Le ministre allemand de l’Aide au développement Gerd Müller a accusé le Qatar pour financer les rebelles de l’EIIL (Etat Islamique en Irak et au Levant ou en anglais Islamic State of Iraq and the Levant, ISIS) lors d’une entrevue avec la seconde chaîne de télévision allemande, ZDF. « Une situation comme celle-ci a toujours une histoire », a-t-il fait remarquer. « Qui finance ces troupes ? Un indice : le Qatar. »
La déclaration de Müller a été reprise par diverses agences de presse et journaux dans le monde entier, sauf... la presse allemande. La couverture médiatique combine la déclaration de Müller à celle faite plus tôt dans la semaine par le vice-chancelier Sigmar Gabriel, qui avait appelé à un « débat » sur les sources de financement de ISIS. Gabriel n’avait pas osé cependant nommer un seul pays.
Reprenant les accusations de Müller, Maurizio Molinari, correspondant à Jérusalem pour le quotidien italien La Stampa, ajoute que l’ancien ambassadeur israélien au Caire, Zvi Mazel, a expliqué que l’EIIL avait fait ses débuts dans les années 1950, au moment où le Qatar était encore sous protectorat britannique :
Lorsque le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait expulsé les dirigeants des Frères musulmans, ils s’étaient réfugiés au Qatar, où ils construisirent une alliance avec les tribus locales et développèrent un fondamentalisme hostile à la version saoudienne. En fait, tandis que la tribu Saudi ibn Saud appelle au développement du fondamentalisme dans un seul pays, en l’occurrence l’Arabie, la tribu Al Thani au Qatar cherche à l’exporter, sous la forme d’une fraternité musulmane semblable à celle qui a distingué Osama bin Laden et qui cherche à renverser les régimes existants dans le monde arabe.
Il est étonnant, ajoute Molinari, que même si des sources du renseignement américain ont documenté le rôle du Qatar, celui-ci reste un allié de Washington [et un allié privilégié de Paris (voir chapitre n° 7 de notre dossier), ndlr], à tel point qu’on lui a vendu récemment pour 11 milliards de dollars d’armes diverses, y compris des hélicoptères Apache, des missiles Patriot, des systèmes de défense Javelin, entre autres. [Sans parler des armes vendues par la France, ndlr].
L’Arabie Saoudite
La décapitation récente du journaliste américain James Foley a également amené une partie de la presse américaine à braquer les projecteurs sur l’autre grande source de financement du terrorisme islamiste, l’Arabie Saoudite. Personne n’a toutefois fait remarquer que la décapitation, presque exclusivement de travailleurs temporaires, est une peine judiciaire caractéristique d’un seul pays dans le monde, l’Arabie Saoudite. Ceci montre la forte parenté entre les terroristes de l’EIIL/ISIS et cette monarchie du golfe Persique.
L’un des articles les plus révélateurs est celui de Patrick Coburn, extrait de son dernier livre The Jihadi return. Intitulé « Pourquoi la guerre au terrorisme de Washington a échoué : la sous-estimée connexion saoudienne », l’article blâme la politique poussée de l’avant par Barack Obama pour la croissance de l’EIIL. Coburn écrit :
Il y a des éléments extraordinaires dans l’actuelle politique américaine en Irak et en Syrie qui n’attire, chose surprenante, que très peu d’attention. En Irak, les Etats-Unis effectuent des frappes aériennes et envoient des conseillers et entraîneurs pour aider à repousser l’avancée de l’EIIL sur la capitale kurde Erbil... Mais en Syrie, la politique de Washington est exactement inverse : là, le principal opposant de l’EIIL est le gouvernement syrien et les kurdes syriens dans leurs enclaves du nord du pays. Tous deux sont attaqués par l’EIIL, qui s’est emparé d’un tiers du pays environ, incluant la plus grande partie de ses installations de production de gaz et de pétrole. Mais la politique des Etats-Unis, des pays européens, de l’Arabie saoudite et autres pays du golfe est de renverser le Président Bachar el-Assad, ce qui est justement la politique de l’EIIL et autres jihadistes en Syrie.
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