Après des mois de silence, dans ce pays soi-disant empreint des libertés, certains responsables de premier plan ont finalement osé braver la fatwa prononcée par l’oligarchie transatlantique à l’encontre du président Russe Vladimir Poutine autour de la crise ukrainienne.
Le 8 mars dernier, l’ancien ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement rappelait dans un entretien au Figaro, à propos de la Crimée, que « personne ne peut contester qu’historiquement elle est russe », que « sa population est majoritairement russe » et que « la Russie voit que l’Otan s’est étendue bien au-delà des frontières de l’Allemagne occidentale, contrairement à l’accord de 1990 ».
Quelques jours plus tard, c’était à l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing de publier un article dans L’Opinion du 12 mars, où il souligne que « la Crimée a fait partie de la Russie depuis sa conquête sur les Turcs au XVIIIe siècle par la grande Catherine et le prince Potemkine », et qu’elle « a été attribuée à l’Ukraine par une décision bizarre prise par Khrouchtchev en 1954 ». Il ajoute également que selon « ce qu’avait envisagé de Gaulle », la Russie « a vocation à être, malgré son régime particulier, différent du nôtre, notre premier partenaire naturel à l’est de l’Europe ».
L’ex-ministre de l’Éducation Luc Ferry a pour sa part, dans le Figaro du 20 mars, questionné la sagesse de la politique de l’Union européenne et du gouvernement français, « qui aurait dû s’abstenir de jeter de l’huile sur le feu ». « En s’alignant qui plus est sans la moindre réflexion d’ensemble sur les Etats-Unis, poursuit-il, l’Europe n’a toujours pas compris que nos intérêts ne sont pas les mêmes. Obama n’a qu’une idée en tête : affaiblir la Russie autant qu’il le pourra dans une compétition vers l’Est. » Ainsi, conclut-il, menacer la Russie de sanctions « était insultant, en toute hypothèse inefficace, contre-productif, et pour tout dire ridicule ».
L’actuaire Olivier Berruyer, a choisi plutôt la satire pour ridiculiser le grand sport de notre époque, le « Poutin bashing ». Dans un papier intitulé « Poutine me fait peur », Berruyer ironise :
Il est grand temps de dénoncer haut et fort Vladimir Poutine. D’abord sur le plan économique. Car qu’a-t-il fait depuis 15 ans, concrètement ? Le pouvoir d’achat des Russes : il a doublé. L’inflation : passée de 100 % à presque rien. La balance commerciale : largement redressée et désormais excédentaire. Le taux d’emploi : en très forte hausse. La dette publique : passée de 90 % du PIB à 10 %. La pauvreté : divisée par 2. Bref, les chiffres parlent d’eux-mêmes : un échec lamentable.
Au niveau politique : des élections régulières, de gros succès électoraux - bien loin de la situation de nos alliés en Chine ou en Arabie Saoudite. Évidemment, sa côte de popularité n’est jamais descendue sous les 65 % d’opinions positives, et elle est remontée à 80 % actuellement - tout ceci étant prévisible vu les chiffres économiques catastrophiques précédemment avancés. D’ailleurs, on se rend bien compte que les chiffres sont évidemment truqués, Obama plafonnant à 40 %, Hollande étant descendu à 15 %, et le taux d’approbation du Congrès américain venant de réussir l’exploit d’atteindre un seul chiffre, avec 9 % de satisfaction des Américains.
Mais c’est au niveau géopolitique que le pire est à craindre. Car que prône M. Poutine ? Des référendums ! Pour demander leur avis aux gens ! Non mais, sérieusement, jusqu’à quand allons-nous tolérer ceci en Europe ?
Faisons bien attention aux conséquences de notre pusillanimité : si nous laissons des référendums se développer en Europe, cela en sera fini de la marche vers le « Progrès Européen ». Terminé les traités budgétaires. Fini l’austérité pour complaire aux marchés financiers. Plus d’augmentation de l’âge des retraites jusqu’à 69 ans. Personne n’acceptera de saigner la Grèce pour rembourser des hedge-funds vampires. Personne n’élira Hermann Van Rompuy Président du Praesidium Européen.
Pour sa part, plus sérieusement, Jacques Attali écrit dans L’Express du 26 mars :
qu’il est fou pour l’Occident de faire du problème de la Crimée l’occasion d’une confrontation avec la Russie. (…) Les historiens auront du mal à comprendre pourquoi nous nous sommes lancés dans une escalade aux conséquences potentiellement terrifiantes à cause du vote majoritaire d’une province russophone, russe pendant des siècles, rattachée en 1954 à une autre province de l’Union soviétique par le caprice du secrétaire général du Parti communiste d’alors, Nikita Khrouchtchev. (…) La confrontation actuelle ne mènera à rien, sinon à renforcer ceux qui affirment que la situation va bientôt ressembler à l’immédiat avant-guerre de 1914, quand un engrenage local absurde conduisit à une guerre mondiale.
Ainsi, peut-être le spectre d’une nouvelle guerre mondiale, thermonucléaire cette fois-ci, explique-t-il ces prises de position en faveur d’un retour à la raison. François Hollande, selon la chronique de Christian Makarian dans la même livraison de L’Express, devrait se « montrer, en public, ouvert au dialogue avec Poutine », tout en adoptant en privé « un ton très exigeant », puisqu’il n’est pas, selon certains, « en si mauvais termes avec le maître du Kremlin en huis clos », et qu’il « affiche une fermeté de façade devant les caméras ».
Cela suppose malheureusement que François Hollande serait capable de faire preuve de courage et de braver les intérêts de la Wall Street et de la City, attachés à leur politique de la terre brûlée contre la Russie et de la Chine.
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