Intervention de Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, lors du débat sur le thème « Se libérer de l’oligarchie financière », organisé par S&P le 25 septembre 2021 à Paris.
Compte-rendu de l’événement et liens vers les autres interventions.
Je serai bref, parce que j’aurai l’occasion de parler davantage cet après-midi. Je voudrais d’abord remercier tous ceux qui sont venus et qui, chacun à sa façon, ont témoigné de l’urgence de la situation dans laquelle nous sommes. Un effort que chacun d’entre nous doit faire aujourd’hui. Aujourd’hui un peu plus qu’hier et un peu moins que demain.
C’est donc un appel à la mobilisation que je veux lancer. Parce que nous avons parlé d’urgence, et je pense qu’il faut donner une idée plus complète de ce qu’est cette urgence. Ce système de l’oligarchie financière s’accompagne d’une occupation : la France est un pays occupé. C’est une occupation financière, mais c’est aussi une occupation culturelle, sous la protection d’une occupation militaire, celle de l’OTAN, avec en particulier l’armée américaine telle qu’elle est aujourd’hui.
Ce système s’appuie sur les forces de Wall Street et de la City. Eisenhower parlait en 1961 de complexe militaro-industriel. Aujourd’hui, nos amis aux États-Unis le décrivent comme un complexe militaro-financier et culturel, qui est présent dans les médias et les universités. C’est donc une sorte de totalité.
Thomas Pesquet, depuis l’espace, nous parle du « blob ». L’oligarchie est pareille au blob. C’est une chose qui s’étend, s’étend, s’étend et que nous devons arrêter ! Et c’est quelque chose qui, dans son principe propre, intrinsèque, est faible. Elle n’est forte que de nos faiblesses, mais elle est faible !
Il faut penser, dans notre combat, que nous avons la force de la justice et du destin auxquels les générations futures ont droit. Dans le meilleur de la Révolution française, on pensait toujours aux générations futures. C’est à ces générations futures que nous devons penser, tout en étant présents immédiatement, parce que le défi est ici et maintenant.
Alors il faut penser aussi, pour y mettre un terme, à ce que nous faisons aux autres peuples du monde. Aujourd’hui, ce système, cette machine en place, détruit les nations et détruit les peuples, certains jusqu’au sang. C’est ce qui est arrivé en Afghanistan, en Syrie, au Yémen.
C’est Haïti : la situation actuelle en Haïti est atroce. On traite les Haïtiens comme à l’époque de l’esclavage. On organise le dépérissement de ces pays et après, on se plaint que leurs citoyens veulent en partir. On est donc dans un système d’hypocrisie absolument épouvantable. Est-ce qu’on peut changer cela ? C’est la grande question.
Il ne s’agit pas seulement de la question de l’asservissement par la dette, il s’agit de changer notre manière de penser. Nous devons avoir présent à l’esprit que des choses qui paraissent contradictoires à un certain niveau ne le sont pas à un niveau plus élevé, comme peut-être nous avons commencé à le démontrer aujourd’hui avec notre débat pour la souveraineté.
Cette union des contraires à un niveau plus élevé, c’est ce que Madame LaRouche appelle la coïncidence des opposés : à un niveau supérieur, on peut joindre ses efforts pour sortir d’un ordre devenu destructeur.
Si nous avons tous l’idée commune que cet ordre est destructeur, nous pouvons parfaitement en sortir. L’occasion nous est aussi offerte aujourd’hui en Afghanistan. L’occupation de l’Afghanistan par les forces de l’OTAN pendant 20 ans a abouti à un désastre. Le trafic de drogue a été encouragé, parce que, sous prétexte de promouvoir un système occidental, on a pactisé avec les seigneurs de la guerre et on a permis la culture du pavot, qui est transformé en héroïne et dont 95 % des bénéfices se font dans le secteur financier occidental.
On peut faire de l’Afghanistan, comme du Niger ou du Mali, des exemples de développement mutuel, et mener en France une politique qui serve comme un des éléments aboutissant à un renversement du cours des choses.
Cela veut dire, évidemment, que l’on pense le national et l’international comme un tout : s’il y a la guerre que mène cette oligarchie financière, il y a aussi la guerre culturelle qui se déroule dans nos esprits. Elle se déroule sur les écrans. C’est une guerre qui cherche à dépolitiser, à ôter l’intervention dans la cité, en avilissant les gens et en les dépossédant de leur capacité humaine à améliorer le monde. C’est ce que subissent les jeunes qui passent entre 6 et 7h sur leurs écrans, inondés de jeux vidéo addictifs et de séries.
Nous en sommes au point où même le supplément du Journal du Dimanche, Fémina, décrypte le but géopolitique des séries et comment elles permettent de maintenir un système en place. Même là, une conscience émerge et on comprend ce qui nous a été fait !
Que peut-on y faire, et comment le faire ? C’est là que nous devons donner l’exemple. Mon ami américain Lyndon LaRouche a constamment donné l’exemple, en soulevant les questions fondamentales et en allant au fond des choses, pour répondre au défi dans tous ses aspects, d’aujourd’hui, de demain et du futur.
Je pense que de ce point de vue, tout ce qui a été dit aujourd’hui doit nous inspirer pour avoir cette politique de conjonction de nos forces. Chacun a apporté sa réflexion et son action. Cette mise en commun est pour nous une chance. Une chose où chaque individu, qui est unique, apporte au collectif quelque chose, qui est nécessaire.
L’Institut Schiller, organisation amie de Solidarité & Progrès et qui est aussi notre institution internationale, présidée par Helga Zepp-LaRouche, offre cette politique au monde et organise constamment des conférences sur ces questions. Et nous, Solidarité & Progrès, nous créons la part que peut prendre la France : une France médiatrice. Pour cela, nous devons sortir de l’atlantisme destructeur dans lequel nous sommes plongés, dont Emmanuel Macron est l’exemple même.
Nous devons avoir une politique indépendante, mais pas derrière une ligne Maginot. En donnant l’exemple au monde, comme aux meilleurs moments de notre histoire. Nous devons le faire avec l’arme de la mobilisation de nos forces et un projet de société. Pas un programme dans un contexte qui rend impossible de tenir les promesses, mais un projet de société, qui doit être ce que nous vivons chaque jour et doit être développé de manière exemplaire.
Ce qui a été exposé sur l’asservissement par la dette, sur la nécessité d’un crédit productif et d’une Banque nationale, doit aussi mener à la sortie de cette aberration qu’est l’économie verte, parce que ce verdissement est une manière pour le capital financier d’exercer un totalitarisme par les algorithmes et le numérique. De même, dans le domaine de la sécurité, comment peut-on parler d’indépendance nationale si les données du ministère de la Défense sont aux mains de Microsoft et celles de nos services de police aux mains de Palantir ?
Il nous faut mener ce combat sur tous les plans. Et je suis absolument convaincu que l’on peut gagner, parce qu’on rassemblera des forces qui autrement seraient dans la dissension. Nous rassemblerons ces forces dans la détente, l’entente et la coopération. Pour cela, nous devons en référer au peuple et à ceux qui lui fournissent une ligne et une orientation.
Cette ligne et cette orientation, nous les trouvons dans les efforts qu’a faits la Chine, avec ses limites – celles des Nouvelles Routes de la soie. À condition, évidemment, que la Chine n’en vienne pas à sombrer dans une vision de puissance, mais qu’elle assure vraiment un développement gagnant-gagnant, un développement mutuel, inclusif, non pas de la façon dont ce mot est utilisé à tout bout de champ aujourd’hui, mais pour réellement offrir un avenir au monde.
Aujourd’hui, nous vivons dans le monde de l’oligarchie financière et culturelle, de la captation des données et d’un système militaire qui les protège. Ce monde n’est pas vivable. Il va à sa destruction et ne règne que par la peur. Les gens ont peur de l’Union européenne. Ils sont, en général, contre cette Union européenne, mais ayant peur d’en sortir, ils ne s’affirment pas et ne font pas ce qu’il faut pour organiser ce qui correspond à leurs convictions intimes.
Nous devons donc réalimenter en chacun la capacité de bien faire son travail. Ça paraît quelque chose de banal, mais ça ne l’est pas du tout parce qu’aujourd’hui, dans le monde du travail, nous voyons un travail qui n’est pas porteur de satisfaction, un travail que l’on ressent comme une sorte d’obligation. C’est toute la souffrance au travail, le burn-out et le bore-out, quand le travail est tellement ennuyeux qu’on perd le sens de ce qu’on fait.
Il faut, dans tous les domaines, penser par rapport à ce qu’il y a d’humain en nous, c’est-à-dire ce qui est créateur. Ces capacités créatrices commencent à s’esquisser dans ce que nous faisons ici. Certains d’entre nous se battent pour cela depuis plus de 50 ans. Dans la situation extrême où se trouve ce monde, nous avons une occasion à saisir. Le capitalisme financier et le capital captent des opportunités. Nous-mêmes devons capter l’opportunité qui nous est donnée.
L’affaire du contrat des sous-marins, par-delà la poignée de sous-marins en jeu, est une occasion à saisir, parce que le système s’est révélé pour ce qu’il est. Il se révèle encore davantage dans ce qu’on fait aux pays dépourvus.
On ne peut pas continuer comme on est et quelque chose d’autre doit être mis en place.
Nous représentons cet horizon nécessaire, si l’on veut retrouver le « salut commun », expression utilisée à la fois dans le christianisme et dans L’Internationale.
Aujourd’hui, nous nous engageons dans cette entreprise de salut commun et nous devons être persévérants, tenaces et donner l’exemple pour l’ensemble des pays du monde.
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