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- L’Hydre mondiale, l’oligopole bancaire. Par François Morin, Editions Lux, 168 pages, 12 €.
Dans l’Hydre mondiale, François Morin nous rappelle que les grandes banques internationales peuvent à tout moment faire basculer l’économie mondiale dans une crise systémique gravissime.
Car malgré la crise et des efforts de régulation bien insuffisants de la part des gouvernements, vingt-huit banques systémiques ont conservé une taille et surtout un pouvoir démesurés.
Ces institutions, qui représentaient un bilan de 50 000 milliards de dollars en 2012, soit autant que la dette publique mondiale, ont un quasi-monopole sur les « produits dérivés », ces produits de couverture sur devises, matières premières, produits agricoles et taux d’intérêt. Dix d’entre elles gèrent 80 % des transactions de change.
A l’origine du mal, la libéralisation des marchés des changes, puis, à partir de 1971, des taux d’intérêt.
Si rien n’est fait « pour limiter la puissance que l’oligopole développe par ses positions dominantes sur les marchés – dont il abuse régulièrement –, ces banques nous mèneront vers l’abîme économique. En clair, l’oligopole des banques, par ses opérations économiques et sa force politique, nous prive des moyens d’empêcher l’avènement imminent d’une crise économique. Aussi puissantes puissent-elles être, ces banques sont bien incapables de se protéger contre elles-mêmes. Pis, elles ont, par la nature même de leurs opérations spéculatives, tendance à amplifier le moindre soubresaut économique. »
A l’heure où les bourses plongent suite aux incertitudes sur la Grèce et au retrait massif d’argent par les citoyens, Morin rappelle que :
La bulle actuelle des dettes souveraines a été ainsi alimentée directement par les effets de la crise financière, et notamment par les transferts de dettes de l’oligopole. La planète est aujourd’hui à la merci de l’éclatement de cette bulle par le défaut de paiement d’un Etat, comme elle le serait par la faillite d’une banque de l’oligopole.
Pour changer la donne, « il est temps, plus que temps, de démanteler l’oligopole bancaire mondial. Non pas en essayant d’introduire plus de concurrence entre ses membres, comme le prônerait sans aucun doute la solution ‘libérale ‘. En effet, on ne voit pas bien en quoi le caractère systémique de ces banques serait ainsi entamé, car c’est bien ce caractère particulier qui a forgé l’oligopole. »
Surtout, pour l’auteur, l’une des deux solutions pour casser l’oligopole est « a minima une séparation stricte et patrimoniale des banques de dépôt et d’investissement », solution que Solidarité & Progrès soutient et défend activement depuis le début de la crise.
Cependant, nous ne suivons pas François Morin dans sa deuxième proposition : une « réforme du système monétaire et financier international » inspirée par Keynes, « qui redonnerait aux Etats une souveraineté monétaire à travers la création d’une monnaie commune » (le bancor de Keynes).
Car s’il y a une chose qui relève d’une souveraineté sans partage, c’est bien la politique économique et monétaire. Bien que l’on puisse avoir, au-delà, une monnaie commune entre pays partageant un même projet, ce système serait dangereux avec des pays défendant des conceptions diamétralement opposées, comme celle du libre-échange absolu des Anglo-américains aujourd’hui.
Optimiste, François Morin nous appelle au combat.
Quoi qu’il en soit, le moment de vérité approche. Ou bien on feint de croire encore que la solution de la crise actuelle, en particulier de nos endettements publics, passe par des politiques de réduction des déficits – et, dans ce cas, c’est un nouveau cataclysme financier qui s’avance sûrement, faute d’agir sur la cause réelle de notre situation, à savoir : la surpuissance dévastatrice de l’hydre bancaire. Ou bien nous faisons le pari de l’intelligence politique, celle qui perçoit les enjeux fondamentaux de notre planète et de notre vie en société, et alors une mobilisation citoyenne qui s’inscrirait dans cette perspective démocratique peut tout espérer et tout engager.
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