Dans un entretien accordé au journal suisse Le Temps, Diane Pierret, professeur de finance à l’Université de Lausanne, commente les résultats du test de résistance de 51 banques européennes rendus publics fin juillet.
Alors que l’Autorité bancaire européenne (EBA) assure que la santé du secteur s’est largement améliorée depuis la dernière crise financière en 2008 grâce aux nombreuses mesures prises, Diane Pierret avertit : le contribuable pourrait être appelé une nouvelle fois à renflouer des établissements en difficulté.
Les banques européennes ont besoin de 882 milliards d’euros
Le Temps : Quelles sont les principales leçons que vous tirez des résultats du test de résistance ?
Diane Pierret : Il y a avant tout un premier fait important. L’exercice de l’EBA est basé sur les chiffres de capitalisation bancaire de décembre 2015. Or il s’est passé beaucoup d’événements depuis, le Brexit par exemple. Entre novembre 2015 et fin juin 2016, la capitalisation boursière a baissé de plus de 40%. Mais les résultats publiés vendredi soir ne reflètent pas cette réalité. Si les chiffres catastrophiques de 2016 étaient pris en compte, le besoin en capital était, selon le modèle développé à l’université de Lausanne, de l’ordre de 882 milliards d’euros en juin 2016.
Selon l’EBA, quel serait le montant nécessaire ?
Elle n’a révélé aucun chiffre. Elle a publié des ratios, mais ne divulgue pas les règles utilisées. Elle ne rend public aucune information à ce sujet, mais entend discuter directement avec les banques qui, selon elle, ne résisteront pas à un choc. Si on appliquait les règles du dernier stress test de 2014, on aurait l’impression que tout va bien. Une seule Banca Monte Paschi di Siena (BMPS) rate l’examen, ce qui était déjà très prévisible. Vendredi, le conseil d’administration de cette banque s’est réuni en séance spéciale et a annoncé un plan de recapitalisation de 5 milliards d’euros. Cela donne l’impression que le problème BMPS est résolu [NDLR : le titre gagnait 3,5% à la mi-journée à la bourse italienne].
Selon vous, ce n’est pas le cas…
Si la règle américaine était appliquée pour calculer le manque du capital des banques européennes – elle est basée sur quatre différents ratios prudentiels pour mesurer la résistance aux chocs –, 29 banques européennes auraient échoué au test. Par conséquent, il y aurait eu un besoin de recapitalisation à hauteur de 123 milliards d’euros. L’autorité bancaire américaine a publié fin juin 2016 les résultats du test de résistance des banques américaines, mais aussi des filiales de grandes banques européennes installées aux Etats-Unis. La Deutsche Bank a échoué, même si c’est davantage pour des questions qualitatives. Si le test américain était étendu aux banques en Europe, la grande banque allemande aurait échoué une deuxième fois. Les grandes banques françaises dont BNP Paribas et Société Générale seraient dans cette catégorie.
Voulez-vous dire que l’EBA n’assume pas sa responsabilité ?
Je ne dis pas cela. En allant travailler directement avec les banques qu’elle estime être vulnérables, elle va jusqu’au bout de l’exercice. Mais tout dépendra des règles appliquées pour définir le manque de capital. Si les critères américains avaient été appliqués aux 34 grandes banques publiques, il y aurait un besoin de recapitalisation à hauteur de 92 milliards d’euros. Pour notre part, nous arrivons à des conclusions différentes parce que nous nous basons sur la capitalisation boursière des banques, et appliquons des pertes plus sévères dans un scénario correspondant à une chute des prix des actions similaire à la crise financière de 2008.
Quelles ont été les réactions du secteur bancaire européen à la publication des résultats par l’EBA ?
Il faut attendre encore pour voir les réactions, et attendre la fermeture des marchés pour se faire une idée. Dans le passé, les réactions ont été négatives et les résultats peu sévères de l’EBA ont souffert d’un manque de crédibilité. Après tout, l’institution se veut, c’est sa fonction, rassurante.
Celui qui a un compte en banque doit-il craindre quoi que ce soit ?
Non. En cas de défaut d’une banque, les dépôts sont garantis par l’État. Les actionnaires sont davantage concernés. Mais au final, c’est le contribuable qui pourrait une nouvelle fois être appelé à renflouer des banques en difficulté.
La promesse de l’Union bancaire de ne plus solliciter les contribuables n’est donc pas tenable…
Nous n’y sommes pas encore. Pour l’heure, l’EBA a fait le minimum pour assainir le bilan des banques et pour renforcer leur capitalisation. Lorsqu’on tarde à faire le nécessaire, les problèmes s’accumulent ; et le jour venu, le montant nécessaire pour sauver les banques est encore plus important.
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