22 février 2010 (Nouvelle Solidarité) — Le 23 janvier, le président Barack Obama, obéissant en réalité aux exigences du directeur de l’agence du Budget, Peter Orszag, lui-même un valet de Wall Street, annonçait sa décision d’annuler le programme Constellation, lancé il y a six ans par son prédécesseur et qui prévoyait le retour des Américains sur la Lune en 2020, avant une expédition vers Mars. Or, Constellation devait offrir de nouveaux moyens pour aller dans l’espace, après le déclassement des navettes spatiales initialement prévu pour 2010.
En présentant ces nouvelles orientations, Charlie Bolden, l’administrateur de l’agence spatiale américaine (NASA), confirmait l’arrêt du développement des futurs lanceurs Ares 1 et Ares 5, ainsi que de la capsule habitable Orion, les trois éléments clés de Constellation. De plus, pour faire des économies, la NASA fera désormais appel à des sociétés privées pour transporter à moindre coût les astronautes dans l’espace. Ce matin, on apprend même qu’elle compte vendre les beaux restes de quelques navettes spatiales afin de trouver de l’argent…
Ainsi, ce peuple américain, si impatient de retrouver un peu de dignité après s’être débarrassé de la dynastie Bush, passe de la déception à la rage en découvrant chaque jour les choix calamiteux d’un président pourtant si souriant en apparence et si brillant en paroles.
Hypnotisés par les promesses électorales d’un Obama qui jurait de relancer l’exploration spatiale, plusieurs astronautes n’avaient pas hésité à célébrer sa victoire en défilant en janvier 2009 sur Pennsylvanie Avenue à Washington, devant la Maison Blanche. On comprend mieux pourquoi le sentiment de trahison domine aujourd’hui.
Cependant, l’Amérique réagit et le 12 février, vingt-sept membres de la Chambre des représentants, toutes tendances confondues, ont adressé une lettre très ferme à Charlie Bolden. Bien sûr, ils représentent le Texas, la Californie, l’Alabama, la Floride et d’autres États directement concernés par des milliers d’emplois hautement qualifiés, mais ils captent le sentiment de tout le pays. Ils avertissent le patron de la NASA que le démantèlement du programme Constellation frôle l’illégalité.
Car aux Etats-Unis, c’est le président qui propose et c’est le Congrès qui décide, rappellent-ils. Par conséquent, l’arrêt des programmes et l’attribution des budgets alloués à Constellation à d’autres projets de la NASA, sans consultation et sans l’aval des élus, sont illégaux. « Comme vous le savez sans doute, l’ensemble des contrats nécessaires au maintien de programmes tels qu’Ares ou Orion, nécessite des engagements parfois 36 mois à l’avance. L’interruption de ces contrats peut donc légitimement être considérée comme la fin du programme », disent-ils. Les auteurs de la lettre somment ensuite Bolden d’envoyer au plus vite une circulaire à tous les directeurs des programmes de la NASA pour leur signifier qu’il n’y a ni arrêt ni gel du programme. Ils lui donnent jusqu’au 1er mars pour s’exécuter.
Pour le représentant républicain de Floride Bill Posey, « la décision unilatérale de l’Administration de résilier certains contrats du programme Constellation, sans l’aval du Congrès, est une violation directe du droit et des droits du Congrès ». Comme sur la réforme de la santé ou la question du déficit budgétaire, Obama choisit, à l’instar de ses lamentables prédécesseurs Cheney et Bush, de gouverner à coups de décrets et d’ordonnances. La représentante démocrate de l’Arizona, Gabrielle Giffords, dont le mari est un astronaute de la navette spatiale, estime pour sa part que faire appel à des sociétés privées pour transporter les astronautes pose un risque à la sécurité nationale. Thomas Buffenberger, le président du syndicat des travailleurs du secteur spatial (IAM), a vertement critiqué la décision d’Obama. Pour lui, la NASA a toujours été une formidable locomotive pour l’innovation scientifique et technologique et rien ne prouve que sa privatisation créera des milliers de nouveaux emplois. « Puisqu’il n’y a aucune preuve pour étayer ces affirmations [de l’Office of Management and Budget], nous sommes forcés d’assumer qu’il s’agit d’une foi aveugle dans les marchés privés ».
En France, si l’astronaute français Patrick Baudry a qualifié la décision d’Obama d’« épouvantable gâchis », Jean-Loup Chrétien estime bêtement que « le recours au privé est incontournable (…) S’il veut se développer, le spatial ne peut rester indéfiniment entre les mains des militaires ou des administrations ». Pour le PDG d’Arianespace, Jean-Yves Le Gall, qui rêve d’accéder à « un nouveau marché », il s’agit même « d’un retour au bon sens. Les lanceurs comme Atlas 5 de Boeing et le Delta 4 de Lockheed Martin ont fait la preuve de leur fiabilité. Il ne reste plus qu’à les "humaniser" pour leur permettre de transporter aussi un équipage. Tout cela peut se faire très vite et à moindre coût ».
Pour Lyndon LaRouche, la coupe est plus que pleine. Après avoir longtemps hésité, il estime aujourd’hui qu’autant Nixon méritait la destitution pour avoir décapité le programma Apollo, Obama, rien que pour sa politique de santé qui réduit les dépenses médicales au détriment des malades, mérite plus que jamais la destitution.
Dans cette ambiance électrique, les électeurs américains s’ouvrent de plus en plus au message de Kesha Rogers, candidate larouchiste aux primaires démocrates qui se tiendront le 1er mars dans le 22e district du Texas, où se trouve le siège de la NASA. Le 17 février, Kesha Rogers a planté une immense bannière à l’entrée d’une réunion organisée par le candidat républicain, qui tente de capter le ferment de « grève de masse » qui secoue les Etats-Unis. Prenant la parole dans la salle, une représentante larouchiste leur a lancé un défi en affirmant que défendre le programme Constellation, c’était fort bien mais totalement insuffisant à l’heure actuelle. A ce stade, on « ne peut sauver la NASA qu’en arrêtant le renflouement inconditionnel des banques ». Cette intervention a immédiatement changé la donne, la curiosité des participants se tournant alors vers Kesha Rogers.
Comme l’a commenté Jacques Villain, membre de l’Académie de l’air et de l’espace (France), « l’histoire retiendra que c’est un président démocrate qui a lancé la conquête de la Lune, mais que c’est un autre président démocrate qui y a mis fin ». Car sans une mission explicite en vue d’établir une base lunaire et, au-delà, martienne, à quoi serviront les longs séjours dans la Station spatiale internationale (International Space Station). Pour beaucoup d’astronautes, avec Obama, on ne retournera pas dans l’espace, « on n’ira nulle part ».
Vidéo de Kesha Rogers devant le centre de la NASA à Houston, Texas.
Article :
Lyndon LaRouche : L’impératif de l’exploration spatiale
Vidéo de la NASA : Constellation