Fin juin, une dizaine d’organisations, dont le Syndicat de la magistrature, ainsi que quatre-vingt-deux magistrats spécialisés, ont cosigné une tribune dans Le Monde où ils s’alarment de l’abandon de la lutte contre la grande délinquance financière.
François Hollande s’est engagé à promouvoir une « République exemplaire ». Ce n’est pas trop tôt, écrivent les auteurs de l’appel, car « la décennie qui s’achève a vu se déliter les dispositifs de prévention, de détection, d’alerte et de répression de la corruption mis en place dans la période précédente, comme si les exigences de probité et d’égalité de tous devant la loi s’étaient dissoutes dans la crise, comme si le pacte républicain ne passait pas d’abord par la confiance des citoyens dans leurs représentants et les agents publics ».
Dans un entretien au même quotidien, Jacques Gazeaux, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de Nanterre et l’un des signataires de l’appel (c’est aussi le magistrat qui a mis en examen Jacques Chirac), se plaint amèrement qu’on « ne lutte plus contre la corruption ! Il y a depuis 2002 une baisse considérable des ouvertures d’information, c’est-à-dire des dossiers confiés aux juges d’instruction. Soit on considère que, grâce à notre action, il n’y a plus de dossiers de corruption ou de blanchiment, soit on admet qu’on ferme les yeux. Force est de constater le nombre d’entreprises nationales qui ont des filiales dans les paradis fiscaux – notamment les grandes banques françaises, et ce n’est pas pour les colonies de vacances des cadres. Il suffit aussi de regarder le nombre de ronds-points dans les communes, qui ne sont pas tous dédiés à la sécurité routière. (…) Un officier de l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) me disait qu’il avait transmis une soixantaine de plaintes au parquet, il n’y a pas eu une seule ouverture d’information. L’abandon de la politique pénale financière est total. »
A cela s’ajoute une baisse dramatique des moyens. Au pôle financier de Paris, les juges d’instruction, 12 en 2009, ne sont plus aujourd’hui que 8 – même chose pour le parquet. Le pôle a ainsi perdu 8 magistrats en trois ans. Les assistants spécialisés ne sont plus que 5 au siège, contre une dizaine il y a peu. Il y a eu 101 ouvertures d’informations judiciaires en 2006, 88 en 2007, 21 en 2008, 32 en 2009, 37 en 2010. Leur nombre est remonté à 76 en 2011, mais il ne s’agit plus seulement de « gros financier » mais de petites affaires, comme la vente à la sauvette de tours Eiffel miniatures !
« Il y a deux façons de nous faire disparaître : une, malhabile, qui revient à nous supprimer officiellement, et l’autre, plus subtile, qui consiste à diminuer progressivement nos effectifs et à réduire à néant nos saisines, explique un juge d’instruction du pôle financier. Comme nous avions réussi, en 2009, à démontrer combien notre indépendance était cruciale au bon fonctionnement de la justice, l’ancienne majorité a opté pour la seconde manière : la mort lente. »
Le constat de l’Association française des magistrats instructeurs (Afmi) est lui aussi sans appel. « Entre 2009 et 2012, nous avons perdu une centaine de postes sur un peu plus de 600 », précise Marc Trévidic, figure de proue de l’antiterrorisme également signataire de l’appel.
Ce diagnostic vient d’être confirmé par un pré-rapport de l’OCDE qui qualifie de « timide » notre système judiciaire, atteint de « frilosité ». Il souffrirait du « monopole du parquet, qui ne connaît aucun contrepoids ». Mention particulière pour les Hauts-de-Seine, où sévissait jusqu’à récemment un certain Philippe Courroye : « L’absence d’affaires de corruption internationales traitées par le tribunal de Nanterre, qui a sous sa juridiction le quartier des affaires de la Défense, siège de nombreuses multinationales, laisse aussi interrogateur sur le degré d’investissement de certains tribunaux en la matière. »
A un moment où le gouvernement français cherche à trouver des revenus supplémentaires, la lutte contre la corruption, estimée entre 25 et 50 milliards d’euros par an rien qu’en France, pourrait retrouver toute la place qu’elle mérite.
En attendant, les magistrats signataires de l’appel « Agir contre la corruption » réclament :
- Le renforcement du Service central de prévention de la corruption (SCPC), qui doit devenir une véritable autorité en la matière.
- La création d’un organe indépendant de contrôle des marchés publics les plus importants, zone de risque connue.
- La création, comme le recommande l’ONU, d’une « infraction d’enrichissement illicite », qui viendra sanctionner les responsables publics en cas de non justification de leurs ressources ou de leur patrimoine.
- La réforme du statut du ministère public vers plus d’indépendance. Il reste à prévoir une modalité élargie de constitution de partie civile pour les infractions d’atteinte à la probité afin de vaincre une éventuelle inertie du parquet.
- Une meilleure coordination des moyens d’enquête et leur adaptation à la réalité de la criminalité financière. Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) devront être renforcées, notamment par l’affectation de magistrats spécialisés dans la délinquance économique et financière.
# Eric
• 03/09/2012 - 20:39
Nous pourrions vivre dans un monde sans délinquance financière car débarrassé de l’abominable système monétaire, mais tout un chacun préfère raisonner comme un adolescent plutôt que comme un adulte responsable.
Je suis bien content que ces magistrats en bavent car leur niveau de conscience est identique à celui de leurs collègues du XIXème siècle. Et il ne faut pas compter sur ces bourgeois pour dénoncer l’anti-Constitution de la Vème république. Une Constitution citoyenne mettrait pourtant fin à nombre de leurs problèmes, même dans le cadre du système monétaire.
Pauvre France !
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# petite souris
• 03/09/2012 - 22:39
Où est le problème ?
Toutes nozélites se disent honnêtes et irréprochables les unes les autres ............
Que leur mort lente soit programmée cela ne fait aucun doute.
Lorsqu’en 73 j’ai été titularisée dans l’éducation nationale, mon inspectrice m’avait dit : " tenez bon et résistez, notre matière sera supprimée dans 20 ans c’est programmé !"
Effectivement en 86/88 lorsque Jospin était ministre de l’éduc nat, il a été décidé que ladite matière serait supprimée d’ici à 2 ans ( matière de vie et de bon sens en lycée professionnel et régulièrement "on" s’étonne de ne plus apprendre ceci ou cela !!!!!!!!!)
alors perdre une centaine de personnel en trois ans me parait tout à fait bien ficelé dans cette perspective de non responsable ni coupable puisqu’ils sont à des postes importants !!!!!!!!!!!!!
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# Choubidou
• 03/09/2012 - 20:01
Qu’ils balancent sur l’entretien par gauche et droite confondues d’une machine à enterrer qui a permis à des dizaines de magistrats en bande organisée, de garantir 15 ans d’impunité au directeur de campagne de F. Mitterrand passé avec 30 Mf à travers le parquet de Paris et la Cour de justice et .....
Avec comme toute sanction, nominations, promotions et décorations ...
Voir Sm Usm Commission des lois Assemblée et Sénat.
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