Les Belges ont trouvé le nom qui convient pour qualifier leurs nouveaux dirigeants de droite chargés de liquider les acquis sociaux : un gouvernement « kamikaze ». L’intitulé convient à merveille pour l’Administration Hollande (on a, hélas, de plus en plus de mal à parler de Président) qui n’arrête pas de se suicider, tout en disant que les résultats arriveront, car « ils doivent arriver ».
Le Président Hollande nous affirme aujourd’hui qu’il s’oppose (avec rigueur) à l’austérité. Pourtant, fraîchement élu, avec l’appui de l’opposition, il s’était mobilisé comme un beau diable pour faire ratifier le 20 octobre 2012 le « pacte budgétaire » européen, c’est-à-dire le Traité de stabilité, de coopération et de gouvernance (TSCG).
Jacques Cheminade vous avait mis en garde.
Dans un tract diffusé à 50 000 exemplaires, Solidarité & Progrès dénonçait ce texte comme « contraire aux droits sociaux inscrits dans le Préambule de notre Constitution » et destiné « à sauver le système de l’oligarchie financière en imposant le garrot aux États et aux peuples ». Son article 3.1b n’impose-t-il pas « une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut » impliquant que les dépenses habituelles de l’Etat, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale doivent être plafonnées.
Du coup, disait le tract de S&P :
On considère la santé comme une charge financière, et non comme un droit social, et on justifie le blocage des dotations publiques en faveur de l’allocation personnalisée d’autonomie, du RSA et de l’aide aux handicapés.
En plus l’article 4 du même TSCG stipule que lorsque l’endettement d’un pays dépasse 60 % de son produit intérieur brut (PIB), il sera obligé de réduire la dette « à un rythme moyen d’un vingtième par an », c’est à dire d’un tiers en 20 ans, soit 30 milliards par an, une austérité sans précédent depuis 1945. Et S&P mettait en garde : « Cela veut dire en clair des ’’réformes’’ imposant une ultra rigueur budgétaire, le démantèlement des services publics et la ’’réduction du périmètre de l’Etat‘’ ».
Voilà dévoilé l’essentiel de ce qui nous arrive. Le 17 octobre, après quelques escarmouches dignes de la Commedia del Arte, le gouvernement et l’opposition se sont mis d’accord pour réduire les dotations aux collectivités territoriales (régions, départements et communes) de 11 milliards d’euros au total entre 2015 et 2017, tout en accompagnant le massacre de quelques aides permettant d’atténuer la casse, pour les plus pauvres.
Deux tiers des collectivités poussées à la faillite
La baisse des dotations risque de mettre une « majorité » de collectivités dans l’impossibilité de boucler leur budget dans les années à venir. Voilà ce que démontre un rapport d’étape du Sénat. « La moitié, voire les deux-tiers des collectivités pourraient être dans le rouge en 2018 », s’alarme Charles Guéné, sénateur de la Haute-Marne, l’un des trois auteurs du rapport avec Philippe Dallier (Seine-Saint-Denis) et Jacques Mézard (Cantal).
Un grand nombre d’entre elles, notamment les villes de plus de 10 000 habitants et les départements, pourraient se retrouver en situation de « double déficit », c’est-à-dire que leurs dépenses de fonctionnement seraient plus importantes que leurs recettes, et qu’elles seraient incapables de rembourser leur dette avec leurs ressources propres (l’épargne brute [1], plus les ventes de patrimoine et les dotations). Rappelons que les collectivités n’ont pas le droit de boucler un budget en déficit et de recourir à l’emprunt pour leurs dépenses de fonctionnement, et qu’une telle situation déclenche l’intervention du préfet.
Or, ces cas d’impasse financière risquent bien de se multiplier spectaculairement et de devenir une « situation de droit commun », alertent les sénateurs, qui ont basé leur étude sur l’ensemble des comptes administratifs 2013 de 38 000 collectivités locales (bloc communal, départements, régions), épluchés par le cabinet de consultants en finances locales de Michel Klopfer – un « constat chiffré et objectif » selon Jacques Mézard.
Le gouvernement, qui affirme dans le projet de loi de finances pour 2015 qu’il suffirait aux collectivités de ramener l’augmentation de leurs dépenses au niveau de l’inflation pour absorber le choc de la baisse des dotations, se trompe, affirment les sénateurs.
En 2018, plus de 60 % des départements seraient en situation de double déficit, selon l’étude, qui prend l’hypothèse prudente de taux d’imposition fixes et de dépenses augmentant d’un point de plus que l’inflation. Plus de la moitié des grandes villes (plus de 50 000 habitants) et près de 40 % des villes de 10 à 50 000 habitants seraient dans la même situation catastrophique.
« Même en prenant cette hypothèse, un grand nombre de collectivités seraient en difficulté », a pointé Philippe Dallier. Il faudrait donc que ces dernières diminuent leurs investissements de 30 % pour revenir à une situation financière comparable à celle qui aurait été la leur si la baisse des dotations n’avait été « que » de trois milliards d’euros entre 2014 et 2015, comme envisagé jusqu’en début d’année.
« Même sans les baisses de dotations, il y a des mesures à prendre d’urgence », prévient Jacques Mézard. La « brutalité du choc » de la baisse de 11 milliards d’euros en trois ans seulement – soit 43 % de l’épargne brute des collectivités ! – risque donc de plonger les collectivités dans des situations « intenables », poursuit le sénateur. Car comme le soulignent les auteurs du rapport, il est impossible de faire autant d’économies en si peu de temps, notamment sur le personnel.
En cette période de crise où les besoins de protection de la population explosent, où la nécessité de financer des projets d’aménagement structurants et de renforcer les services publics locaux est encore plus forte, cette participation accrue et contrainte des collectivités locales au redressement des finances publiques est parfaitement injuste et inefficace.
- Injuste parce que les collectivités locales, astreintes à l’équilibre budgétaire, n’ont aucune responsabilité dans le creusement de la dette et la nette détérioration des finances publiques depuis une décennie ;
- Injuste parce que les dotations de l’État aux collectivités locales sont la compensation, souvent incomplète, des transferts de charge opérés par l’État depuis les premières Lois de décentralisation il y a plus de trente ans ;
- Inefficace parce que les collectivités, en assurant près de 70 % de l’investissement public, participent à la croissance économique comme au développement de l’emploi.
En vérité, il s’agit d’un véritable hold-up à l’envers, car c’est bien les banques qui nous braquent. En 2008, l’État, sans aucune contrepartie, a renfloué avec les deniers publics des banques casinos à la dérive. Cet argent a été remboursé, mais ce qui ne l’a pas été, sont les deniers de l’état destinés à stimuler une économie à l’arrêt car les banques en difficulté ne prêtent plus aux entreprises. Et pour régler la note d’hier, il passe aujourd’hui la facture au peuple et aux collectivités territoriales !
Pour mettre fin à ce kamikaze collectif, nos solutions doivent devenir les vôtres :
- Sortons d’une UE incapable de s’autocorriger, d’un euro en faillite et d’un OTAN engagé dans une nouvelle « guerre froide ».
- Assainissons pour de vrai notre système bancaire : coupons les banques en deux avec une séparation stricte entre banques spéculatives et banques de dépôts. Inspirons-nous de la conférence de Londres de 1953 qui, en accordant une réduction de 66 % de sa dette, a permis à l’Allemagne de se reconstruire et de servir de locomotive à toute l’économie européenne.
- Associons-nous à la dynamique des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui, hors du système dollar, se dotent d’instruments de crédit au service de l’investissement à long terme dans les grandes infrastructures source d’emploi, de paix et de justice sociale.
[1] L’épargne brute, appelée aussi « capacité d’autofinancement » (CAF) est un outil de pilotage incontournable des budgets locaux. Elle correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement. Cet excédent de liquidités récurrentes permet à une collectivité locale de faire face au remboursement de la dette en capital et de financer tout ou une partie de l’investissement.
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