Face à une Chine qui continue à déployer sa stratégie de paix par le développement qu’elle appelle Nouvelle route de la soie, les États-Unis se rebiffent, dénonçant la volonté chinoise de les détrôner du leadership mondial et multipliant les attitudes belliqueuses.
Exemple, la tentative de Barack Obama de faire adopter par le Congrès américain le Traité Transpacifique (TPP), par une voie express qui donne le pouvoir décisionnaire au président et écarte les élus du processus démocratique. Le TPP est un traité de libre-échange où Washington tente de rassembler tous ses alliés de la région Asie-Pacifique. Tous sauf la Chine !
Dans le Financial Times du 19 mai, Gideon Rachman a reconnu le véritable but de ce traité :
Pourquoi Barack Obama cherche-t-il si désespérément à obtenir un accord sur le TPP ? La réponse officielle à cette question est qu’il pense que la réduction des barrières [douanières] entre les douze principales économies du Pacifique, augmentera la prospérité. La réponse, la vraie, plus courte est : la Chine....
Obama l’a pratiquement admis, continue Rachman, lorsqu’il a dit : « Si nous n’écrivons pas les règles [via le TPP], c’est la Chine qui le fera ». Pour Rachman la vraie cible de Washington est la nouvelle route de la soie chinoise :
L’incapacité de l’Amérique d’empêcher ses importants alliés de rejoindre la Banque asiatique d’Investissements dans l’infrastructure (BAII) parrainée par la Chine, a été une véritable humiliation pour les États-Unis. Ils craignent que la BAII ne devienne l’instrument pour promouvoir la stratégie chinoise ’’d’une Ceinture, une Route’’ destinée à financer de nouveaux réseaux infrastructurels en Asie Pacifique.
Confrontation militaire
Mais Obama ne se contente pas d’une manœuvre d’enveloppement économique de la Chine. Le 21 mai dernier, l’avion espion américain le plus sophistiqué, le P8-A Poséidon, a survolé les îles Spratley, notamment le récif Mischief, que la Chine a récupéré de la mer par poldérisation, pour y installer des ports et des équipements.
Face aux vives protestations de la Chine, qui a fait à l’avion 8 sommations auxquelles le pilote a refusé d’obtempérer, les États-Unis ont prétendu que leur avion se trouvait dans l’espace aérien international. Le 24 mai, cependant, le Pentagone déclarait que les États-Unis ne reconnaissaient pas la souveraineté de ces îles créées artificiellement.
Très remonté Ashton Carter, le secrétaire à la Défense des États-Unis, déclarait le 27 mai : « Ne vous y trompez pas : les États-Unis survoleront, navigueront et opéreront partout où le droit international le leur permet ». Les États-Unis accusent la Chine de vouloir leur « interdire l’accès », aux mers de Chine.
Les impériaux à la manœuvre
Derrière ce durcissement de l’attitude américaine, on voit l’ombre du très influent Conseil des relations étrangères de New York (CFR), fondé par John Foster et Allen Dulles, qui ont toujours prôné le partenariat spécial entre impériaux anglais et américains.
En mars dernier, cette institution publiait un manuel pour contrer la menace chinoise : « Réviser la grande stratégie américaine envers la Chine », écrit par deux « fellows » de la fondation Henry Kissinger : Robert D. Blackwill et Ashley J. Tellis.
Selon ces auteurs, bien qu’on ait souvent dit que George Bush père avait adopté, à la chute du communisme, une stratégie visant a empêcher « l’émergence de tout nouveau compétiteur global » aux États-Unis, en réalité, leur stratégie aurait été de tenter « d’intégrer » les anciens « compétiteurs », dont la Chine, dans l’ordre libéral international. Cette politique ayant échoué et « généré de nouvelles menaces contre la primauté américaine en Asie », Washington doit désormais adopter une attitude ayant pour but, non « d’intégrer », mais « d’équilibrer » la puissance chinoise.
Ces changements doivent « dériver d’une claire prise de conscience que l’idée de préserver la primauté américaine dans le système global doit rester l’objectif central de la grande stratégie américaine au XXIe siècle ».
Le CFR recommande aux États-Unis de revitaliser leur économie pour retrouver des « avantages économiques asymétriques sur les autres » ; d’établir de « nouveaux accords commerciaux préférentiels parmi leurs amis (…) excluant délibérément la Chine » ; de « rétablir des contrôles technologiques (...) afin d’empêcher la Chine d’acquérir les capacités stratégiques et militaires lui permettant de provoquer ’’des dégâts stratégiques majeurs’’ aux États-Unis et à ses alliés, (...) d’améliorer la capacité des forces militaires américaines pour leur permettre de projeter leur pouvoir aux marges de l’Asie, malgré toute opposition chinoise ».
La voilà donc, la géopolitique de Haushofer et MacKinder, que nous devons éliminer afin de garantir la paix dans le monde.
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