Deux interventions récentes du président russe, au Club Valdaï le 24 octobre et devant le Conseil de la Fédération russe, le 4 décembre, retiennent notre attention.
C’est le 4 décembre que Poutine a prononcé les paroles qui ont amené des dirigeants européens à prendre quelques distances avec Washington.
Le matin même, « l’Emirat du Caucase » avait lancé une violente attaque terroriste à Grozny, en Tchétchénie, se soldant par quatorze morts et dix blessés. Poutine a réagi à ces incidents en rappelant « la politique d’endiguement » menée par les Thatcher et les Bush « contre la Russie dans les années 1990-2000, lorsqu’ils soutenaient la rébellion tchétchène ».
Nous nous souvenons bien de l’identité et des procédés de ceux qui, presque ouvertement, ont soutenu à l’époque le séparatisme et même le terrorisme pur et simple en Russie, désignant comme des "rebelles" des meurtriers aux mains tachées de sang et organisant pour eux des réceptions de haut niveau.
Malgré notre ouverture sans précédent à l’époque (…), le soutien occidental au séparatisme en Russie, incluant un soutien informationnel, politique et financier, venant s’ajouter au soutien des services spéciaux, était absolument évident et ne laissait aucun doute sur le fait qu’ils seraient heureux de voir la Russie suivre le scénario yougoslave de désintégration et de démantèlement, avec toutes les retombées tragiques que cela entraînerait pour le peuple russe.
Cela n’a pas fonctionné…Tout comme cela n’a pas fonctionné pour Hitler avec ses idées de haine des peuples, qui a entrepris de détruire la Russie et de nous repousser au-delà de l’Oural. Tout le monde devrait se rappeler comment cela a fini.
Au club Valdaï, qui se réunit chaque année à Sotchi et où M. Poutine rassemble une centaine d’analystes et experts du monde entier pour trois jours de conférences et débats, dans une ambiance caractérisée, selon les participants, par un franc-parler exceptionnel, M. Poutine s’est livré à un examen particulièrement lucide de l’ordre mondial issu de l’effondrement de l’URSS.
Le monde a-t-il aujourd’hui « un filet de sécurité fiable ? a-t-il lancé.
Malheureusement, il n’y a aucune garantie (…) que le système actuel de sécurité
mondiale et régionale soit en mesure de nous protéger des bouleversements.
Ce système a été sérieusement affaibli, fragmenté et déformé. »
Certes, un grand nombre des mécanismes actuels visant à assurer l’ordre mondial ont été créés (…) dans la période suivant immédiatement la Seconde Guerre mondiale. Permettez-moi de souligner que la solidité du système créé à l’époque reposait non seulement sur l’équilibre des forces et les droits des pays vainqueurs, mais aussi sur le fait que les "pères fondateurs" de ce système se respectaient mutuellement, n’essayaient pas de faire pression sur les autres, mais tentaient de parvenir à des accords.
(…) Nous ne pouvions pas prendre ce mécanisme de freins et contrepoids que nous avions construit au cours des dernières décennies (…) et le détruire tout simplement sans rien reconstruire à sa place. Sinon, nous serions restés sans autres instruments que la force brute .
Mais les États-Unis, s’étant eux-mêmes déclarés vainqueurs de la Guerre froide, n’en voyaient pas le besoin (…) La Guerre froide a pris fin, mais pas avec la signature d’un traité de paix comprenant des accords clairs et transparents (…) ni la création d’un nouvel ensemble de règles et de normes.
Dans ce contexte, « le droit international a maintes fois été forcé de battre en retraite », alors que « dans le même temps, l’emprise totale sur les médias de masse mondiaux rendait possible (…) de faire passer le blanc pour du noir et le noir pour du blanc ».
Les ambitions de ce groupe sont devenues si grandes qu’ils ont commencé à présenter les politiques concoctées dans leurs corridors du pouvoir comme le point de vue de l’ensemble de la communauté internationale. Peut-être n’avons-nous aucune réelle raison de nous inquiéter (…) de poser des questions embarrassantes ?
Le leadership américain serait-il « vraiment une bénédiction pour nous tous ? (…) Ce n’est « absolument pas le cas. (…) Au lieu d’États stables, nous voyons la propagation croissante du chaos ; et à la place de la démocratie, on voit un soutien à un public très douteux, allant de néofascistes avoués à des islamistes radicaux.
Pourquoi alors accepter une telle politique ?
Les États-Unis ont toujours dit à leurs alliés : nous avons un ennemi commun (…) le centre du mal, et nous vous protégeons, vous, nos alliés, de cet ennemi. Nous avons donc le droit de vous donner des ordres, de vous forcer à sacrifier vos intérêts politiques et économiques et à payer votre quote-part du coût de cette défense collective, mais nous serons les responsables de tout cela, bien sûr !
Que veut Poutine ?
Poutine est-il réellement une menace pour les États-Unis ? Son programme économique de type rooseveltien – ou gaullien – ébauché le 4 décembre, montre qu’il est tout au plus un ennemi pour les spéculateurs sans foi ni loi.
En pleine crise, il avance un programme à marche forcée pour rendre son autonomie à l’économie russe, devenue « accro » à une manne financière fondée sur un prix surélevé du pétrole. D’abord, « en tournant la page des off-shores » [capitaux planqués dans les paradis fiscaux, ndlr] et en offrant une « amnistie fiscale totale » aux 500 milliards de dollars de capitaux russes qui s’y réfugient chaque année.
« Après les événements bien connus de Chypre et la campagne de sanctions en cours, a-t-il averti, nos hommes d’affaires ont enfin compris que leurs intérêts ne sont pas protégés à l’étranger, et qu’ils peuvent même se faire tondre comme des moutons. »
Par ailleurs, Poutine annonça une panoplie de mesures pour orienter le fonds de réserve russe vers des grands projets technologiques, un programme de substitution aux exportations et des incitations publiques pour les PME/PMI russes.
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