Natalia Vitrenko, économiste et fondatrice du Parti socialiste progressiste d’Ukraine (PSPU), nous livre ici son analyse de la situation dans son pays après le départ de Ianoukovitsch.
Vous pouvez lui poser des questions par internet, ce soir lundi 24 février à 19h, lors de sa conférence à Paris.
Le 23 février 2014 – Le monde entier est troublé par les évènements d’Ukraine. Il faut en saisir le sens profond. Le Parti socialiste progressiste d’Ukraine, qui, en tant que parti d’opposition de gauche, a combattu et continue à combattre la politique intérieure et étrangère, autant des forces de la Révolution orange sous Iouchtchenko que de la coalition du Parti des régions et du Parti communiste d’Ukraine sous Ianoukovitch, juge nécessaire de présenter son évaluation.
Le 22 février 2014, sous la menace des armes automatiques des guérilleros et des terroristes de l’Euromaidan, le Parlement a opéré un coup d’Etat néo-nazi.
Faisant fi de toutes les dispositions de la Constitution ukrainienne et du droit international, bafouant les valeurs européennes, le Parlement a outrepassé son mandat et commis des actes passibles de sanctions pénales. Washington et Bruxelles, qui ont fait croire au monde que l’Euromaidan était une initiative pacifique du peuple ukrainien ayant choisi l’Europe et défendant la démocratie et les valeurs européennes, doivent reconnaître que ce n’est nullement le cas. Ils ont soutenu un putsch nazi, mené par des guérilleros, des terroristes et des politiciens de l’Euromaidan au service d’intérêts géopolitiques occidentaux.
Il en existe des preuves irréfutables :
- Ils ont changé l’ordre constitutionnel d’un Etat de façon anticonstitutionnelle. Ceci viole le principe européen d’Etat de droit. En violation de la section XIII de la Constitution ukrainienne (qui stipule en détail la procédure d’un changement de Constitution) et sans aucune participation de la Cour constitutionnelle, l’ordre constitutionnel a été changé par une simple résolution adoptée au Parlement ukrainien (Rada suprême).
- Outrepassant son mandat et en violation de l’Article 19 de la Constitution, le Parlement a nommé des superviseurs en charge du ministère de l’Intérieur, des services de sécurité et du bureau du Procureur général. Ces superviseurs ont été désignés pour permettre à l’Euromaidan d’imposer anticonstitutionnellement sa politique aux institutions de l’appareil d’Etat afin de satisfaire les intérêts occidentaux.
- Le président ukrainien Ianoukovitch (dont les politiques ont été vigoureusement combattues par notre parti depuis son entrée en fonction) a été dépouillé de son autorité constitutionnelle en violation totale de la Constitution. La Constitution ukrainienne n’accorde pas au Parlement (Rada suprême) le droit de supprimer l’autorité d’un Président sous prétexte qu’il a quitté son poste. La Constitution institue une procédure de destitution. Une fois de plus, guidé non pas par la loi mais par la gestion révolutionnaire, et au mépris du principe européen de présomption d’innocence, Ianoukovitch a été écarté et des élections présidentielles planifiées, en violation de la Constitution ukrainienne.
- Le Parlement, qui protège les guérilleros et les terroristes de l’Euromaidan, a amnistié et élevé au statut de héros tous les participants, tout en commençant à leur attribuer des postes élevés dans le gouvernement. Ceci implique que ceux qui ont pris les armes, qui ont tué des citoyens innocents et des membres des forces de l’ordre qui ne sont coupables de rien ; qui ont pris d’assaut et détruit des bâtiments administratifs et des dépôts d’armes, ceux qui ont organisé des procès sommaires, se sont livrés au chantage et ont organisé des enlèvements, n’auront pas à rendre compte de leurs actes. Ainsi sont jetés les fondements d’un Etat néo-nazi et d’une machine étatique répressive.
Washington et Bruxelles devraient écouter nos mises en garde. Nous les accusons, ainsi que les forces politiques qu’ils ont mises en selle, d’être pleinement responsables de l’instauration d’un régime nazi et totalitaire en Ukraine et de la grossière violation des droits et libertés de nos concitoyens qui va de pair.
Les Etats-Unis et l’UE devraient savoir que les partis et mouvements qui ont pris le pouvoir, dont des forces néo-nazies (telles que Svoboda et Secteur droit), ont proclamé, ce faisant, qu’ils accomplissaient une révolution nationale sous les slogans de « L’Ukraine aux Ukrainiens », « Gloire à la nation », « Mort aux ennemis », « Poignardons les Moscovites et pendons les communistes », etc.
Depuis le 22 février, les forces désormais au pouvoir portent l’entière responsabilité pour tous les Ukrainiens et pour la violation des droits et libertés des citoyens.
Les guérilleros et terroristes d’Euromaidan continuent à assaillir les bâtiments administratifs et gouvernementaux dans le sud-est de l’Ukraine. Les électeurs sont privés, par des méthodes terroristes, de leur droit de voir les représentants qu’ils avaient élus exercer leurs fonctions aux Conseils locaux. Les civils qui tentent de défendre leurs élus se font abattre sans merci à la Kalachnikov ou par d’autres armes non-létales, comme cela s’est produit à Luhansk le 22 février.
Les guérilleros, sans aucun mandat officiel et en l’absence d’état d’urgence, se sont arrogés le droit de bloquer les grands axes de circulation, munis de haches et de gourdins, d’ériger des barrages filtrants et de vérifier les papiers des passagers, empêchant ceux qu’ils réprouvent de quitter Kiev. Ils bloquent l’accès aux aéroports, violant ainsi grossièrement la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés élémentaires qui garantit à quiconque l’inviolabilité du droit à circuler, la présomption d’innocence et le droit à la sécurité et à la vie. Ils avilissent la dignité et les droits de tout le peuple ukrainien.
Le 23 février, des représentants de ceux qui viennent d’accéder au pouvoir ont annoncé la formation d’une communauté ethnique ukrainienne : toute personne utilisant la langue russe se verra retirer son statut de membre de la communauté ethnique ukrainienne et subira une discrimination au niveau de ses droits civiques et politiques.
L’intention de bannir la retransmission des chaînes de télévision russes en Ukraine, en tant que porte-parole d’un Etat hostile, a été annoncée. Voilà comment les nouvelles autorités comptent défendre les valeurs européennes que sont les libertés d’expression et d’opinion.
En vue d’une épuration, le nouveau pouvoir a également commencé à dresser la liste des avoirs personnels des uns et des autres. Ce mécanisme permettra de priver de leurs droits ceux qui ne partagent pas les vues néo-nazies des nouvelles autorités.
Des comités de vigilance répandent leur pratique nauséabonde à travers le pays. Des parlementaires qui ont été désapprouvés sont battus, parfois à coup de pierres. Les membres des conseils locaux et leurs familles (surtout leurs enfants) subissent des intimidations s’ils rechignent à faire valoir les buts politiques des forces au pouvoir. Les bureaux des partis politiques désavoués et les organisations publiques qui ne partagent pas l’idéologie et les buts des nouvelles autorités ukrainiennes sont menacés de persécution et d’exil.
La prise de contrôle par l’Euromaidan du monastère de la Laure des Grottes de Kiev [un des quatre lieux saints de l’Église orthodoxe russe, nde] et son transfert vers l’église schismatique du patriarche Philarète de Kiev [Église orthodoxe ukrainienne fondée en 1992 et scission de l’Église orthodoxe russe, nde] a commencé. Ceci conduira à la saisie de l’ensemble des églises orthodoxes russes (associées au Patriarcat de Moscou) afin de les subordonner au Vatican.
Au nom du Parti socialiste progressiste d’Ukraine, je déclare que nous ne reconnaissons pas comme légal le coup d’Etat qui vient d’être perpétré ni comme légitime l’activité des nouvelles autorités ukrainiennes. Nous condamnons la violation totale des droits et libertés des citoyens d’Ukraine commise sur la base de facteurs ethniques, culturels, religieux et politiques.
Nous en appelons au Parlement européen et au Conseil de sécurité des Nations unies et demandons une intervention immédiate dans ce qui a lieu aujourd’hui en Ukraine, afin de défendre les droits et libertés des citoyens et d’empêcher que les autorités ukrainiennes ne provoquent une troisième guerre mondiale sur le continent eurasiatique.
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