Ce dimanche 26 juin, l’inauguration d’un Canal de Panama remis à neuf et élargi va donner l’occasion à plusieurs chefs d’État de se retrouver devant cette artère stratégique qui voit passer 5 % du commerce mondial et qui a fêté discrètement sont centenaire en 2014.
Pour certains, le projet d’agrandissement du Canal de Panama a été le plus grand projet d’ingénierie et de construction depuis 100 ans, soit depuis que le canal initial a été creusé.
Plusieurs dirigeants étrangers viendront ainsi regarder le 26 juin une porte d’écluse s’ouvrir, mais pas m’importe laquelle : d’une largeur de 55 mètres, il s’agit de l’une des portes du tracé élargi du Canal de Panama, qui permettra à des porte-conteneurs presque trois fois plus volumineux de passer de l’océan Pacifique à l’Atlantique, à travers cette bande de 80 km de long chère aux pionniers français dans ce domaine, les ingénieurs Adolphe Godin de Lépinay (1821-1898) et Gustave Eiffel.
Ces derniers avaient défendu le canal à écluses contre Ferdinand de Lesseps qui s’entêtait à vouloir, comme à Suez, construire un canal au niveau de la mer. Les travaux de forçat pour tenter de creuser le canal dans la montagne sous une chaleur infernale coutèrent la vie à 27 500 personnes. Cela fut un échec et suite aux tentatives de le camoufler, « l’affaire de Panama » spolia pas moins de 800 000 petits porteurs. Des chiffres à comparer avec les 139 000 morts côté français lors de la guerre de 1870.
Doubler la capacité, tripler le tonnage
Le nouveau canal permettra de doubler la capacité de la voie d’eau et de tripler le tonnage en transit. Le Panama touche actuellement un bénéfice net de près de 1 milliard de dollars par an – une manne qui ne fera que s’accroître avec l’élargissement.
Cette tâche colossale a été confiée à un consortium baptisé Grupo Unido por el Canal (GUPC), constitué de l’italien Salini Impregilo, du belge Jan de Nul N.V., de l’espagnol Sacyr et du panaméen Constructora Urbana S.A.
Le prix maximum a été fixé par l’Autorité du Canal de Panama : 5,2 milliards de dollars américains. Le consortium réclame cependant des frais supplémentaires – un litige qui sera réglé devant un tribunal en juillet –, mais le coût total de la construction ne devrait pas dépasser les 6 milliards de dollars. A titre de comparaison, le prix pour le doublement du Canal de Suez (sans écluses) a été de 8 milliards de dollars.
Un travail de titans
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- Le 12 novembre 2014, les quatre dernières portes du Nouveau Canal de Panama, fabriquées en Italie et transportées par le Français Geodis, arrivent à Colon au Panama.
- Crédit : Getty images
Les nouvelles écluses sont des portes coulissantes qui pèsent 3300 tonnes chacune. Elles sont doubles (16 au total, 8 pour chaque écluse), de façon à permettre leur entretien sans interrompre le trafic, comme c’est le cas actuellement.
Chaque écluse compte trois bassins de récupération, qui recyclent 60 % de l’eau utilisée pour vider et emplir les bassins par gravité, une grande nouveauté. Les écluses agissent comme un escalier de géants, qui doit élever un navire à 26 mètres au-dessus de la mer et les faire redescendre de l’autre côté. Les opérations sont dirigées de chaque côté du canal par des tours de contrôle équipées de la dernière technologie électronique.
Le reste du canal a été approfondi et élargi, notamment la fameuse « coupe Gaillard » (ou « Culebra Cut ») que les Américains, il y a 100 ans, ont creusée à grand-peine dans la Cordillère centrale. Deux navires peuvent à présent s’y croiser, mais en prenant d’extrêmes précautions. Le niveau du lac Gatun, un lac artificiel qui constitue la plus grande partie du canal, a été relevé de 45 cm.
La grande nouveauté sera le passage par Panama des navires transportant du gaz de pétrole liquéfié, produit en grande quantité aux États-Unis, qui étaient trop volumineux pour le canal initial.
« Panama avait perdu énormément de clients et de services en faveur du Canal de Suez. Tous les bateaux plus gros que 4000 TEU devaient passer par Suez. D’ailleurs, Suez fait des réductions de 35 % sur ses tarifs pour les bateaux allant sur la côte américaine, en prévision de l’ouverture de Panama. Ça joue dur », résume un expert.
Chine ou Etats-Unis ?
Un enjeu planétaire se joue donc encore à Panama. Qui va profiter de cette capacité accrue ? Les Chinois ou les Américains ?
Les Chinois probablement, puisqu’ils pourront y faire transiter les premiers porte-conteneurs à la nouvelle norme dite « post-panamax », transportant non pas des matières premières comme du pétrole mais des produits qui évoluent en permanence et qui présentent une valeur ajoutée toujours plus élevée. Avec ses 13 000 conteneurs, le Cosco Shipping sera le premier à franchir les toutes nouvelles écluses construites spécialement pour ce type de navire.
La Chine se prépare par ailleurs à construire un autre canal, celui du Nicaragua, un projet historiquement soutenu par les Etats-Unis mais qu’ils ont été incapables de financer.
Ce qu’on peut dire, c’est que de tels travaux prennent 15 ans avec les banques occidentales, alors qu’il a suffit d’une seule année à l’Égypte pour doubler le Canal de Suez. Quant au nouveau Canal du Nicaragua, Il sera construit en moins de temps que l’élargissement de celui de Panama.
L’inauguration des nouvelles écluses, une fierté pour tous les Panaméens, aura lieu dimanche, mais les chefs d’État présents pourront, malgré le magnifique spectacle offert par l’ouverture de ces gigantesques portes, méditer sur les lenteurs d’un système financier occidental à bout de souffle.
# Frédéric
• 27/06/2016 - 14:50
Bonjour, je signale juste que le président des États-Unis Obama n’a pu se déplacé pour cette inauguration de travaux effectué par des entreprises européennes, c’est la femme du vice président Jill Biden qui représente cette nation :
https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2016/06/20/president-obama-announces-presidential-delegation-attend-inauguration
https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2016/06/26/dr-jill-biden-travels-panama-city-republic-panama-attend-inauguration-0
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# Frédéric
• 27/06/2016 - 14:57
Message parti trop vite, le canal du Nicaragua à du plomb dans l’aile. Le consortium HKND n’a pas les moyens de financé un projet de 50 milliards de $ a moins que le gouvernement chinois versent directement l’argent. Avec la crise boursière qu’a connut la Chine en début d’année, Wang-Jing aurait perdu plus de la moitié de sa fortune.
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