Dans son livre best-seller Renflouement, l’ancien inspecteur général du plan américain de sauvetage des banques, Neil Barofsky, écrit qu’« un nouveau krach est inévitable ». Interrogé le 15 février sur CNN, il a virulemment dénoncé les relations incestueuses qui unissent le lobby bancaire et le pouvoir politique, et qui ont permis aux banques depuis la crise financière de 2008 de maintenir la garantie publique sur leurs actifs et d’accroître leur monopole financier.
La crise financière de 2008 a été provoquée par quelques banques devenues si grandes et si interconnectées que les législateurs et les marchés les ont qualifiées de ’Too big to fail’, leur garantissant ainsi d’être renflouées, avec le cortège de subventions reposant sur la supposition que ces banques peuvent être sauvées. En conséquence, depuis la crise, ces banques géantes ont encore grossi de 20 à 25 % : elles ont été renforcées par ces subventions néfastes découlant de la garantie implicite que le gouvernement les renflouera à nouveau. Elles sont donc tout aussi interconnectées mais sont également incitées à reprendre des risques, sachant que les gains seront pour eux et que les pertes seront pour le contribuable.
Dénonçant l’illusion de croire que les nouvelles régulations financières puissent changer quoi que ce soit à cet état de fait, il a souligné (en référence aux manipulations du LIBOR et aux scandales du blanchiment de l’argent de la drogue) que les banques américaines comme européennes « ne sont pas assujetties au même niveau de loi pénale » que le reste de la société. Les autorités considèrent que « l’on ne peut inculper ces établissements, même s’ils ont commis des crimes, car cela provoquerait leur chute et celle de l’économie mondiale (…) ils sont donc d’autant plus incités à enfreindre la loi. »
La seule solution « est de briser les banques géantes afin qu’aucune ne soit trop grosse ou trop interconnectée pour faire tomber le système ».
Mais la partie la plus intéressante de l’interview arrive lorsque la journaliste demande à Barofsky d’expliquer le parallèle qu’il fait dans son livre entre son ancien poste de vice-procureur anti-drogue et ce qu’il a dû affronter au poste d’inspecteur général des renflouements.
Comme je l’ai expliqué avec cette question des subventions implicites aux banques systémiques, on a un problème de régulations, et toutes ces subventions sont un rempart pour quiconque veut réguler. En 2010, l’on m’a dit très clairement que je devais plus me soucier de mon avenir personnel, que mon poste n’était que provisoire, que j’étais sur le point d’avoir mon premier enfant... et ce très haut responsable du Trésor m’a dit qu’avec le ton que j’employais pour parler de Washington, de l’administration Obama, et mes critiques contre les banques, j’allais vraiment faire du tort à moi-même et à ma famille. Que si je ne changeais pas de ton, ça affecterait mes possibilités de trouver un emploi à Wall Street ou dans l’administration.
Employant dans son ouvrage l’adage mafieux « le plomb ou l’argent », c’est-à-dire accepter de se faire acheter ou bien se faire descendre, Barofsky poursuit :
Cela c’était le plomb ; ensuite est venu l’argent : si je mettais de l’eau dans mon vin, que j’adoptais un ton plus positif, alors tout deviendrait possible pour moi... y compris d’être nommé à un poste de magistrat fédéral, ce qui pour un juriste est le summum. Mon ancien adjoint au parquet de New York m’a alors dit en plaisantant que c’était comme Pablo Escobar qui achetait les officiels du gouvernement en leur disant ’Plata o Plomo’, le plomb ou l’argent, qui laissait le choix entre lui obéir et accepter son argent, ou bien se prendre une balle dans la tête.
Ce qui devrait vous éclairer sur l’étrange réforme bancaire menée en France par Pierre Moscovici et Karine Berger...
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