Par Hussein Askary, président de l’EAP, notre parti frère en Suède. Il fut un des intervenant lors de la dernière conférence de l’Institut Schiller en Allemagne et contribue régulièrement à notre revue internationale Executive Intelligence Review (EIR).
Hassan Rohani a obtenu la nette majorité des votes dès le premier tour et a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle iranienne du 14 juin 2013, qui s’est déroulée dans une atmosphère calme et sans aucune contestation du résultat de la part des candidats conservateurs.
Lors de l’élection présidentielle de 2009, le deuxième tour entre le réformiste Mir-Hossein Musavi et le président Mahmoud Ahmadinejad avait donné lieu à des tensions et même des émeutes et tentatives de déstabilisation, incluant des opérations soutenues par le renseignement britannique, menaçant l’ensemble de la nation. Le ministre de l’Intérieur Mostafa Mohammad Najjar a déclaré samedi que Rohani avait obtenu une majorité décisive avec plus de 50 % des votes, soit 18 613 000 sur un total de 35 458 000 votes exprimés.
Rohani faisait face à cinq autres candidats, la plupart des conservateurs, le plus influent étant le maire de Téhéran Mohammad Baqer Qalibaf, qui a reçu 6 077 000 votes. Les autres étaient Saïd Jalili (secrétaire du Conseil national suprême et principal négociateur de l’Iran sur la question nucléaire) ; Mohsen Rezaï (ancien commandant de l’armée iranienne) ; Ali Akbar Velayati (ancien ministre des Affaires étrangères et connu comme étant le plus proche du Chef suprême l’ayatollah Ali Khamenei) ; et Mohammad Gharazi (réformateur indépendant).
Tous les opposants ont, comme l’a rapporté l’agence de presse iranienne IRNA, félicité Rohani pour sa victoire et lui ont « offert de l’aider à construire le pays », et ont estimé que « le véritable vainqueur est le peuple iranien ».
Selon le ministère de l’Intérieur, 50 483 192 électeurs étaient éligibles pour cette élection présidentielle, et le taux de participation a été de 72.7%. Rohani a reçu la bénédiction du Chef suprême Khamenei, et a loué le peuple et le système politique iraniens pour cette victoire. Il a déclaré que la « participation enthousiaste de la population dans l’élection présidentielle de vendredi a été un test brillant pour la détermination des Iraniens, ainsi qu’un signe de leur maturité politique croissante et de leur insistance pour une démocratie religieuse ». Il a ajouté : « Des Iraniens confiants dans l’élection d’hier ont montré leur énorme capacité à faire face à une guerre psychologique de la part de puissances hégémoniques. » « Le vrai vainqueur de l’élection d’hier a été la nation iranienne », a-t-il proclamé.
L’élément montrant le plus clairement que la victoire de Rohani ne sera pas contestée est un message de félicitations qu’a fait parvenir au vainqueur le président du Conseil des gardiens de la Révolution, l’ayatollah Mohammad-Reza Mahdavi-Kani, dimanche le 16 juin. L’ayatollah a également félicité le peuple iranien pour avoir « créé une épopée politique le 14 juin », avant de faire part de ses vœux de succès à Rohani et à son futur gouvernement.
C’est cette assemblée qui avait rejeté la candidature de l’autre réformiste, Hashemi Rafsanjani, ainsi que celle de plusieurs autres avant l’élection. C’est la plus puissante institution conservatrice (et non-élue) du pays, après le Chef suprême Khamenei. Le président du parlement (le Majlis) Ali Larijani a également fait parvenir un message au vainqueur, déclarant que celui-ci « peut compter sur le taux de participation élevé dans l’élection de vendredi pour résoudre les problèmes existants dans le pays, incluant le chômage et la hausse des prix ». Il a ajouté que le Majlis coopérerait de tout cœur avec le nouveau gouvernement pour répondre aux attentes de la nation.
Il n’y a eu aucun signe de perturbation dans les rues de la capitale, Téhéran, ou dans d’autres grandes ville du pays. Des centaines de partisans de Rohani se sont rassemblés à l’extérieur de son QG de campagne en proclamant leur victoire, mais la police leur a poliment demandé de quitter les lieux car de tels rassemblements exigent une permission.
Evaluation de la situation
Même s’il n’est pas encore très facile de voir quels désaccords peuvent émerger entre le président et ses rivaux conservateurs dans un avenir proche, comme il est arrivé dans le passé avec l’ancien président réformiste Mohammad Khatami, ce sera en fin de compte la politique des Etats-Unis et de l’Europe envers l’Iran, ainsi que la capacité des Britanniques à manipuler les Etats-Unis et à semer la discorde dans la région, qui détermineront quelle direction prendra le nouveau président.
Rohani n’est pas étranger aux institutions du gouvernement et de la révolution en Iran. Il est Mujtahid en théologie chiite islamique (un très haut rang dans le clergé), et a été membre du Conseil des gardiens de la Révolution depuis 1999, ainsi que du Conseil de discernement (dirigé par Rafsanjani) depuis 1991. Plus important encore, il a été secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale pendant 16 ans sous les présidences Rafsanjani (1989-1997) et Khatami (1997-2005). Lors du deuxième mandat de Khatami, il a servi comme négociateur en chef sur les questions nucléaires avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Occident entre 2003 et 2005. Il a été un témoin privilégié du sabotage de ces pourparlers par les gouvernements Bush et Blair. Il a publié un livre en farsi sur ces négociations et sur la politique nucléaire iranienne.
Rohani est soutenu tant par les factions Khatami que Rafsanjani. La première milite pour une réelle réforme et la modernisation du système politique du pays, afin que l’Iran devienne une véritable république constitutionnelle, plutôt que de rester un état hybride, formé d’institutions élues et d’autres, non élues, à caractère théologique, et ce sans remettre en question l’énorme pouvoir du Chef suprême. La deuxième forme une élite plus libérale, orientée vers le libre-échange.
L’élection de Rohani, avec une importante avance, est une grande surprise pour tous les observateurs et même le peuple iranien. Tous les efforts du gouvernement Ahmadinejad et les institutions conservatrices du pays ont cherché à exclure et discréditer les candidats réformistes. Le fait qu’un si grand nombre de voix soit allé au seul candidat réformateur montre que même les gens pro-conservateurs (pauvres pour la plupart d’entre eux) aspirent à un réel changement dans leur condition économique.
Le président Ahmadinejad avait promis d’aider les pauvres et de s’attaquer à la corruption d’une économie dominée par une classe de marchands, mais a très peu fait dans ce sens, pendant que les prix s’envolaient et que le gouvernement se voyait forcé d’imposer l’austérité en éliminant les subsides publics sur la nourriture et l’essence. Bien entendu, ces conditions découlaient des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis et l’Europe, mais le ton provocateur d’Ahmadinejad et ses déclarations souvent délirantes contre Israël et l’Occident rendaient les choses encore plus difficiles à endurer pour le peuple iranien.
Rohani s’est concentré dans sa campagne sur les questions économiques, même si on ne connaît pas de manière détaillée son programme. Dans des apparitions publiques récentes, il a dit que sa priorité serait de combattre le chômage et les effets des sanctions économiques imposées à l’Iran. Un signe intéressant cependant de sa pensée concernant le rôle des grands projets d’infrastructure est son soutien à un grand projet visant à remplir le lac Ourmia, (une étendue d’eau salée en train de s’assécher au nord ouest du pays), par la construction d’un canal le reliant à la mer Caspienne. Les partisans de Rohani ont récemment demandé le soutien du public pour ce projet, affirmant qu’il serait l’un des premiers à être mis en œuvre par lui une fois élu président.
Rohani soutient également la technologie nucléaire, même s’il a récemment déclaré que la construction de nouvelle centrales nucléaires « ne devrait pas se faire au dépend de l’économie et du bien-être de la population », une déclaration quelque peu populiste cherchant à indiquer qu’il se concentrerait plus sur le soulagement des difficultés économiques actuelles de la population que sur les plans futurs.
Comme nous l’avons dit plus haut, la direction des actions prises par Washington, soit avec la Grande-Bretagne pour déclencher une troisième guerre mondiale en Asie du sud ouest et en Syrie en particulier, soit avec la Russie pour trouver une solution pacifique à l’actuelle tragédie économique mondiale, déterminera les politiques de tout gouvernement à l’œuvre dans la région, incluant celui de l’Iran.
De 1997 à 2005, l’Occident a bénéficié du meilleur de l’Iran, dans la personne d’un grand président, Mohammad Kathami, considéré comme un philosophe, initiateur d’un Dialogue des civilisations et ayant fait preuve d’une grande ouverture envers les diplomates américains qui cherchaient à préserver l’Iran dans sa souveraineté et son indépendance. Ceci n’a pas empêché toutefois l’Empire britannique de saboter tous ses efforts. Suite à l’attaque anglo-saoudienne du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis, et la séries de guerres qui s’en est suivie en Afghanistan et en Irak, toutes les initiatives de Kathami ont été repoussées.
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