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- Varoufakis écoutant la question posée par Karel Vereycken pour Nouvelle Solidarité lors de la conférence de presse à Frangy-en-Bresse.
- Crédit : Louis Reymondon
L’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a été chaleureusement accueilli hier à la Fête de la Rose organisée chaque année par Arnaud Montebourg à Frangy-en-Bresse. Après le traitement infligé à la Grèce, tous se demandaient : « alors, l’euro, on reste ou on part ? ».
Après une réception et un repas fraternel, Varoufakis a donné une conférence de presse dans une petite salle pleine à craquer.
Pour le journal Nouvelle Solidarité, Karel Vereycken a demandé à l’ancien ministre grec s’il soutenait une séparation stricte entre banques du type Glass-Steagall. Alors qu’Hollande l’avait promis lors de son discours du Bourget sans passer aux actes, ce sujet est actuellement au cœur des débats présidentiels aux Etats-Unis et même le sujet d’une proposition de loi outre atlantique. Sans une telle séparation entre banques spéculatives et banques ordinaires de dépôt, la restructuration des dettes est quasiment impossible et pose le danger d’une crise systémique.
Varoufakis a répondu :
Je suis totalement en faveur d’une telle politique. Elle est impossible à mettre en œuvre au niveau français. Il faut donc la faire au niveau européen. Il n’existe plus de banques françaises, allemandes ou grecques. Cela souligne le besoin d’une vraie union bancaire européenne capable d’imposer une telle réforme à des banques devenues des monstres.
Lorsque Vereycken a offert à Varoufakis une copie du projet de loi S.1709 (le 21st Century Glass Steagall Act of 2015 of Warren, McCain and Cantwell), Varoufakis, voyant de quoi il s’agissait, a commenté : « Je connais Elizabeth » [Warren].
De façon tragique, Varoufakis, qui n’a plus la charge d’un portefeuille ministériel, persiste à croire que rester dans l’euro est la moins mauvaise de toutes les options possibles. Il continue donc à mobiliser son imagination et espère pouvoir trouver les moyens de soustraire l’euro et les banques centrales des mains de l’oligarchie financière qui tue actuellement la Grèce.
Quant à son hôte, Arnaud Montebourg a démissionné du gouvernement en août 2014. Le 7 juin, il a cosigné un article publié dans le Journal du Dimanche avec le banquier Matthieu Pigasse de la Banque Lazard affirmant que les politiques d’Hollande étaient un désastre. A la place de l’austérité, c’est de la croissance et des baisses d’impôts dont on a besoin, affirmaient-ils sans préciser comment l’obtenir. Pigasse, qui a conseillé le gouvernement grec lors de la décote de 30 % de la dette privée, a également défendu l’idée d’une décote de 30 % de la dette publique grecque, indispensable selon lui pour sauver l’euro.
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A Frangy, plus de 600 personnes, sous une pluie incessante, ont écouté le récit de Varoufakis tant sur l’origine de la crise que sur les techniques de torture appliquées par les « institutions ». Les banques ont fait faillite il y a cinq ans, a-t-il précisé. « Si vous voulez comprendre ce que sont les renflouements bancaires, allez voir MacBeth, le drame de Shakespeare ». Pour dissimuler un crime, elle est obligée d’en faire un nouveau. Les renflouements, c’est le même principe. Pour dissimuler le premier renflouement, on procède avec le deuxième et ainsi de suite.
Dans une déclaration poignante il a souligné qu’il n’était pas venu en France pour soutenir telle ou telle personnalité ni pour mendier une aide. C’est plutôt le contraire : « Je suis venu en France pour exprimer le soutien du peuple grec au français » qui ont désormais l’avenir de l’Europe et de la démocratie entre leurs mains. Les participants ont vivement applaudi tout en devenant blême devant la responsabilité qu’il leur donna.
Varoufakis a également souligné que la Grèce est assassinée afin de terroriser en particulier la France et les autres qui refusent de se soumettre à une austérité destructrice. « Le Printemps d’Athènes a été écrasé comme le Printemps de Prague (l’insurrection contre la dictature communiste de 1968). Cette fois-ci, non pas avec les tanks, mais avec les banques ».
Le véritable enjeu n’est pas l’économie, mais le politique. « Parmi les banquiers que j’ai rencontrés, aucun de ceux qui veulent récupérer leur argent ne soutient le troisième mémorandum ».
Dans le JDD du 23 août, Varoufakis précise :
La Grèce n’était pas si importante. La raison pour laquelle l’Eurogroupe, la troïka, le FMI ont passé tant de temps pour imposer leur volonté à une petite nation comme la nôtre est que nous sommes un laboratoire de l’austérité. Cela a été expérimenté en Grèce mais le but est évidemment de l’imposer ensuite à la France, à son modèle social, à son droit du travail.
Désormais en première ligne, les Français doivent maintenant relever le défi ou alors ils périront comme la Grèce.
Avant de venir à Frangy, Varoufakis s’est brièvement entretenu avec Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a invité Varoufakis à la conférence qu’il compte organiser sur le « Plan B » dont le contenu reste très vague, le plan A étant l’expulsion de la Grèce de la zone euro. Varoufakis annonce également la création d’un réseau international d’économistes progressistes.
VAROUFAKIS : DISCOURS INTEGRAL DE FRANGY
La proposition de loi de S&P
Tout parlementaire peut se saisir de notre proposition de loi pour initier une vraie réforme bancaire en France. À vous de les mobiliser !
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