- David Cameron exulte lors de la victoire de l’équipe de foot britannique contre l’Allemagne en mai 2012. Il compte renouveler l’exploit avec le TTIP en juin.
Le 12 février, lors de son discours sur l’état de l’Union, le Président américain Barack Obama a annoncé qu’il « lancera avec l’Union européenne des discussions sur un accord de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership — TTIP). Car, un commerce libre et équitable entre les deux rives de l’Atlantique est bénéfique pour des millions d’emplois américains bien rémunérés. »
Obama, une fois de plus, agissait comme le « caniche » d’une oligarchie financière anglo-américaine opérant à partir de la City et sa filiale Wall Street.
Car dès janvier de cette année, le Premier ministre David Cameron avait annoncé à coups de trompettes que le Royaume-Uni ferait tout pour marquer l’année 2013 de son sceau, en arrachant un accord commercial entre les Etats-Unis et l’UE dont l’entrée en vigueur est prévu pour 2015. Cameron, dans une lettre adressée au dirigeants du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, de la Russie et des Etats-Unis, alors que l’Angleterre préside au G8 cette année, disait qu’il considérait l’aboutissement d’un tel accord de libre-échange dès l’été comme le cœur de sa mission. Les Britanniques, en lançant dès maintenant leur offensive, espèrent imposer leur programme bien avant la réunion du prochain G8, prévue en juin à Lough Erne en Irlande du nord.
Rappelons aussi qu’à la veille du discours sur l’état de l’Union d’Obama, c’était au tour de la plupart des dirigeants européens, Angela Merkel en tête – après avoir décapité de 20% le budget des investissements prévus dans les infrastructures –, d’appuyer avec enthousiasme l’objectif britannique pour une zone de libre-échange transatlantique.
Alors qu’il s’agit, tout comme l’intégration politique européenne, d’un pas supplémentaire en direction d’une gouvernance mondiale, on chuchote qu’il s’agit de « faire bloc » face à la Chine, la plus grande puissance commerciale au monde.
A l’heure actuelle, le commerce entre les Etats-Unis et l’UE, avec 15 millions d’emplois, représente plus de la moitié du PIB mondial. En 2010, le montant de l’investissement américain en France et en Belgique rivalisait avec celui en Chine et en Inde, affirme Dan Hamilton du Center for Transatlantic Relations de l’Université John Hopkins. A l’avenir, estiment les libre-échangistes, le commerce euro-américain annuel, d’une valeur de 700 milliards de dollars, pourrait encore s’accroître si l’on fait sauter les restrictions tarifaires et réglementaires en créant un marché unique.
L’hebdomadaire allemand Der Spiegel cite la Chambre américaine de Commerce qui estime que « si les échanges seront facilités grâce à l’élimination des taxes et des normes, ils pourraient générer une croissance économique d’au moins 1,5% de chaque coté de l’Atlantique ». Le vice-président Joe Biden, pour sa part, affirme que si l’accord est conclu, les « fruits du succès seraient quasiment sans limites ».
Ceux qui s’occupent des relations transatlantiques qualifient un tel accord comme une « OTAN économique ». Il est vrai que dès la fondation de l’OTAN en 1948, Winston Churchill et sa clique envisageaient déjà un tel projet. George Orwell, dans son livre 1984 évoque d’ailleurs des zones comme Oceania et Eurasia. Et en effet, l’Article II de la charte de l’OTAN stipule que les Etats membres « chercheront à éliminer le conflit dans leurs politiques économiques internationales ».
Petit historique
1990 : La Communauté économique européenne (CEE) et ses Etats membres adoptent une « Déclaration transatlantique » visant à intensifier leurs relations avec les Etats-Unis.
1992 : Création du Transatlantic Policy Network (TPN), une puissante organisation bicéphale euro-américaine regroupant 47 représentants du Congrès américain et 88 députés du Parlement européen. Le TPN, un « réseau des réseaux », vise « à promouvoir un partenariat stable et fort entre les Etats-Unis et l’Europe pour influencer tout élément prioritaire et toute forme de développement ». Son président s’appelle Peter Sutherland, président de Goldman Sachs international, président de British Petroleum et ancien directeur général de l’OMC. TPN bénéficie du soutien de puissantes multinationales (comme LVMH, Bayer, Citigroup, Coca-Cola, Microsoft, Nestlé, Time Warner, Unilever, Walt Disney Company…) et des élus politiques (dont environ 8% des membres du Parlement européen).
1995 : Le 18 mai un partenariat économique transatlantique est proposé au sommet de Londres et Bill Clinton et le président de Commission européenne Jacques Santer signent le 3 décembre à Madrid le New Transatlantic Agenda (NTA) visant l’établissement d’un marché unique transatlantique et un plan d’action commun en matière de coopération policière et judiciaire.
1998 : La France, sous la présidence de Jacques Chirac avec Lionel Jospin comme Premier ministre, s’oppose à l’AMI (Accord multilateral d’investissement), un accord négocié secrètement au sein des vingt-neuf pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) entre 1995 et avril 1997.
2001 : Après les attentats du 11 septembre 2001, la Fondation Bertelsmann, largement financée par de grands groupes industriels et financiers et en liaison avec une myriade de think-tanks anglo-américains et allemands, lance son projet « L’avenir des relations transatlantiques » (2001-2004).
Dans ce cadre, elle crée deux groupes de travail, le Transatlantic Strategy Group on Economics, Finance and Trade, et le Transatlantic Strategy Group on Security. Pendant deux ans, ces groupes vont élaborer des recommandations qui seront transmises aux gouvernements en vue d’une intégration euro-américaine.
2003 : Le 18 juillet, la Fondation Bertelsmann réunit à Reinhartshausen, en Allemagne, une kyrielle de représentants du monde transatlantique, sous le titre « USA-UE : recommandations pour une nouvelle alliance ». Dans les conclusions du colloque, Werner Weidenfeld précise que :
nous ne pouvons pas nous permettre une érosion continue de ce partenariat si nécessaire. Une rupture civilisationnelle avec l’Amérique aurait des conséquences catastrophiques dans les domaines politique, de la sécurité et économique ».
Toujours en 2003, L’UE accélère sa propre gouvernance supranationale. Aussi bien la Convention européenne de 2003, le « Traité de Rome » de 2004, que le Traité de Lisbonne de 2007, ont été rédigés en vue d’une éventuelle intégration politique de l’UE avec les Etats-Unis.
2007 : Le 30 avril, George Bush reçoit Angela Merkel et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso à la Maison Blanche pour signer « l’accord cadre pour faire progresser l’intégration économique transatlantique entre l’UE et les Etats-Unis ».
Une nouvelle institution consultative est alors appelée à exister, le Conseil économique transatlantique (CET) qui, « à la lumière de notre engagement commun vise à abolir les barrières du commerce transatlantique ; à rationaliser, réformer, et là où cela s’avère approprié, à réduire les régulations pour renforcer le secteur privé ; à rendre plus efficace, systématique et transparente la coopération sur la réglementation en vue de réduire les coûts de celle-ci aux consommateurs et aux producteurs ; afin d’éliminer des différences non nécessaires entre nos réglementations pour favoriser l’intégration économique ; etc. »
Le CET s’érige également comme un pont direct entre le Parlement européen et le Congrès américain. En juin de la même année, Edouard Balladur, publie chez Fayard son livre Pour une Union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis où il plaide pour la création « d’un grand marché commercial commun avec l’institution d’une Union douanière » et des accords monétaires pour éviter la trop grande fluctuation entre les deux monnaies. En politique étrangère, les deux partenaires accepteraient de se coordonner avant toute décision importante, instaurant une meilleure distribution des tâches dans les questions militaires.
Un rapport du Parlement européen « sur l’état des relations transatlantiques », daté du 3 mars 2009, « congratule Barack Obama pour son élection comme Président des Etats-Unis ; rappelle l’engagement chaleureux au partenariat transatlantique exprimé lors de son discours de Berlin en juillet 2008 ». Le rapport souligne que « l’élan actuel devrait être utilisé pour remplacer le NTA de 1995 avec un nouvel accord de partenariat transatlantique, afin d’offrir une relation plus stable et plus à jour ». La résolution précise également « qu’il est approprié que l’on lance les négociations pour un tel accord, une fois le Traité de Lisbonne entré en vigueur ».
Au-delà d’une grande zone de libre-échange, à terme, c’est bien d’une intégration politique, juridique et militaire dont il est question.
Sur la question militaire, le rapport plaide pour la militarisation de l’UE : « l’importance de l’OTAN comme pierre angulaire de la sécurité transatlantique » et « se félicite de la décision du Conseil européen de décembre 2008 visant à renforcer le partenariat stratégique entre l’UE et l’OTAN, et appelle les deux partenaires à accélérer la création d’un groupe de haut niveau UE-OTAN afin d’améliorer la coopération entre les deux organisations ».
Sur le plan d’une intégration politique, le rapport :
souligne une fois de plus qu’un nouvel accord devrait transformer le Transatlantic Legislators’ Dialogue (TLD) dans une assemblée transatlantique, servant de forum à un dialogue parlementaire, à l’identification d’objectifs conjoints pour la réalisation de l’accord, et pour la coordination du travail du Parlement européen et du Congrès américain sur des sujets d’intérêt commun, y compris des coopérations rapprochées entre comités et rapporteurs des deux côtés ».
Le rapport estime également que « cette assemblée devrait siéger en session plénière deux fois par an et être composée d’un nombre égal de parlementaires européens et américains ; que cette assemblée pourrait établir des groupes de travail pour préparer les sessions plénières ; qu’un comité de direction devrait être responsable pour faciliter la coopération entre les comités des législateurs et les rapporteurs du Parlement européen et le Congrès américain sur des législations relatives à l’intégration du marché transatlantique, et en particulier le travail du CET. »
On le voit, à l’identique de la « construction » européenne, on passe, sans trop consulter l’avis des peuples, d’un marché commun à un marché unique. Une fois arrivé à ce point, la nécessité d’une « monnaie unique » et pourquoi pas mondiale et celle d’une « gouvernance » commune se fait jour. En échange d’abandons de souveraineté inestimables, les peuples reçoivent le droit de renflouer les banques et de sacrifier leur niveau de vie, leur salaire, leur santé, leur retraite et l’avenir de leurs enfants !
Le 18 février, Le Monde constatait qu’« il n’a pas échappé aux Américains que dans la gamme de l’enthousiasme européen sur le libre-échange transatlantique, si Angela Merkel et David Cameron sont dans les aigus, François Hollande, lui, la joue plutôt en sourdine. (…) La ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, a lancé une consultation avant d’arrêter la position française dans le mandat de négociation qui va être confié par les Etats membres à la Commission européenne. »
Cependant, si Cameron et Obama pensent pouvoir passer en force, c’est bien qu’ils sentent que le reste de l’Europe est soit gagné à la cause, soit trop affaibli pour résister. Lors du dernier sommet européen, la France a pu sauver de justesse la Politique agricole commune (PAC), gage minimal pour préserver la sécurité alimentaire, mais a échoué à mobiliser l’Europe pour un projet alternatif. C’est donc à Solidarité & Progrès de le mettre sur la table.
# petite souris
• 13/03/2013 - 19:14
..........et il y en a qui disent que les grands bretons sont les valets des stètes !!!
Merci de rectifier
C’est beaucoup plus dangereux pour l’europe
Il est vrai que ceux de cette île trans-Manche n’ont jamais supporté ni oublié qu’elle fut conquise au XII° siècle par des normands..... français
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