A l’approche de la date limite pour les inscriptions, ça se bouscule drôlement au portillon pour devenir membre fondateur de la Banque asiatique pour l’investissement dans l’infrastructure (BAII ou AIIB en anglais).
Le grand absent reste les Etats-Unis, ce que regrettent de nombreux experts réunis lors du Forum annuel sur l’Asie à Boao en Chine où le président chinois Xi Jinping est venu pour expliquer une fois de plus la stratégie chinoise des Nouvelle routes de la soie visant à bâtir la paix par le développement mutuel.
Rappelons qu’en octobre 2014, lors de la cérémonie de signature de l’établissement de la BAII à Beijing, ce sont 21 pays qui signent la convention à cet instance : la Chine, l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, les Philippines, le Pakistan, le Bangladesh, le Brunei, le Cambodge, le Kazakhstan, le Koweït, le Laos, la Birmanie, la Mongolie, le Népal, l’Oman, le Qatar, la Sri Lanka, l’Ouzbékistan et le Vietnam. Suivent alors, d’abord en 2014 : l’Indonésie (27 novembre) et la Nouvelle Zélande (28 novembre).
Ensuite, en 2015, c’est le tour de l’Arabie Saoudite (13 janvier), le Tadjikistan (13 janvier), le Royaume-Uni (13 mars), la France (17 mars), l’Allemagne (17 mars), l’Italie (17 mars), le Luxembourg (19 mars), la Suisse (20 mars), l’Autriche (24 mars), la Géorgie (27 mars), la Turquie (27 mars), la Corée du Sud (27 mars), la Russie (28 mars), le Brésil (28 mars), le Danemark (28 mars), l’Espagne (28 mars), les Pays-Bas (28 mars), Hong-Kong (29 mars), l’Australie (29 mars), l’Egypte (30 mars), la Suède (30 mars) et la Finlande (30 mars).
Et plusieurs autres pays intéressés restent en lice et pourront s’annoncer dans les jours qui viennent : l’Argentine, la Belgique, le Mexique, l’Afrique du Sud, Taïwan et même l’Ukraine.
Ainsi, au dernier décompte, lundi 30 mars, ce sont 45 pays qui ont rejoint ou ont fait connaître leur volonté de rejoindre la BAII comme membres fondateurs, plus que le double d’octobre 2014 !
De toutes les grandes puissances économiques, seuls les États-Unis, le Japon et le Canada n’ont pas déclaré leur intention de rejoindre. Ils pourraient encore appliquer à la dernière minute ou rejoindre par la suite comme des simples membres. Le Japon risque de surprendre une fois de plus son allié américain.
Au Forum de Boao, tout le monde se rend bien compte qu’on vit un « moment historique ». Évidemment, la réaction hostile du gouvernement américain est au centre de tous les débats.
L’autre question qui préoccupe tout le monde est de savoir si la BAII que propose la Chine va détrôner les États-Unis comme leader de l’ordre financier mondial.
Il est vrai que la Chine s’engage : au-delà des 50 milliards de dollars qu’elle va mobiliser pour l’AIIB (sur le total d’environ 100 milliards de dollars), elle va allouer 40 milliards à un fonds pour la « Nouvelle route de la soie », destiné lui aussi aux chantiers d’infrastructures. Il faut y ajouter 10 milliards au sein de la Nouvelle banque de développement (NDB) créée par les BRICS à Fortaleza (d’un capital total de 50 milliards de dollars) et 41 milliards pour un fonds d’urgence lancé par les mêmes pays pour prévenir les risques de crise. Rien qu’en comptant ces institutions, la Chine investit 150 milliards de dollars dans le développement des infrastructures. Et d’autres dispositifs sont en gestation : le fonds pour la Route de la soie maritime (20 milliards de dollars) ; la banque de développement pour l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale (ASACR) (20 milliards de dollars) ou encore la Banque de coopération de Shanghai.
N’empêche que les intervenants chinois au Forum gardent le profil bas. L’ancien président de la Banque Export-Import chinoise Li Ruogu estime que comparer la BAII avec les accords de Bretton Woods de 1944 « n’est pas approprié ». Pour lui, il s’agit avant tout de combler un manque très réel : celui de mobiliser les capitaux pour financer les infrastructures dont l’Asie a urgemment besoin.
D’après une étude de la Banque asiatique de développement (BAD), si l’Asie veut maintenir ses taux de croissance actuels, ce sont 8000 milliards de dollars qui devront être investis dans l’infrastructure.
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