L’intervention de Nicolas Sarkozy lors du sommet de l’OTAN à Bucarest, jeudi 3 avril, confirme sa volonté d’y ramener la France dans le commandement intégré, bien que le général De Gaulle l’ait quitté le 6 mars 1966.
Pour citer M.Sarkozy, « nous avons besoin des Etats-Unis et les Etats-Unis ont besoin d’alliés forts. Cela ouvre la porte pour la France à une rénovation forte de ses relations avec l’OTAN ». En témoignent la décision française d’envoyer quelque sept cents hommes supplémentaires en Afghanistan et la proposition, « en accord avec mon amie Angela Merkel », de tenir en 2009 « le sommet du soixantième anniversaire à Kehl et à Strasbourg, deux villes situées de part et d’autre de la frontière franco-allemande. Ce sera le symbole de l’amitié franco-allemande, de la réconciliation européenne et du partenariat transatlantique ». Ce sommet « viendrait conclure le processus de rénovation de la relation de la France avec l’OTAN ».
« Le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan est un beau lot et nous sommes prêts à aider le président Sarkozy à y parvenir », a expliqué un diplomate américain.
Heureusement, de fortes résistances se manifestent de part et d’autre.
En 1995, Jacques Chirac avait exprimé une première volonté de réintégration dans l’OTAN tout en exigeant qu’en contrepartie, son commandement Sud, basé à Naples, soit confié à un officier européen. Ce poste fait autorité sur le flanc sud de l’OTAN mais aussi sur la sixième flotte américaine qui croise en Méditerranée. Courageusement, Paris en a désormais abandonné l’idée, car « pour les Américains, ce n’est pas négociable ».
Ensuite, lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo en 1998, Chirac avait envisagé avec Blair la création d’un pilier européen de défense « autonome » de l’OTAN, s’attirant les foudres de Washington.
Aujourd’hui, le voyage de Sarkozy en Angleterre n’a pas abouti à un Saint-Malo II, car les Britanniques restent sur leurs gardes. Depuis 1998, dans les actes, ils se sont montrés peu empressés, comme en témoigne leur refus de débloquer un budget conséquent pour l’agence européenne de la défense, censée mettre en commun les projets, par exemple les blindés. Ils redoutent tout autant la création éventuelle d’un « quartier général » européen, en charge des opérations de maintien de la paix conduit par l’UE, sans l’OTAN, au Congo ou au Tchad. De plus, Londres soupçonne la France de vouloir créer un quartier général rival du Shape de l’OTAN, ce que Paris dément. Ensuite, il y a la guerre des bureaucrates, car si la France « intègre » 2000 officiers dans le commandement intégré (au lieu des 120 « insérés » aujourd’hui), cela priverait Allemands et Britanniques d’autant de postes très prisés…
Peu enclines à la charité, les élites anglophones, très attachées au partenariat privilégié avec Washington, comptent surtout mettre à profit le rapprochement de l’OTAN avec l’UE pour asseoir leur gestion d’un chaos impérial. C’est ainsi que les élites financières de la City cherchent non pas des « partenaires », mais des imbéciles utiles pour ce dessein.
Si Sarkozy a fait des efforts en ce sens, une forte opposition commence à se faire jour en France, traversant l’ensemble de la classe politique. Après Jean-Pierre Chevènement et Dominique de Villepin, Roland Dumas et Hervé de Charrette sont montés au créneau pour critiquer avec force ce que certains ont qualifié d’« obsession atlantiste » du Président. Si, le 8 avril, la motion de censure sur l’envoi de « quelques centaines » d’hommes [exit le millier] supplémentaires pour le contingent français en Afghanistan et le retour dans le commandement intégré, a recueilli l’adhésion de 227 députés de l’opposition, la majorité est tout aussi divisée sur le sujet. Le fait que le contingent français aille remplacer des troupes américaines dans l’est de l’Afghanistan plutôt que de se perdre dans le « merdier ingérable » du sud, reflète également de fortes réticences provenant des différents corps d’armée.
La vraie question que tous esquivent est de définir les véritables conditions de la sécurité dans le monde, à commencer par sa sécurité monétaire et alimentaire. Sans réponse à cette question, la guerre des positions sur l’européanisation de l’OTAN et l’Otanisation de l’Europe ne restera qu’une feuille de vigne cachant mal les convoitises des uns et des autres pour exercer un pouvoir « global » sur un système « mondialisé » en plein déclin.