En se soumettant à l’euro et aux banques, François Hollande et Matteo Renzi (ci-dessous) se condamnent à faire une politique de casse sociale.
Une faillite irrémédiable menace le système financier. Et quiconque préfère l’ignorer se rend incapable de saisir le pourquoi des mesures d’austérité et du démantèlement brutal de l’Etat qu’on nous impose.
En refusant d’opérer une véritable séparation entre banques de dépôt et banques d’affaires, en refusant de sortir de l’euro pour construire une Europe de grands projets, d’emploi qualifié et de justice sociale, François Hollande a organisé son propre Waterloo.
Après la défaite, c’est la mise sous tutelle et le passage à la caisse. Le 23 avril, Paris doit présenter pour validation son budget à la Commission européenne pour les trois ans à venir.
Le spectre de la déflation
Ce qui serait presque drôle si la réalité n’était pas tragique, c’est la soumission de François Hollande à un système lui-même au bord du gouffre. Que disent les grands prêtres du système ? Sans admettre qu’il s’agit simplement de la conséquence logique de leurs propres politiques, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, et le gouverneur de la BCE, Mario Draghi, s’affolent.
Hausse trop modérée des prix des biens de consommation depuis un an, croissance en berne, euro surévalué par rapport au dollar, faible inflation, faible marge pour les entreprises, chômage élevé : comme dans les années 1920, avant que l’hyperinflation ne fasse exploser la bulle, le « spectre de la déflation » frappe à la porte de la maison euro, menaçant brutalement de bloquer l’économie réelle et de précipiter plusieurs pays vers la faillite.
Pour sauver « le système », c’est-à-dire les banques casinos qui se goinfrent avec une spéculation toujours plus folle, pour les tenants de l’orthodoxie libérale, il n’existe que deux outils : l’injection de liquidités et les réductions budgétaires.
Ainsi, à la surprise générale, le Commissaire européen Michel Barnier a appelé à la reprise de la « titrisation », une pratique délaissée car sentant le soufre depuis l’affaire des subprime de 2008.
La BCE s’en réjouit, car elle pourra alors échanger généreusement les titres ainsi créés. En faisant marcher la planche à billets, on pourra contrer la déflation par l’inflation, c’est-à-dire injecter de nouveau les liquidités qu’il faut pour maintenir en vie le moribond. Autant Bruxelles se montre avenante avec les banques, autant elle se révèle sans pitié pour les États et les peuples européens.
L’UE a visiblement perdu toute capacité d’auto-correction. Fièrement, Bruxelles se vante que la Grèce ait pu retourner sur les marchés et y trouver 3 milliards d’euros, mais oublie de préciser que les gens y meurent faute de soins médicaux. Alors qu’Athènes vient de décider pour 2014 une nouvelle réduction de 12,5 % des dépenses sociales et de 19,7 % des dépenses publiques de santé, Adonis Georgiadis, le ministre grec de la Santé a décrété que « les maladies comme le cancer ne sont urgentes qu’en phase avancée ».
Quant à la France, les conseillers de Hollande ont été « très mal reçus » par le cabinet du président de la Commission européenne. Pas question pour Bruxelles (et Berlin) de nous accorder de nouveau délai pour satisfaire aux sacro-saints critères de Maastricht : le déficit public doit, coûte que coûte, être ramené à 3 % du PIB d’ici 2015, alors que nous en sommes à 4,3 %. Faillir à ce diktat conduirait les agences de notation à baisser la note de la France, la 5e puissance économique mondiale, dont la chute entraînerait l’explosion de toute la zone euro…
Matteo Renzi fait école
Ce que Cameron a fait en Angleterre et ce que l’Espagne a concédé sous la pression de la Troïka, l’Italie et la France se l’infligent désormais à elles-mêmes ! Matteo Renzi, qui hurle « contre l’austérité », a été reçu le 15 mars par Hollande à l’Élisée. Pour faire avaler les coupes budgétaires (35 milliards d’euros) et le dégraissage du « mille-feuille » administratif – mesures qui plomberont fatalement la croissance et aggraveront la menace de déflation – le Premier ministre italien a décidé, pour tenter de provoquer un électrochoc économique, de distribuer « dix milliards pour dix millions d’Italiens » et de baisser les charges des entreprises. Démarche trompeuse qui semble faire école, puisque l’on vient d’adopter une démarche similaire en France.
Ainsi, pour rentrer dans les clous (de ce cercueil), Hollande a chargé Valls de faire le sale boulot et de « mettre en musique » sa politique de soumission. Au menu, le « pacte de responsabilité » (20 à 25 milliards d’euros de réduction de charges et d’impôts pour les entreprises) et de « solidarité » (suppression des charges sociales pour les salaires de 1,5 Smic), suivi d’une cure d’austérité « à l’espagnole ». Valls, sans en informer au préalable les élus socialistes, a détaillé le 16 avril comment et où il compte trouver ces 50 milliards d’euros.
Prendre l’argent là où il y en n’a pas
Seul point positif, le gouvernement ne renoncera pas à embaucher 60 000 enseignants. Pour garder la haute main sur l’appareil de l’État, on ne coupe pas non plus dans la défense, la justice et la sécurité.
Par contre, l’État coupe 18 milliards dans ses frais de fonctionnement, exige 11 milliards de coupes des collectivités territoriales et 21 milliards de la Sécurité sociale.
Première cible : les retraites. La baisse d’un point du rythme de réévaluation des retraites, décidée par Valls dans un contexte de faible inflation, revient de fait à un gel. La plupart des autres prélèvements sociaux (logement, famille, invalidité) seront eux aussi gelés jusqu’en octobre 2015. Ce sont près de 4 milliards d’euros qui n’iront plus dans les poches des retraités, locataires et autres familles. C’est autant de pouvoir d’achat amputé. Et les mesures pré-vues du plan de pauvreté (revalorisation exceptionnelle pour le RSA, allocation de soutien familial) seront retardées d’un an.
Les collectivités mises au pain sec
Ayant été mise sous tutelle par Bruxelles, Paris compte infliger à son tour le même traitement aux collectivités territoriales.
Si en 2014, la baisse de la dotation de l’Etat de 1,5 milliards d’euros aux collectivités locales a pu être récompensée par des nouvelles ressources, notamment par la hausse des droits de mutations que payent les acquéreurs d’un bien immobilier et l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, Valls prévoit une baisse de 11 milliards d’euros sur trois ans sur les dotations générales des collectivités.
En Italie, Renzi a décidé d’éliminer les 107 provinces et prépare la suppression du Sénat. En France, le projet Valls-Hollande, prévoit de réduire de moitié le nombre de régions (Balladur en voulait 15, Raffarin en propose 8) d’ici janvier 2017, de supprimer les « conseils départementaux » (mais pas les départements, dont la suppression nécessiterait un changement constitutionnel), en transférant leurs prérogatives aux régions et aux intercommunalités et métropoles qui avaleront les 36 700 communes indépendantes à l’horizon 2021. Suivra la réorganisation des 240 sous-préfectures et des 15 000 syndicats intercommunaux.
Sera supprimée également la fameuse « clause de compétence générale », comme le réclamait le rapport Lambert-Malvy en écho à la Cour des comptes. Alors qu’on affirme vouloir « lutter contre la bureaucratie », les élus se retrouveront réduits au statut de simples fonctionnaires, gérant chacun une caisse (vide) pour des tâches limitées et prédéfinies. Pourront-ils encore faire voter un vœu en conseil pour la séparation bancaire ? Il est permis d’en douter.
Parmi les 53 mesures préconisées par le rapport Lambert-Malvy, le gel des dépenses des administrations et de la taxe d’habitation, ainsi que l’encadrement des hausses d’impôts collectés par les communes. En d’autres termes, la seule marge de manœuvre laissée aux élus, c’est de réduire les budgets et les activités ! Et s’ils refusent de se prêter au jeu, on les met sous tutelle. Pas un mot sur les emprunts toxiques que les collectivités sont sommées d’honorer alors que les tribunaux en ont constaté l’illégalité !
Reste à savoir s’il serait rentable de regrouper conseils généraux et conseils régionaux (90 milliards d’euros de dépenses à eux deux). Une étude de l’Assemblée des départements de France menée en 2009 montre qu’en cas de fusion, seules les dépenses de fonctionnement (soit 6 milliards d’euros sur 200) diminueraient, et que cette baisse ne dépasserait pas 10 %, soit 600 millions d’euros, ou encore 0,7 % des 90 milliards d’euros de dépenses globales…
Car, comme le précise Charles Buttner, président du Conseil général du Haut-Rhin, dans Le Monde : « Ce n’est pas parce que l’on va supprimer des collectivités locales que les dépenses liées aux services et prestations aux habitants disparaîtront. Il faudra toujours payer le revenu de solidarité active (RSA), construire des routes, des lycées et des collèges ! »
Pour le nouveau ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, qui présente en modèle la fusion (donc la disparition) de la commune d’Octeville avec Cherbourg dont il fut le maire, l’économie « proviendra de la réforme structurelle ».
En outre, alors qu’aucune politique européenne de grands travaux ou de relance industrielle n’est proposée pour absorber ceux qui quitteraient la fonction publique, les pays qui ont entamé ce type de réformes se sont rapidement transformés en machines à broyer des emplois. Ainsi, en Espagne, 340 000 emplois publics ont été supprimés, un demi-million au Royaume-Uni.
En conséquence, au lieu de faire des économies et de relancer l’économie, la baisse de 1,5 milliards d’euros des dotations cassera l’investissement dans les territoires, qui représente 70 % de l’investissement public ! Selon une simulation de La Banque postale, une baisse de 10 milliards d’euros des dotations d’ici 2017 pourrait conduire à une chute des investissements de près de 35 % d’ici trois ans !
Politiquement, Hollande pense jouer malin. En 2015, dans la foulée des élections municipales, l’UMP risque de rafler bon nombre de régions et de départements. « Le choc va être rude », écrit La Tribune.
En 2015, des hommes et des femmes politiques vont faire campagne lors des élections cantonales puis des élections régionales en sachant que leur seule mission sera ensuite de négocier la suppression de la collectivité où ils viennent d’être élus.
Face à cette dérive, une partie de la gauche commence à se frotter les yeux en se réveillant en plein cauchemar. Le 12 avril, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté « contre l’austérité » à Paris et ailleurs.
Après l’annonce de Valls, Christian Paul, député PS de la Nièvre, à l’origine d’un appel pour un « contrat de majorité » ayant recueilli une centaine de signatures, a déclaré :
Nous n’avons pas été élus en 2012 pour faire cette politique-là !
En l’état, il ne votera pas le programme de stabilité le 30 avril. Une vingtaine d’autres risquent d’en faire autant. Dès le lendemain de son annonce, Valls a dû s’entretenir un à un avec les contestataires pour tenter de les rallier à sa thérapie de choc mortifère.
Le retour de l’Europe des régions
Avec une surconcentration de pouvoirs donnés à des métropoles (Lyon sera le modèle) et des régions construites autour de « bassins de vie » (quid de nos 34 départements ruraux ?), tout est mis en place pour la prochaine étape : l’éclatement des Etats-nations au profit de régions appelées à devenir les provinces d’un empire européen.
En effet, crise aidant, on peut craindre qu’elles généralisent ce qu’elles font déjà : négocier directement avec la capitale de l’Empire, c’est-à-dire Bruxelles, contre la capitale du pays auquel elles appartiennent.
La carte des superrégions, des mini-Etats d’environ 5 millions d’habitants autour d’une eurométropole (Lyon sera la référence), ressemble étrangement à ce qu’avait imaginé le magnat hollandais de la bière Freddy Heineken en 1992 (ci-contre).
Les référendums à venir en Écosse et Catalogne, et les élections du 25 mai en Belgique, où les séparatistes flamands risquent de prendre une fois de plus le pays en otage, serviront d’accélérateur au processus.
# petite souris
• 23/04/2014 - 18:53
petit problème d’orthographe ?
petit problème de lecture ?
une politique de casse sociale ou de classe sociale ...............
ou bien un gros problème de vision ?
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