Lors de leur premier débat télévisé le 18 octobre, les deux auteurs d’initiatives parlementaires pour la séparation bancaire, le social-démocrate Corrado Pardini et le vice-président du Parti du peuple suisse Christoph Blocher ont fait comprendre que leur « alliance contre nature », baptisée ainsi par le lobby bancaire, reste solide. Contrairement à ce qu’écrit le quotidien des « gnomes de Zurich », le Neue Züricher Zeitung, les deux hommes politiques entendent obtenir une séparation totale et stricte des banques selon le modèle de Glass-Steagall.
Face aux arguments de leurs adversaires, tant Blocher que Pardini ont bien défendu leurs deux résolutions parlementaires, identiques mais séparées, appelant à séparer « les banques faisant du trading pour compte propre » de celles « gérant les dépôts et le patrimoine », et se sont dits confiants de pouvoir s’entendre sur le second point aussi, celui du niveau des réserves obligatoires.
La Suisse a besoin de banques, s’est exclamé Pardini, mais de banques qui sont utiles à la communauté, qui accordent du crédit, prennent les dépôts, financent les hypothèques et gèrent le patrimoine. Il faut les séparer de celles qui sont actives sur les marché financiers. Les premières doivent être protégées, les secondes pas. Si elles font faillite, cela ne mettra pas en danger la société.
Blocher a appelé en plus à mettre fin à l’« américanisation » du système bancaire suisse, signifiant la croissance anormale du trading financier, en particulier à l’étranger, de la part des deux géants suisses que sont UBS et Crédit Suisse.
Face à leurs adversaires qui faisaient l’éloge de la « stabilité » des deux mégabanques, les deux dirigeants ont démontré le contraire. En effet, il n’existe aucun autre pays au monde où deux banques possèdent cinq fois plus d’actifs que le PIB. Ceci est un risque systémique qui doit être éliminé.
Par ailleurs, le 16 octobre, l’auteur Gian Trepp, un membre de la Commission du parti social-démocrate qui a négocié l’alliance avec le PPS de Blocher, a réfuté le président de la Fédération des banques cantonales, Urs Müller, qui avait prôné plus de régulation pour les grandes banques et moins pour les banques cantonales, actives à l’échelle nationale.
Selon Trepp, Müller a une vision fausse du « système suisse de régulation traditionnel, libéral ». La révolution « libérale » de 1848 n’est qu’un élément de l’identité nationale suisse, avec deux autres grandes dates : 1291 et 1918. « La triade 1291-1848-1918 permet de définir, à la manière d’un arc, le terme ’’intérêt économique national’’ pour le 21e siècle, écrit Trepp, et avec ceci le fondement d’une réforme urgente du système bancaire suisse. »
Pour nos lecteurs qui ne sont pas familiers avec l’histoire de la Suisse, une courte explication est nécessaire. La nation suisse est née en 1291, lorsque trois cantons se sont unis pour fonder un état fédéral, regagnant la liberté qui leur avait été conférée par l’Empereur Frédéric II de Hohenstaufen, puis subtilisée par un roi Habsbourg. La Charte fédérale de 1291, qui recelait le germe d’un état constitutionnel, est aujourd’hui considérée, avec le Serment du Rütli ultérieurement, ainsi que la légende de Guillaume Tell célébrée par le poète Friedrich Schiller, comme une réflexion des idées fondatrices de la nation suisse. L’union des trois cantons qui s’étaient fait la guerre anticipait de quelques siècles le principe du « Traité de Westphalie ». Les belligérants reconnurent qu’une solution ne pouvait exister que s’ils faisaient de l’ancien ennemi un allié.
En 1918, lors de la dernière phase de la Première guerre mondiale, et suite à l’épidémie de grippe ayant décimé la population, la Suisse fut paralysée par une grève générale. Celle-ci fut éventuellement réprimée, mais le gouvernement se vit forcé de reconnaître les revendications, et d’introduire des droits sociaux et civiques, tels le droit de vote universel, la semaine de 48 heures, les droits syndicaux, etc.
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