Tandis que la campagne en faveur d’une séparation stricte des banques continue à gagner du terrain aux Etats-Unis, en grande partie grâce aux efforts de la sénatrice Elizabeth Warren (dont le nom est de plus en plus cité comme candidate démocrate à la présidence américaine en 2016) et du Comité d’action politique de Lyndon LaRouche (LPAC), l’administration Obama tente de noyer le poisson avec des nouveaux faux-semblants de réforme bancaire.
La Maison blanche aurait donné aux cinq agences de régulation bancaire jusqu’au 9 décembre (c’est-à-dire aujourd’hui), pour finaliser les milliers de pages de la législation de réforme bancaire Dodd-Frank, en cours de rédaction depuis maintenant plus de 3 ans.
Comme le rapportent Phil Mattingly et Cheyenne Hopkins de l’agence Bloomberg, la partie n’est pas gagnée pour les banques (et leurs protecteurs à la Maison Blanche) car si les partisans d’une séparation plus stricte « estiment que la règle [ou plus précisément les décrets d’application de la règle Volcker, voir encadré ci-dessous] est trop faible, ils affirment qu’elle contribuera à faire avancer la campagne pour rétablir une loi datant de la grande Dépression connue comme Glass-Steagall, qui avait séparé jusqu’en 1999 les banques des maisons d’investissement. »
Un retour de bâton est à craindre, concluent-ils, faisant remarquer que les législateurs ont déjà rédigé des propositions de loi en faveur d’une séparation totale, pour l’instant en attente devant le Congrès. Ils précisent plus loin que l’administration Obama y est opposée, sous prétexte que la crise de 2008 avait été causée par les prêts hypothécaires excessifs des banques commerciales et non par la multiplication des transactions financières des banques d’affaires, oubliant de mentionner au passage tout le processus de titrisation reliant les deux secteurs.
Wall Street reprend de son côté l’argument à l’envers, en affirmant que c’est la faillite de Lehman Brothers, une banque d’investissement, qui a provoqué la crise, et non pas les banques commerciales en perdant l’argent de leurs épargnants.
Sur la pseudo-tentative de réforme, « Bloomberg » continue :
Si les gens ne sont pas satisfaits avec la mise en application de cette chose [la loi Dodd-Frank], cela redoublera la pression pour revoir la question et chercher autre chose », déclare Marcus Stanley, directeur de Americans for Financial Reform, un groupe regroupant plus de 250 organisations militant pour des restrictions plus fortes sur Wall Street.
Bloomberg cite un militant de l’association Public Citizen, Bartlett Naylor, disant : « D’un point de vue philosophique, ce que nous aimerions voir est le retour de Glass-Steagall. » Et rapporte ensuite les efforts des sénateurs Warren et McCain pour rétablir Glass-Steagall, de même que les déclarations de l’ancien grand patron de Citicorp Sandy Weill, dont la banque avait joué un rôle prépondérant en 1999 lors de l’abrogation de la loi, qui a dit en 2012 que cette décision avait été une erreur.
Quoiqu’il en soit, les banques entendent bien trouver, en dépit de la règle Volcker, un moyen pour spéculer avec les excès de liquidité fournie par la Réserve fédérale, puisque les conditions du libre-échange et de l’économie post-industrielle, combinées à l’austérité et à l’absence de toute politique de grand travaux publics de la part de l’administration Obama, ne leur permettent pas de prêter, même si elles le voulaient, aux entreprises américaines.
Seul Glass-Steagall permettrait, en effaçant le lourd fardeau des créances spéculatives et le pouvoir politique qui leur est associé, de créer la marge de manœuvre nécessaire pour une remise à plat de la politique économique transatlantique dans son ensemble, tout en coulant Wall Street.
Un Glass-Steagall sinon rien !
Pour clarifier les enjeux, rappelons en quoi consistent les quatre grandes options débattues au niveau international :
- Règle Volcker (défendue par l’ancien directeur de la Réserve fédérale américaine Paul Volcker), même pas adoptée aux Etats-Unis. Elle interdit aux banques de spéculer pour compte propre tout en autorisant les banques à utiliser les dépôts pour prêter à ceux qui spéculent. Pas vraiment malin.
- L’option Vickers (défendue en Angleterre par la Commission Vickers), préconise le cantonnement (ring-fencing) des dépôts et des autres activités bancaires tout en les gardant sous un même toit (holding). Son efficacité a été démontrée en 1929…
- Le rapport des experts européens dit groupe Liikanen vise à décourager la spéculation en cantonnant de très nombreuses activités spéculatives (y compris les activités de tenu de marché) mais toujours au sein des banques.
- Le retour au Glass-Steagall Act impose une séparation juridique et opérationnelle stricte en créant des banques dédiées aux activités. Aucune activité de marché ne sera permise aux banques de crédit (dépôts, crédit, épargne, système de paiement public), et de leur côté, les banques d’investissement (banques d’affaires, de marché, etc.) ne pourront pas collecter des dépôts. Les banques de crédit ne pourront plus prêter aux banques d’investissement.
Pour résumer, sur une échelle de 0 à 10 (10 étant l’option Glass-Steagall), on pourrait positionner la réforme française (Moscovici/Berger) sur le chiffre 1, la règle Volcker sur 2, l’option Vickers sur 4, et la recommandation Liikanen sur 6. Cependant, disons-le haut et fort : on est loin du compte car c’est un 10 qu’il faut et tout de suite !
# petite souris
• 09/12/2013 - 22:01
on peut donc compter sur tous ces doddfrankistes pour mettre le paquet sur tout afin de rendre impossible la tâche d’Elizabeth Warren si jamais elle remporte les élections en 2016 !
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# Eric
• 09/12/2013 - 20:29
"Elizabeth Warren (dont le nom est de plus en plus cité comme candidate démocrate à la présidence américaine en 2016)..."
L’usurpation de pouvoir républicaine n’est donc pas près de prendre fin aux Etats-Unis, à moins que le peuple américain ne se réveille et décide enfin d’exercer la souveraineté qui lui revient de droit.
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