Dans un article du 6 juillet, le New York Times dénonce les nombreuses dérives du tribunal en charge des demandes de mise sous écoute par les services de renseignement américains, la Cour FISA [1], qui est quasiment devenue selon le quotidien, l’équivalent d’une « Cour suprême parallèle », dont les décisions sont en train de former un véritable corpus de lois secrètes en matière constitutionnelle. Le NYT explique que certaines de ses décisions, la plupart du temps secrètes, atteignent la centaine de pages.
Un ancien juge de la Cour FISA, James Robertson, qui a quitté le tribunal fin 2005 en protestation contre les programmes d’espionnage de la National Security Agency (NSA), a déclaré devant le Conseil présidentiel sur les questions de vie privée et de liberté publique (PCLOB) qu’il était « abasourdi » par les révélations du NYT.
Il a expliqué que lorsqu’il y siégeait, la Cour ne motivait pas ses décisions mais se contentait seulement d’approuver ou refuser les demandes de surveillance électronique, et que « la constitution d’un ensemble de lois et d’une jurisprudence au sein de la cour FISA ne fait pas partie de son expérience » à lui. Interrogé sur la constitutionnalité d’une telle pratique, Robertson a pesé ses mots : « Je ne pense pas que la Cour FISA elle-même soit... Je ne suis même pas sûr qu’il soit dans ses prérogatives de se prononcer sur la constitutionnalité des avis qu’elle rend. »
Robertson a fait remarquer qu’en vertu de la Loi d’amendement de la FISA de 2008, la Cour FISA est en mesure aujourd’hui d’approuver des programmes entiers de surveillance, et non plus seulement des demandes individuelles. La Cour agit par conséquent plutôt comme une agence administrative, faisant des règlements à l’intention d’autres entités, ce qui n’est pas sa fonction initiale.
Selon un ancien responsable des services de renseignement cité par le NYT, la cour FISA a utilisé une doctrine, la « doctrine sur les droits spéciaux », établie par la Cour suprême en 1989 afin de traquer la consommation de stupéfiants des cheminots, pour justifier l’existence de programmes de surveillance à grande échelle dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Cette doctrine devait constituer une exception au respect du 4ème amendement à la Constitution (celui protégeant la vie privée). En réalité, elle a permis de justifier, dans des cas exceptionnels, la violation de la vie privée, par exemple la fouille corporelle à l’entrée d’aéroports, ou la lutte contre la conduite en état d’ébriété.
Aujourd’hui, comme le dénonce le lanceur d’alerte Edward Snowden, il apparaît que la Cour FISA a élargi considérablement le domaine d’application de cette doctrine, et ce de manière secrète.
[1] Une cour établie en 1978 dans le cadre de la Loi sur la surveillance des renseignements étrangers (Foreign Intelligence Surveillance Act).
# Eric
• 15/07/2013 - 20:47
Ce genre de dérive scandaleuse est inhérent à un régime politique républicain, car le peuple est écarté de l’exercice de la souveraineté. Cette Cour FISA pourrait exister dans une Amérique démocratique, mais les citoyens l’empêcheraient de fouler aux pieds le quatrième amendement.
Répondre à ce message