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- Le Premier ministre Dr Manmohan Singh, avec les présidents de Chine, Brésil et Russie, Mr Hu Jintao, Mr Luiz Inacio Lula da Silva et Mr Dmitry Medvedev, au Sommet des BRIC au Brésil en 2010. Par la suite, avec l’adhésion de l’Afrique du Sud, les BRIC sont devenus les BRICS.
Dans son article du 7 mars, Ambrose Evans-Pritchard, le chroniqueur ultra-conservateur du quotidien anglais Daily Telegraph, un homme qui n’a jamais caché qu’il rend service aux services secrets de sa Majesté, affirme que la déstabilisation de la présidente brésilienne entre dans sa phase finale, et que l’objectif n’est pas la lutte contre la corruption, mais la guerre anglo-américaine pour briser le groupe des BRICS.
Sous le titre « La chute de Lula marque la fin du fantasme des BRICS », Evans-Pritchard claironne que :
Le Brésil est le premier pays du quintette des BRICS à s’effondrer sur autant de fronts en même temps, bien que la Russie et l’Afrique du Sud sont plongés dans une grave crise et que la Chine dépense 100 milliards de dollars par mois de ses réserves de devises. Seul l’Inde a le vent en poupe. Le concept de BRICS est désormais dépourvu de tout sens.
Avec l’arrestation-spectacle de l’ancien président Lula da Silva, un proche de la Présidente Dilma Rousseff, pour le Britannique, « l’élan pour destituer Mme Rousseff semble soudainement inarrêtable ». Il précise immédiatement que « les marchés » (c’est-à-dire les grandes banques internationales) espèrent que le vice-président, Michel Temer, pourra prendre rapidement le relais et « saisir l’austérité et les réformes à la tête d’un gouvernement pro-business ».
A noter, le fait qu’Evans-Pritchard s’est rendu à Sao Paulo, et visiblement, pas pour y passer ses vacances. Dès le 3 mars, dans les pages du Telegraph, il « constate » que le Brésil est sur le chemin « de se lancer dans les bras du Fonds monétaire international. Plus vite cette réalité peu reluisante sera reconnue par les dirigeants du pays, plus le pays deviendra sûr pour le monde… »
Marina Silva
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- La candidate anti-BRICS Marina Silva, ici récompensée par le malthusien Prince Philip d’Édimbourg
- Crédit : wwf.panda.org
En même temps, la Couronne britannique sort du placard sa mascotte, Marina Silva, la candidate verte qui dispose du soutien non-dissimulé de la famille royale britannique. En 2008, elle a été récompensée pour son agitation écologiste par le Duke of Edinburgh Conservation Award, un prix offert par le Prince Philippe d’Edinbourg, le très malthusien fondateur de World Wildlife Fund (WWF).
Initialement, Marina Silva n’était que candidate à la vice-présidence lors des élections présidentielles. Cependant, suite au décès de son co-équipier, Eduardo Campos, mort dans un accident d’avion non-élucidé, c’est elle qui se retrouve comme challenger lors du scrutin de 2014.
Aujourd’hui, Marina Silva n’a pas hésité à soutenir l’arrestation brutale pendant trois heures de l’ancien Président brésilien Lula da Silva. Elle n’exige pas seulement que Rousseff et son vice-président soient évincés du pouvoir mais propose qu’ils soient destitués par le Tribunal électoral suprême (TSE) ce qui annulerait les résultats des élections d’octobre 2014 et donc la victoire de Rousseff. Une telle procédure, affirme Silva, permettrait de « corriger une erreur involontaire » commise par le peuple brésilien et provoquerait l’organisation de nouvelles élections présidentielles.
L’attaque contre Lula
Dans son article Lula et les BRICS pris dans une lutte à mort, Pepe Escobar rappelle que :
Déjà en 2009, Wikileaks exposait comment les majors pétrolières étaient actives au Brésil, en essayant de modifier – par tous les moyens d’extorsion nécessaires – une loi proposée par l’ancien président Lula da Silva, positionnant la lucrative compagnie nationale Petrobras comme opératrice en chef de tous les blocs offshore de la plus grande découverte de pétrole de ce début de XXIème siècle, les gisements pré-salifères. Lula n’a pas seulement maintenu hors du tableau les majors pétrolières – en particulier ExxonMobil et Chevron – mais il a également ouvert l’exploration pétrolière au Brésil à la Chinoise Sinopec, dans le cadre du partenariat stratégique sino-brésilien (BRICS entre BRICS).
Le scandale de la corruption contre Petrobras, poursuit Escobar :
A démarré avec les révélations de Snowden sur la façon dont la NSA espionnait la Présidente brésilienne Dilma Rousseff et les dirigeants de Petrobras. Elle s’est poursuivie avec le fait que la police fédérale brésilienne coopère aussi bien avec le FBI que la CIA, qui lui prodiguent entraînement et formation et/ou qui la nourrissent, étroitement (surtout dans la sphère de l’antiterrorisme).
Et cela a continué à travers l’enquête "Car Wash", qui dure depuis deux ans, laquelle a découvert un vaste réseau de corruption impliquant des acteurs au sein de Petrobras, des sociétés de construction brésiliennes et des politiciens du Parti des Travailleurs au pouvoir.
Le réseau de corruption est bien réel – avec des "preuves" généralement orales, rarement étayées par des documents et obtenues essentiellement auprès de menteurs professionnels rusés qui mouchardent dans le cadre de procédures "plaider-coupable". Mais pour les procureurs de l’opération "Car Wash", le véritable objectif, depuis le début, est de prendre Lula au piège.
Car, une partie de l’oligarchie brésilienne, est terrifiée à l’idée que Lula se représente en 2018, et remporte l’élection.
L’avenir du Brésil
L’attaque contre Lula et sa protégée Dilma Rousseff arrive dans le cadre d’une bataille virulente pour définir les grandes orientations du pays. Le 26 février, le Parti des travailleurs brésiliens (PT) a adopté un « plan d’urgence national » (NEP) demandant à Rousseff de couper les ailes du secteur financier prédateur. Au programme, une baisse des taux pour la relance de l’économie réelle et l’utilisation des 371 milliards de dollars de réserves en devises étrangères pour créer un Fonds national pour l’emploi et le développement infrastructurel, le tout en étroite coopération avec la Nouvelle banque de développement des BRICS et les banques chinoises.
Ce plan a été conçu directement par Rui Falca, le président du PT, et a le soutien de l’ancien président Lula da Silva, arrêté devant les caméras pendant trois heures pour être interrogé sur les affaires de corruption du secteur pétrolier, à peine une semaine après la publication du plan.
Un tel plan, pour Evants-Pritchard, est évidemment un sacrilège :
[Ce plan] impliquerait une politique industrielle financé par l’Etat, une rafale d’investissement dans l’infrastructure, la santé et le logement ainsi qu’un programme de création d’emplois et la hausse des salaires. Le cœur de ces politiques signifie également un repli partiel dans l’autarcie.
Les marchés (c’est-à-dire les grandes banques), tremblent, admet Evans-Pritchard. Car « si le PT pioche dans les réserves, cela pourrait provoquer une vague spéculative contre la monnaie. ‘C’est très dangereux’ affirme un économiste pour qui ce plan est une pure folie ».
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