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- Photo du disque protoplanétaire HL Tauri
- Image obtenue par le système de radiotélescopes ALMA de la jeune étoile HL Tauri, avec son incroyable disque protoplanétaire, dont les sillons marquent le début du processus de formation des planètes.
- Crédit : Credit: ALMA (NRAO/ESO/NAOJ); C. Brogan, B. Saxton (NRAO/AUI/NSF)
L’année 2014 aura été une année faste pour l’astronomie. En effet, une semaine avant que Philae ne se pose sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko (Tchoury pour les intimes) le 12 novembre, à la recherche d’indices nous permettant de remonter aux origines de notre système solaire, une autre nouvelle stupéfiante, dans ce cas ci une photo, nous parvenait le 6 novembre d’un système solaire en formation : le disque protoplanétaire HL Tauri.
Situé à 450 années-lumière (à peine 100 fois plus loin que notre étoile voisine la plus proche, en gardant à l’esprit que notre galaxie a un diamètre de 100 000 années-lumière), dans la constellation du Taureau, HL Tauri est un tout jeune système solaire, qui n’a même pas célébré son premier million d’années d’existence.
Chose encore plus étonnante : contrairement à ce que pensaient jusqu’ici les astronomes, la photo nous montre, avec un degré de précision jamais atteint auparavant, un disque protoplanétaire ressemblant à un bon vieux microsillon, où l’on peut distinguer d’étroites bandes noires où auraient déjà commencé à se former les premières planètes ! En effet, en collectant les petits corps situés tout au long de leur parcours, les planètes « nettoient » leurs orbites tout en laissant entre elles de larges bandes (celles qui sont illuminées sur la photo), qui deviendront de plus en plus étroites au fur et à mesure que progressera le processus d’accrétion planétaire.
Les planètes sont pour l’instant trop petites pour qu’on puisse les distinguer sur la photo avec nos moyens de mesure actuels, mais cette image vient confirmer, avec un niveau de détail inégalé jusqu’ici, la célèbre théorie publiée en 1969 par le planétologue russe Viktor Safronov, sur le processus d’accrétion des planètes dans un système solaire en formation.
Cette photo fascinante a été obtenue grâce au tout nouveau dispositif Atacama Large Millimeter/submillimeter Array’s (ALMA) : il s’agit d’un système de 66 radiotélescopes, séparés entre eux par une distance pouvant aller jusqu’à 16 km, observant le ciel à des longueurs d’ondes beaucoup plus longues que la lumière visible et par conséquent capables de scruter derrière les nuages de poussière et au cœur des nébuleuses.
« Ces caractéristiques sont presque certainement le résultat de jeunes corps ressemblant à des planètes qui sont en train de se former au sein du disque. C’est une chose surprenante puisque HL Tauri n’a pas plus d’un million d’années et qu’on ne s’attend pas à ce que des étoiles jeunes comme celles-ci aient des corps planétaires suffisamment larges pour pour produire des structures comme celles que nous voyons dans cette image », a déclaré le directeur adjoint d’ALMA, Stuartt Corder.
Tony Beasley, le directeur du National Radio Astronomy Observatory (NRAO) situé à Charlottesville, Virginie, et qui gère également les opérations d’ALMA pour les astronomes nord-américains, explique que « ces nouveaux résultats inattendus fournissent une vue incroyable sur le processus de formation des planètes. Une telle précision est essentielle pour comprendre comment notre propre Système solaire est né et comment les planètes se forment un peu partout dans l’univers. »
D’après les données dont nous disposons pour notre propre système solaire, il a fallu compter au moins une dizaine de millions d’années avant que n’apparaissent les premières planètes. D’après nos actuelles « horloges isotopiques », par lesquelles nous mesurons l’âge des premiers petits corps qui se sont formés dans notre système solaire, nous estimons qu’il a déjà fallu patienter un million d’années avant que ne se forment ce que l’on appelle les inclusions minérales riches en calcium et en aluminium (CAI d’après leur acronyme anglais), des petits corps blancs de quelques millimètres de grosseur, que l’on retrouve sur Terre dans les météorites en provenance d’astéroïdes de taille modeste.
C’est seulement plus de deux millions d’années plus tard qu’auraient été créés, à des températures bien plus basses et sur une période de temps beaucoup plus brève que les CAI, les chondres, des petites billes composées majoritairement de silicates. Ils formèrent ensuite, avec les CAI et d’autres petits corps composés d’éléments métalliques, l’essentiel de la matière constituant les astéroïdes. Les plus gros astéroïdes auraient ensuite réussi à « rafler la mise » et à se constituer en planétoïdes, et ensuite en planètes, un processus qui semble effectivement avoir pris un temps beaucoup plus long, du moins pour ce qui concerne notre propre système solaire.
ALMA a été construit sur un plateau situé à 5000 mètres d’altitude au nord du Chili, en partenariat avec des observatoires européen, japonais, taïwanais, américain et canadien, pour un coût de 1,4 milliards de dollars (similaire, ironiquement, à celui de la mission Rosetta). Il n’est devenu pleinement opérationnel qu’en mars 2013.
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