Le Président turc Recep Tayyip Erdogan risque de s’en mordre les doigts. Lors d’une déclaration publique, il a juré de démissionner si la preuve est faite qu’il protège le trafic pétrolier auquel se livre l’organisation terroriste Daesh comme l’a affirmé le Président russe Vladimir Poutine après la destruction en plein vol d’un bombardier russe par un avion de chasse F-16 turc. « Si jamais cette accusation est prouvée, la noblesse de notre nation exige que je le fasse », a précisé M. Erdogan aux journalistes lors du sommet sur le changement climatique à Paris le lundi.
Or, il est un secret de polichinelle que depuis l’époque de l’embargo contre l’Irak, des quantités substantielles d’hydrocarbures en provenance d’Irak et de Syrie passent en contrebande via la Turquie vers les marchés internationaux.
Et bien que la planète entière se prétende en guerre contre le terrorisme, selon Jean-Charles Brisard, 24 banques et 140 succursales bancaires gérant 1100 milliards de dollars permettent à l’Etat islamique de vendre tranquillement sa marchandise et de régler ses factures en armes, en moyens de transports, en médicaments, en nourriture et en eau potable.
Et aujourd’hui, c’est l’Etat islamique (Daesh), qui a repris cette contrebande pétrolière ainsi que l’infrastructure logistique et financière permettant de s’enrichir par cette ressource. Daesh détient une vingtaine de champs pétroliers qui génèrent chaque année 600 millions de dollars.
Déjà, lors de G-20 en Turquie, Poutine avait fixé du regard Erdogan et les Saoudiens en affirmant que des individus de plus de 40 nationalités rendaient des services inestimables aux tueurs de Daesh. Parmi ses 40 pays mentionnés, plusieurs membres du G20...
En marge du sommet, Poutine avait également montré des photos satellitaires indiquant l’échelle de la contrebande en hydrocarbures. « Des camions citernes pétroliers formant des files de plusieurs douzaines de kilomètres, vus de l’espace », avait précisé le Président russe.
Le rédacteur en chef du journal turc Cumhuriyet Can Dündar et son collaborateur Erdem Gül ont été arrêtés pour avoir révélé les livraisons d’armes à Daech réalisées par les autorités turques. L’enquête à l’égard des journalistes a été initiée sur ordre d’Erdogan.
En mai 2015, Cumhuriyet avait diffusé des photos représentant des camions turcs transportant des armes destinées aux islamistes syriens. En outre, une vidéo mise en ligne montrait, selon les journalistes, les armes fournies par les autorités turques aux terroristes dans les pays voisins. Cependant, la version complète de la vidéo en question n’est plus disponible. Les autorités locales ont dû la bloquer ou la supprimer.
Pour sa part, l’enquête du quotidien britannique The Guardian sur le commerce pétrolier de Daesh rappelle qu’au mois de mai, lors de l’attaque américaine contre la QG d’Abu Sayyaf, l’un des responsables de Daesh en charge de la contrebande pétrolière, des documents furent saisis.
Selon un haut responsable du renseignement occidental, précise le journal, ces documents établissent de façon incontestable l’existence « d’accords directs entre l’organisation terroriste et la Turquie ». Les clients d’Abu Sayyaf étaient pour l’essentiel des Turcs, affirme la même source.
Une étude de l’Institute for the Study of Human Rights de l’Université de Columbia, en explorant toute une palette de sources dont le New York Times, le Washington Post, le Guardian, le Daily Mail, la BBC, Sky News ainsi que des sources turques telles que CNN Turk, Hurriyet Daily News, Taraf, Cumhuriyet, et Radikal parmi d’autres, arrive à la conclusion que : « La Turquie fournit à Daesh : de l’équipement militaire, de l’assistance logistique et de transport, de l’aide médicale aux combattants, de l’aide financière par l’achat de produits pétroliers, et des troupes se battant à leurs cotés ».
Le rapport se fonde notamment sur une autre étude, celle du Pr Kiourktsoglou et du Pr Coutroublis à Londres intitulée : « ISIS Gateway To Global Crude Oil Markets » (L’accès de Daesh au marchés mondiaux du brut), une enquête qui s’est intéressée aux exportations de pétrole partant du port de Ceyhan au sud-est de la Turquie :
Les contrebandiers en charge du transport et de la vente de l’or noir envoient des convois d’une trentaine de camions citernes aux sites de production pétrolière. Ils règlent leurs achats sur place avec Daesh, stimulé en cela par des douanes peu regardantes et des systèmes de paiement différés. De cette façon, le brut de Daesh part des champs pétroliers sous le contrôle de Daesh et traverse les régions contrôlées par les rebelles en Syrie, en Irak et en Turquie. (...) Les quantités de pétrole brut exportées par le terminal de Ceyhan dépassent le million de barils par jour. Étant donné que Daesh n’a jamais pu fournir plus que 45 000 barils par jour, il est évident qu’une telle quantité passe inaperçue par la comptabilité classique.
En d’autres termes, si le pétrole de Daesh quittait la Turquie par le terminal de Ceyhan, il serait quasiment indétectable… Une fois quitté Ceyhan, pour brouiller les pistes, le pétrole en question est rapidement transbordé devant les cotes de Malte dans d’autres tankers pétroliers qui partent ensuite vers les marchés internationaux en Europe, en Amérique et en Asie.
La famille Erdogan sur le banc des accusés
Or, il s’avère que Bilal Erdogan, le fils du Président, possède la société de transport maritime maltaise BMZ. En septembre dernier, d’après le blog du journal turc Zamam, Bilal Erdogan, ainsi que d’autres membres de la famille, aurait acheté deux tankers pétroliers pour un coût total de 36 millions de dollars.
La fille du président, Sümeyye, semble mener une activité aussi intense que son père et son frère. Selon les médias, elle parraine un hôpital militaire dans le sud-est de la Turquie qui soigne des combattants de Daech transportés depuis la Syrie. Global Research News a obtenu ces informations d’une employée de l’hôpital sous couvert d’anonymat. La fille du président turc est également une personnalité politique connue.
Tous ces éléments ont permis au Président Poutine d’affirmer :
Nous avons toutes les raisons pour croire que la décision [turque] d’abattre notre avion était dictée par le désir de garantir la sécurité des routes d’approvisionnement du pétrole vers la Turquie, c’est-à-dire vers des ports où elles partent en tanker.
En termes de routes de transport, il faut bien comprendre qu’étant donné que la plus grande partie de la frontière turco-syrienne est verrouillée par les Unités de défense populaire kurdes (YPG), le plus gros de ce trafic transite par un passage de seulement 90 km où la frontière reste ouverte, situé entre Afrin et Jerablus (sur l’Euphrate). C’est au bout de ce « corridor de Jerablus » que le pétrole de Daesh trouve une « porte ouverte sur la Turquie ».
Connaissant l’importance de ce passage, l’on comprend mieux pourquoi la Turquie, agissant sur ordres de Washington, avait empêché, après la reprise de Kobané en juillet, aux Kurdes de l’YPG de reprendre Jerablus…
Et comme par hasard, c’était également cette région qui fut choisi comme zone prioritaire par certains généraux américains pour la création d’une éventuelle zone d’exclusion aérienne… Soulignons que c’est uniquement grâce à l’intervention russe que Daesh a été privé d’un tel cadeau.
Pour gagner « la guerre » contre Daesh, il faut donc :
- Annuler toute guerre non-officielle contre le régime de Bachar el-Assad ;
- Coordonner nos frappes aériennes avec la Russie pour neutraliser les infrastructures physiques et les bases d’entraînement de Daesh ;
- Fermer les circuits financiers des banques employées par Daesh.
- Fermer des deux cotés de la frontière « le corridor de Jerablus » afin de couper la ligne principale des approvisionnements de Daesh.
- Élaborer un vaste plan « post-conflit » intégrant l’Irak et la Syrie dans la dynamique de reconstruction et de développement mutuel des BRICS.
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