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- Le pape François : "Ne perdons donc pas cet esprit joyeux, qui sait manier l’humour, et même l’autodérision, qui font de nous des personnes aimables même dans les situations difficiles".
- Crédit : Reuters
C’est le 22 décembre, lors de la traditionnelle cérémonie de fin d’année, d’habitude d’un caractère bon enfant, que le pape François, décidé à mener à bien une réforme financière et institutionnelle de l’institution romaine, a rudement secoué les plus hauts responsables de la curie romaine. D’une voix grave et sur un ton très ferme, François a sommé ses collaborateurs de se soigner, tout seul ou avec son aide, des « quinze maladies » dont ils souffrent.
Si nous en parlons ici, c’est que nous sommes convaincus que le spectre de sa critique dépasse de loin les conciliabules renfermés du Vatican, certes à bien des égards une caricature du problème, pour s’appliquer à merveille à bon nombre de nos institutions « républicaines » : partis politiques, gouvernement, ministères et hautes directions d’autres « corps intermédiaires ».
Lors d’une seconde audience, le Pape a rappelé le rôle de « ceux qui travaillent sans s’exhiber » : les « jardiniers, les balayeurs, etc. », et qui, souligne-t-il, forment « une mosaïque complémentaire » avec ceux qui occupent de hautes fonctions.
Face à la charge, au Vatican, « la guerre est déclarée » et « les Princes » de l’Église préparent la contre-attaque contre celui qui met à mal leurs privilèges. Le Vatican n’a pas encore traduit le discours en français et d’après certains, un coup de palais pourrait même raccourcir le pontificat.
Retour au christianisme évangélique
Il m’est impossible de cacher ici ma joie et mon soulagement lorsque j’entends dans les flèches qu’envoie le pape François l’écho du meilleur de la tradition du christianisme évangélique. Car, après la peste noire du XIVe siècle, c’est l’humanisme chrétien d’un Pétrarque, des Frères de la Vie Commune et le rire sain et libérateur d’un Thomas More, d’un Érasme de Rotterdam et de son disciple François Rabelais qui nous donneront la Renaissance.
Les 15 maladies curiales
Résumons les quinze « maladies curiales » qui gangrènent selon le Pape la haute direction du Vatican. Cependant, soulignons ici que toute ressemblance avec la vie interne de l’UMP, du PS ou du FN en France est purement fortuite.
Première maladie : « se sentir indispensable ». C’est du « narcissisme » lance le Pape. Deuxième maladie : la fuite en avant dans « l’activisme ». Or, dit François, il y a « un temps pour chaque chose ». Troisième problème : « la pétrification spirituelle » de ceux qui ont un « cœur dur ». Ils ont perdu « les sentiments de Jésus » et « deviennent incapables d’aimer ».
Vient ensuite « l’excessive planification », qui fait du pasteur « un comptable » qui ne laisse plus « piloter la liberté de l’Esprit saint ».
Autre difficulté :
La maladie de la mauvaise coordination. Quand il n’existe plus de communion entre les membres et que le corps est privé de son fonctionnement harmonieux et de sa tempérance en devenant un orchestre qui produit seulement du chahut, parce que ses membres ne collaborent pas et ne vivent pas l’esprit de communion et d’équipe. Lorsque le pied dit au bras : "je n’ai pas besoin de toi" ou la main à la tête : "c’est moi qui commande", provoquant ainsi malaise et scandale.
Sixième virus : la « maladie d’Alzheimer spirituelle » qui sévit chez ceux qui ont perdu « la mémoire de leur rencontre avec le Seigneur » et qui se laissent enfermer dans leurs « caprices et manies », devenant des « esclaves de leurs idoles, qu’ils ont sculptées eux-mêmes ».
Septième maladie ? : « la rivalité et la vaine gloire » guidée par la recherche des « apparences » et des « honneurs » au prix parfois d’un « faux mysticisme ». Autre difficulté : « la schizophrénie existentielle », qui conduit à « une double vie » et une « hypocrisie typique du vide spirituel que des titres académiques ne peuvent cacher ». La « conversion est alors urgente » lance François.
Neuvième affection : « les bavardages, les conciliabules, les cancans ». Ce « terrorisme du bavardage » ne s’exprime « jamais en face », mais « toujours dans le dos ». Dixième pathologie : celle de « la divinisation des chefs », soit un « carriérisme » et une attitude « mesquine ». Autre dénonciation : la « maladie de l’indifférence vis-à-vis des autres ».
La maladie des têtes d’enterrement
Douzième plaie : « la maladie des têtes d’enterrement » :
C’est celle des personnes bourrues et revêches, qui estiment que pour être sérieux il faut porter le masque de la mélancolie, de la sévérité, et traiter les autres – surtout ceux que l’on considère comme inférieurs – avec rigidité, dureté et arrogance. (...) [Pourtant] l’apôtre doit s’efforcer d’être une personne courtoise, sereine, enthousiaste et joyeuse qui transmet la joie quel que soit l’endroit où il se trouve. Un cœur empli de Dieu est un cœur heureux qui irradie et communique sa joie à tous ceux qui l’entourent : cela se voit tout de suite ! Ne perdons donc pas cet esprit joyeux, qui sait manier l’humour, et même l’autodérision, qui font de nous des personnes aimables même dans les situations difficiles. Comme une bonne dose d’humour sain nous fait du bien ! Réciter souvent la prière de saint Thomas More [voir encadré ci-dessous] nous fera le plus grand bien : je le fais tous les jours, cela me fait du bien.
Treizième mal : « la maladie de l’accumulation » de biens matériels. Quatorzième étape de ce chemin de croix : « la maladie des cercles fermés ». Enfin, dernière maladie, celle « du profit mondain, de l’exhibitionnisme », la « recherche insatiable du pouvoir ».
Pour y remédier, point besoin d’une nouvelle inquisition, juste un peu de bonne volonté. Car on ne peut que soigner ceux qui acceptent la nécessité de « se faire soigner ». Le Pape a demandé à chacun de ses collaborateurs de placer le Christ au centre de leur vie et « d’aller se confesser » avant Noël « avec une âme docile » afin de retrouver l’essentiel, c’est-à-dire « la joie ».
Le pape François compte y veiller, comme une simple mère de famille veillant « sur son enfant malade » et qui « ne regarde jamais la montre, ni ne se plaint jamais de ne pas avoir dormi et qui ne désire qu’une chose, c’est de le voir guéri à tout prix ».
Saint Thomas More
On me reproche de mêler boutades, facéties et joyeux propos aux sujets les plus graves. Avec Horace, j’estime qu’on peut dire la vérité en riant. Sans doute aussi convient-il mieux au laïc que je suis de transmettre sa pensée sur un mode allègre et enjoué, plutôt que sur le mode sérieux et solennel, à la façon des prédicateurs.
(Saint Thomas More – L’Utopie)
Prière de saint Thomas More pour obtenir l’humour
-*Accorde-moi, ô Seigneur, une bonne digestion et aussi quelque chose à digérer.
- Accorde-moi un corps en bonne santé et la bonne humeur permettant de le conserver,
- Accorde-moi une âme simple capable de chérir le bien, afin qu’elle ne s’épouvante pas en voyant le péché, mais sache redresser la situation.
- Accorde-moi une âme qui ignore l’ennui, le gémissement et le soupir et ne permet pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle « moi ».
- Accorde-moi, ô Seigneur, le sens de l’humour afin que je puisse tirer du bonheur de cette vie et le partager avec d’autres.
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