Dans une entrevue accordée à Stephen Cole d’Al Jazeera à Davos le 25 janvier, le Président islandais Olafur Ragnar Grimsson a déclaré :
La principale raison [pour notre succès économique] est que nous avons été suffisamment sages pour réaliser qu’il s’agissait également d’une crise sociale et politique profonde mais avant tout nous n’avons pas suivi les méthodes orthodoxes qui ont prévalu en occident au cours des trente dernières années. Ainsi, nous avons introduit des contrôles sur les changes, nous avons laissé des banques faire faillite, nous avons fourni l’aide nécessaire aux plus précaires, nous n’avons pas introduit les mesures d’austérité à l’échelle que vous voyez ici en Europe.
Le résultat est que l’Islande bénéficie, quatre ans plus tard, du progrès et d’une reprise très différente des autres pays européens qui ont souffert de la crise financière.
Lorsque Cole lui a demandé si sa politique de laisser les banques faire faillite aurait pu s’appliquer au reste de l’Europe, Grimsson a répondu qu’il demandait souvent aux gens pourquoi ils considéraient « que les banques sont les églises saintes de l’économie moderne, pourquoi on ne laisse pas les banques privées, comme des compagnies aériennes ou des sociétés de télécommunication, faire faillite, si elles agissent de manière irresponsables ? »
Et il a poursuivi avec cette observation très intéressante :
Les banques sont devenues des sociétés de haute technicité, embauchant des ingénieurs, des mathématiciens, des informaticiens. Après leur faillite, le secteur des hautes technologies de notre économie s’est épanoui, en cours des trois dernières années, comme jamais auparavant. Le leçon que nous avons retenue est que si vous voulez que votre économie soit compétitive dans les secteurs innovants pour le 21e siècle, un secteur financier fort, qui monopolise les talents au détriment des secteurs innovants, même si c’est un secteur financier fort, est en réalité une mauvaise nouvelle, si vous voulez une économie qui sera compétitive dans les secteurs qui compteront pour le 21e siècle, c’est-à-dire l’innovation, la technologie, les télécommunications.
Soulignons que dans un jugement rendu le 28 janvier, la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange (le tribunal compétent pour les trois pays nordiques membres de l’Espace économique européen, mais non-membres de l’UE), a donné raison à l’Etat Islandais pour avoir refusé de rembourser les gouvernements britannique et néerlandais suite à la faillite de Landsbanski en octobre 2008. Les clients des deux branches de la banque actives dans ces deux pays (Icesave) avaient été remboursés pour la perte de leur épargne par leur gouvernement respectif, car les fonds de garantie mis en place ne suffisaient plus en raison de la dimension systémique de la crise. La Commission européenne avait officiellement soutenu les gouvernements britannique et néerlandais dans leur poursuite judiciaire contre l’Islande.
Le Président islandais s’était opposé à deux reprises, fin 2010 et début 2011, au parlement de son pays, qui avait approuvé deux projets d’accord pour rembourser les quelque 5 milliards de dollars réclamés par les gouvernements anglais et néerlandais, et avait décidé d’en appeler au peuple par voie de référendum. 60% des islandais avaient alors soutenu leur président.
La cour a ainsi statué dans ce jugement que l’Etat islandais n’est sous aucune obligation de rembourser le Royaume-Unis et les Pays-Bas, qui ont fait le choix, contrairement à l’Islande, de renflouer leur système bancaire dans son intégralité.
Sur le plan économique en général, France 24 faisait remarquer fin novembre 2012 que la situation économique islandaise était bien meilleure qu’en Europe, avec une croissance de près de 3 % pour 2012 et un chômage devant retomber à 5,8 % cette année. Les déficits publics sont quant à eux en passe de retomber à 3% du PIB.
Il est grandement temps que nos gouvernements décident eux aussi de défendre l’économie réelle et les populations, au lieu de renflouer sans cesse des spéculateurs intarissables.
Signez et envoyez à votre député l’appel à un Glass-Steagall global
# Eric
• 01/02/2013 - 21:05
"La leçon que nous avons retenue est que si vous voulez que votre économie soit compétitive dans les secteurs innovants pour le 21e siècle, un secteur financier fort, qui monopolise les talents au détriment des secteurs innovants, même si c’est un secteur financier fort, est en réalité une mauvaise nouvelle, si vous voulez une économie qui sera compétitive dans les secteurs qui compteront pour le 21e siècle, c’est-à-dire l’innovation, la technologie, les télécommunications."
Les économies nationales ne doivent surtout pas être compétitives mais au contraire coopérer les unes avec les autres afin d’assurer le bien-être de l’humanité. Le Président islandais est un homme du XXe siècle qui ignore ce qu’est la véritable économie : l’économie basée sur les ressources. Il met certes en évidence que des individus doués de brillantes capacités intellectuelles en font un très mauvais usage en travaillant pour des banques, mais il n’est pas nécessaire d’avoir fait polytechniques pour pouvoir faire ce constat.
Répondre à ce message
# Sylvain
• 31/01/2013 - 14:42
Tout à fait d’accord avec ce président. J’ai souvent pensé que tous les polytechniciens partis dans les banques à la city ou ailleurs constituaient un gâchis monumental.
Répondre à ce message