Cette année marque le centenaire de la Réserve fédérale américaine, un syndic de banques privées créé en 1913 faisant office de banque centrale américaine.
Depuis le refus en 1836 du Président Andrew Jackson de renouveler le mandat de la Banque des Etats-Unis (connue comme la deuxième Banque nationale crée par James Madison vingt ans plus tôt), les flux de liquidités et de crédit variaient exclusivement en fonction du bon vouloir des grandes banques américaines installées à New York. Cette réalité faisait qu’en pratique, la stabilité de tout le système financier des Etats-Unis dépendait de quelques gros banquiers qui faisaient la loi et s’érigeaient le moment venu en liquidateurs ou en sauveurs de leurs amis, adversaires ou concurrents.
De toute évidence, ce système connaissait ses limites. Ainsi, au tournant du siècle, deux grandes crises bancaires frappèrent les Etats-Unis. La première, en 1893, provoqua une chute de 50% du marché des actions. L’homme qui sauva le système s’appelait John Pierpont Morgan, si conquérant qu’on le surnommait le Napoléon de Wall Street. Pour faire tenir l’édifice, c’est lui qui vint à la rescousse du Trésor américain en convaincant ses partenaires européens d’acheter pour 65 millions de dollars de bons du Trésor américain qu’ils payeront en or. Au passage, en manipulant légèrement les cours, il se fit une petite fortune, mais bon, on lui pardonna puisqu’il sauva la maison.
Rebelote en 1907, lorsque éclate la fameuse « panique bancaire de 1907 », elle aussi terrible. Selon certains, c’est JP Morgan lui-même qui l’aurait orchestrée afin de ruiner quelques concurrents et d’apparaître une fois de plus comme le grand sauveur.
En tout cas, la rumeur court que la troisième institution financière de New York, la Nickerbocker Trust Cie, était insolvable. Résultat, la panique. Toutes les banques retirent leurs avoirs et ne prêtent plus rien à personne, provoquant l’asphyxie du système.
Arrive alors JP Morgan. D’après Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP Europe, « il demande aux prêtres de la ville, toutes confessions confondues, de prêcher que le retrait de l’argent des banques heurte la volonté divine. Il enferme à clé dans sa bibliothèque les principaux banquiers de la place jusqu’à ce qu’ils se mettent d’accord sur les modalités de sortie de crise ». Pour la résoudre, JP Morgan exige la liquidation de ce concurrent encombrant tout en prêtant à tous ceux à court de liquidités. Le tour est joué et la confiance revient.
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- Caricature parue dans PUCK en 1910 disant : "Une banque centrale ? Pourquoi oncle Sam devrait s’en créer une, alors qu’oncle Morgan fait déjà le boulot ?"
Mais la ficelle était un peu grosse et les perdants ne veulent pas en rester là. Ils soulignent alors que JP Morgan sauve peut être le système mais s’érige en prêteur de dernier ressort, c’est-à-dire devient un Etat dans l’Etat.
Inquiet de cette situation, le Congrès vote alors, en mai 1908, la Loi Aldrich-Vreeland, qui met sur pied une Commission monétaire nationale chargée d’enquêter sur les origines de la crise financière et de formuler des propositions pour réguler le système bancaire.
La Commission était dirigée par le sénateur républicain Nelson Aldrich, qui, au lieu de ressusciter le modèle de banque nationale d’Alexandre Hamilton, se rend en Europe pour y étudier les banques nationales monétaristes. Aldrich constate que grâce aux banques centrales, notamment la Banque d’Angleterre, les Etats pouvaient en cas de besoin arroser leurs banques en faisant tourner la planche à billets, chose hors du champ d’action de l’Etat américain de l’époque.
La conviction que l’économie américaine était vulnérable sans banque nationale n’était pas nouvelle. Dès 1903, Paul Warburg avait esquissé pour les Etats-Unis le projet d’une banque centrale à l’européenne. Quelques mois avant la panique de 1907, le banquier Jacob Schiff de la banque Kuhn, Loeb & Cie, avait averti, lors d’un discours devant la Chambre de commerce, que « sans une banque centrale capable de maîtriser les flux financiers, ce pays va subir la plus grande panique financière de son existence ».
JP Morgan, qui sent le vent venir et qui craignait comme la peste que les Etats-Unis puissent abandonner le monétarisme en revenant à une politique de crédit productif public grâce à une véritable banque nationale dans la tradition d’Alexander Hamilton, décide alors de devancer les événements.
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La Réserve fédérale a été conçu en 1910, lors d’une réunion secrète de banquiers et de législateurs au Jekyll Club Island, une résidence secondaire de JP Morgan.
Ainsi, en 1910, il prête l’une de ses multiples résidences secondaires, le Jekyll Island Club, situé sur une île dans l’Océan atlantique devant les côtes de la Géorgie, pour y réunir les banquiers les plus prestigieux des Etats-Unis. A eux d’imaginer les contours d’une nouvelle banque « nationale ».
JP Morgan prend bien soin de ne pas s’y montrer. A part le sénateur Nelson Aldrich, beau-père de John D. Rockefeller, se retrouvent au Jekyll Island Club : A.P. Andrew (sous-directeur du Trésor américain) ; Paul Warburg (comme représentant de Kuhn, Loeb & Cie), Frank A. Vanderlip (National City Bank of New York), Charles D. Norton, (président de la First National Bank of New York dominée par Morgan), Henry P. Davison (partenaire senior de JP Morgan), et Benjamin Strong (représentant officiel de JP Morgan & Cie). L’équipe accouche des grandes lignes d’une « Banque nationale de Réserve ».
Ce n’est que le 11 janvier 1911 que la Commission monétaire nationale rend son rapport. Suivent alors deux ans de débats houleux au Congrès pour aboutir, le 23 décembre 1913, à l’adoption du Federal Reserve Act, promulgué le jour même par le Président Woodrow Wilson. La loi prévoit la création par région de douze « Banques fédérales de réserve » privées, appartenant chacune à des banques privées et hors du contrôle de l’Etat fédéral, du pain béni pour les spéculateurs.
Wilson est très pressé, car il craint que depuis le décès de JP Morgan six mois auparavant (31 mars 1913), une nouvelle crise puisse balayer tout le système et qu’il faille donc créer une institution capable de le remplacer sans trop attirer l’ire du peuple.
Notez que Wilson admirait sans limite JP Morgan. Après la panique de 1907, il avait déclaré :
Toute ce désordre aurait pu être évité si on nommait un comité de six ou sept personnes douées d’un esprit civique comme JP Morgan pour gérer les affaires de ce pays.
John Steel Gordon, dans Empire of Wealth, estime qu’à l’époque on pensait que :
Un homme de la stature et la probité d’un JP Morgan pourrait prévenir des calamités financières à l’avenir, mais il n’existait aucune garantie qu’un tel homme puisse être disponible.
Pour le remplacer, et en attendant que son fils, Jack Pierpont Morgan, puisse reprendre le flambeau, on créa donc la Fed.
Aujourd’hui, dans un court récit de son histoire, The History of JP Morgan Chase, la banque affirme sans fausse modestie que :
La Réserve fédérale assuma le rôle de banque centrale que J.P. Morgan assuma de façon informelle depuis des années.
Le premier patron de la Fed était un ami proche du Président Wilson, mais Benjamin Strong, l’agent que JP Morgan avait envoyé à Jekill Island avant de devenir lui-même patron de la Fed en 1914, fut immédiatement nommé à la tête de la Réserve Fédérale de New York, la banque régionale la plus puissante du système de la Fed et disposant d’un siège permanent dans son Comité fédéral de l’Open market, l’outil principal de la politique monétaire américaine.
Le même Benjamin Strong figure sur une photo accrochée aujourd’hui dans le bureau de Ben Bernanke, l’actuel patron de la Fed. En 1927, date de la photo, Strong recevait à la Fed trois hauts responsables des banques centrales : Montagu Norman (banque d’Angleterre), son ami Hjalmar Schacht (Président de la Reichsbank et futur ministre des Finances d’Adolf Hitler) et Charles Rist (Banque de France). Dans son autobiographie, Schacht, qui passa quatre mois en 1929 à négocier le Plan Young avec Jack Pierpont Morgan Jr. à Paris et qui revendiquait la paternité de la BRI, disait de son interlocuteur : « En dépit de sa gentillesse et de son charme, il n’a jamais atteint la grandeur de son père ».
Ensemble, les quatre personnalités sur la photo seront à l’origine de la Banque des règlements internationaux (BRI) de Bâle, dont le Président sera Gates White McGarrah fraîchement démissionné de sa position de président de la Fed.
Notons qu’à l’instar de la Fed, la BRI est une banque privée dont les actionnaires seront des banques privées et des banques centrales « indépendantes », c’est-à-dire sous contrôle des banques d’affaires privées.
Ensemble, loin du contrôle parlementaire, et profitant d’un pouvoir conjugué et d’une immunité juridictionnelle sans équivalent, ils gèrent le système monétariste mondial.
Leurs outils ? La soumission volontaire des Etats, la mémoire courte de nos concitoyens, l’exclusivité de la planche à billets, l’austérité, le renflouement des banques en difficulté avec l’argent du contribuable et maintenant la « résolution bancaire », permettant, sur le modèle de ce qui vient d’être fait à Chypre, via le bail-in, la confiscation des dépôts.
On peut leur faire confiance qu’ils ne toléreront jamais que les vraies banques nationales et le crédit productif public puissent faire leur retour ! A nous donc de faire en sorte qu’ils n’auront pas le dernier mot !
# petite souris
• 23/06/2013 - 20:04
Très intéressant en effet !
Donc la FED est une banque privée !
Tout comme la Banque de France créée sous Napoléon par des banquiers privés !
............tous ces gens d’en haut gouvernants, médias, et experts se sont bien gardés de nous en informer !!!!!
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