problème est que les intérêts de ce groupe se placent au-dessus des intérêts de la société dans son ensemble et des intérêts du peuple.
Rappelons que dès janvier 2017, à la veille de l’inauguration de Donald Trump, Poutine avait dit que certains à Washington « sont désormais prêts à organiser un ‘Maïdan’ à Washington afin d’empêcher Trump d’assurer sa fonction ».
La volonté de sortir de la nouvelle guerre froide entre la Russie et les États-Unis est une réalité des deux côtés. A l’occasion du trentième « Jour de la Russie » – qui commémore la fondation de la Fédération de Russie –, l’ambassadeur américain à Moscou William Sullivan a publié une vidéo de congratulations sur le site Twitter de l’ambassade, dans laquelle il affirme le « souhait » des États-Unis de « travailler avec le peuple de Russie » pour créer un monde plus pacifique et prospère pour tous. « Nos pays ont su s’allier dans les moments importants pour faire face aux défis les plus graves. Les États-Unis font honneur au sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour vaincre le nazisme et le fascisme, dont les millions de soldats et de citoyens russes qui ont enduré d’énormes souffrances et pertes de vies ». Tout en rappelant la coopération entre les deux nations pour mettre fin à l’agression nazie en Europe, Sullivan a ajouté : « J’espère que nous parviendrons à faire de même aujourd’hui pour venir à bout des défis globaux actuels, y compris la pandémie de Covid-19, afin que les citoyens de tous les pays puissent jouir d’un avenir sain, plus sûr et démocratique ».
Retrouver la vision gaulliste d’entente et de coopération
En France, alors que nous célébrons le triple anniversaire du général de Gaulle (130 ans de sa naissance, 80 ans de appel du 18 juin et 50e anniversaire de sa mort), le bal des gaullistes de cirque fait carton plein. Avec, dans le premier rôle, Emmanuel Macron dans sa tentative désespérée d’utiliser les commémorations du 18 juin pour retrouver une unité nationale qu’il a systématiquement minée depuis trois ans ; de son côté, la présidente du Rassemblement national a tenté d’une pierre deux coups de com’ en se rendant à Dijon dénoncer le « séparatisme républicain affiché » de la mafia tchétchène, et le lendemain sur l’île de Sein pour s’afficher en représentante de l’héritage gaulliste. Pour se faire huer et débouter par les Sénans comme la digne héritière du pétainisme et de l’OAS qu’elle est…
Personne, parmi tous ces fervents gaullistes de circonstance, pour rappeler la vision de « détente, d’entente et de coopération » du général, pourtant si essentielle aujourd’hui, et dont, ironiquement, les Russes semblent mieux mesurer l’importance. Dans un article paru dans la Revue politique et parlementaire, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov écrit que De Gaulle a toujours soutenu une politique de respect et de développement mutuel vis-à-vis de Moscou, qui fut concrétisée par le Traité franco-soviétique d’Alliance et d’assistance mutuelle conclu en décembre 1944 – traité qui resta en vigueur pendant vingt ans mais dont le potentiel ne fut jamais vraiment réalisé à cause du départ de De Gaulle en 1946.
« La fin de la confrontation bipolaire survenue au seuil des années 80-90 du siècle dernier fut une occasion historique de mettre en œuvre ces nobles idées du général », écrit Lavrov, faisant référence à sa grande idée de bâtir une Europe « de l’Atlantique à l’Oural », pour que « notre vieux continent » – comme il le disait lui-même – « puisse mettre fin à ses divisions et, une fois uni, reprendre le rôle qui a toujours été le sien – celui d’assurer la stabilité, le progrès et la paix dans le monde ».
« La Russie pour sa part a fait le maximum pour que l’Europe, qui a survécu à deux guerres mondiales, et puis à la ‘guerre froide’, puisse se mettre enfin sur la voie du bien-être, de la coopération mutuelle avantageuse et du développement pacifique et durable pour le bien de notre génération et des générations futures », conclut le ministre russe.
Cette vision gaulliste de « détente, entente et coopération » est le pire ennemi de l’Empire financier transatlantique (et en réalité de tous les empires), et c’est ce qui explique l’acharnement venant de ces milieux aujourd’hui contre la présidence Trump et la Russie de Poutine, et hier contre le général de Gaulle.
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