Dans un court article du 15 février, nous rapportions que Bill Gross, le PDG du plus grand gestionnaire d’obligations mondial (PIMCO), venait de publier un article avertissant du danger d’une supernova financière.
Dans cet article, Gross analyse les symptômes d’une hyperinflation imminente, conséquence de la politique de renflouement des bulles qui se sont succédées depuis l’abandon du système de Bretton Woods par Richard Nixon en 1971.
En dépit de son incapacité à offrir une solution de rechange, Gross pointe néanmoins vers le phénomène suivant : « Au cours des années 1980, il fallait 4 dollar de crédit pour générer 1 dollar de croissance du produit intérieur brut (PIB). Pour la dernière décennie, il en a fallu 10 et depuis 2006 il en faut 20 pour obtenir le même résultat. » Il a comparé la situation à « un monstre requérant des apports de plus en plus grands de combustible, une supernova en devenir qui s’étend et s’étend, mais dans un processus où elle finit par se consumer elle-même ».
Le phénomène d’embrayage cassé décrit par Gross, où le moteur s’emballe sans faire avancer la voiture, n’est en fait que la pointe de l’iceberg, comme il le suppute lui-même dans une note de bas de page où il précise que les statistiques de l’endettement qu’il utilise sont les chiffres officiels de l’endettement de l’Etat, des ménages et des entreprises, mais n’incluant pas la « shadow debt » (dette de l’ombre), constituée par l’immense bulle des produits dérivés financiers venant s’ajouter au total des obligations (gouvernementales et privées) en circulation.
En vérité, le rapport entre l’agrégat global de produits financiers (en vaste majorité des promesses de revenus à venir constituant une forme de dette) et les formes traditionnelles d’endettement a augmenté encore plus rapidement que celui entre cet endettement et le PIB.
Ainsi, en comparaison du chiffre de 20 dollars de dette donné par Gross pour générer une croissance de 1 dollar du PIB, c’est en réalité de 500 dollars de « produits financiers » pour 1 dollar de croissance du PIB qu’il s’agit.
Nous devons également garder à l’esprit que les chiffres du PIB sont eux-mêmes truqués, puisqu’ils sont depuis plus d’une décennie « ajustés » selon une pratique douteuse appelée calcul hédoniste, de manière à obtenir une hausse artificielle. Il faut enfin prendre en compte que le PIB comprend lui-même une part grandissant d’activités peu productives, dont un grand nombre de services parfaitement inutiles à l’économie réelle. Ceci a permis de dissimuler le fait que des pans entiers de l’économie réelle ont disparu au cours des dernières décennies, et ont été donnés en appât à cette supernova financière.
Ces pratiques folles viennent d’obtenir le soutien inconditionnel du directeur de la Réserve fédéral américaine Ben Bernanke lors de la dernière réunion du G-20 à Moscou. Bernanke a apporté son soutien aux récentes décisions du gouvernement japonais d’ « assouplir » davantage la quantité de monnaie en circulation, considérées par plusieurs en Europe et ailleurs comme une politique de guerre monétaire. La patronne du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a également défendu cette politique, en esquivant que les risques de guerre monétaires ont été « exagérés ».
Toute référence à la politique monétaire japonaise a donc été éliminée du communique final, faisant du G-20 un apôtre de la politique qu’il affirmait combattre au moment de sa création au lendemain de la crise de 2008.
Dans sa description de la situation, Bernanke a malgré tout concédé que « nous sommes encore loin de la conditions saines et énergiques que nous aimerions tous voir », un signe de son entêtement à vouloir émettre encore plus de dettes improductives, mais également un aveu d’impuissance face à un mécanisme d’emballement spectaculaire de ce qu’on appelait autrefois le capital fictif.
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