Qui donc veut la guerre ? (…) On commence à se demander tout bas, si à force de se menacer pour se faire peur, les gouvernements ne seront pas entraînés dans des conflits qu’ils ne veulent pas. On se demande s’il n’y a pas un peu partout, des minorités résolues à tout et qui parviendront à précipiter dans la guerre une Europe incertaine, sans lumière et sans volonté. Que signifient, en France, ces articles des journaux officieux par lesquels on tente de préparer l’opinion à [l’]accepter ?
– Jean Jaurès, « Une guerre insensée »,
(La Dépêche de Toulouse 15 novembre 1912)
Le 22 janvier a démarré à Montreux (Suisse), la conférence Genève 2 qui doit créer les conditions d’un accord de paix en Syrie. La tenue de cette conférence, dont les difficultés sont telles que nulle ne peut prévoir à cette heure leur poursuite, est déjà le résultat du volontarisme d’une poignée de responsables à l’échelle internationale qui se rendent compte que le Proche-Orient, pourrait bien être les Balkans du XXIe siècle, l’endroit à partir duquel un nouveau conflit mondial est détonné. Car, comme Jaurès le dénonçait déjà dans ce discours que nous citons plus haut, « des minorités résolues », semblent avoir déjà fait le pari de la guerre, et on voit une surenchère guerrière apparaître dans les médias, cherchant tantôt dans le conflit au Proche-Orient, tantôt dans les affaires d’Ukraine, tantôt dans les faiblesses de la Chine, le prétexte pour pouvoir en découdre.
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- Activement engagés pour la paix mondiale
- Le président russe Vladimir Poutine, le pape François et le chef d’état-major des armées américaines le général Martin Dempsey.
Qui sont donc, cette poignée d’hommes sur qui la paix dépend aujourd’hui ? Pas de héros, loin de là ; juste des hommes capables de mesurer les terribles enjeux de l’âge nucléaire, contrairement à Obama et Hollande. Au premier plan on trouve Vladimir Poutine. Avec le soutien de la Chine, elle a décidé de mettre le holà à une nouvelle période d’expéditions coloniales dignes du XIXe siècle, lancée par la France et le Royaume-Uni contre la Libye, et qui se poursuivait en Syrie. En venant au secours de la Syrie, tout en lui proposant le démantèlement de ses armes chimiques ; en menaçant d’opposer son bouclier aux possibles frappes aériennes américaines, il a contribué à éviter le pire.
Vient ensuite le Pape François qui, avec une foi toute fraîche venue d’une Amérique du Sud plus jeune, a mis son poids dans la balance pour arrêter l’enfer en Syrie. Depuis août 2013, la diplomatie vaticane ainsi que les œuvres humanitaires catholiques ont été déployées dans l’aide à des millions de réfugiés au Liban et en Jordanie.
Le 5 septembre, le Pape adressa à Vladimir Poutine en tant que président du G20, un « appel du fond du cœur » pour demander aux membres du G20, de trouver une « solution pacifique » à la crise syrienne. Au même moment, Mgr Mamberti, Ministre des relations entre les États et le Vatican, s’adressa aux ambassadeurs auprès du Saint Siège, expliquant qu’il fallait en Syrie « préserver l’unité du pays en évitant la constitution de zones découpées selon les différentes composantes de la société », car « le concept de citoyenneté » est « indépendant de toute appartenance ethnique ou religieuse ».
Le 7 septembre, une journée de jeûne et de prière pour la Syrie à Rome rassemblait 100 000 personnes. Et le 13 janvier dernier, des ateliers sur la Syrie furent organisés à huit clos au Vatican pour voir comment organiser un cessez-le-feu, l’acheminement de l’aide humanitaire et la protection des chrétiens. Le contenu des discussions n’a pas filtré, mais une brochure publiée par le Vatican pour préparer cet atelier faisait l’éloge du président russe Poutine pour son rôle pivot dans la prévention d’une attaque militaire américaine sur la Syrie l’été dernier.
Dans le camp de la paix aussi le chef d’état-major des armées américaines, Martin Dempsey, qui n’a pas ménagé ses efforts pour décourager l’utilisation de la force en Syrie et promouvoir une solution pacifique, dans une opposition parfois frontale avec Barack Obama (voir lien internet). D’autres personnalité liées à la défense aussi, comme l’ancien secrétaire à la Défense, Robert Gates (voir encadré plus bas).
Exemple du rôle que joue le Général Dempsey dans les crises internationales, avec la Russie en particulier, cette rencontre du 21 janvier, avec son homologue russe, le général Gerasimov, à Bruxelles, pour traiter les questions relatives à la sécurité des jeux olympiques de Sotchi. Le général Gerasimov a demandé l’aide technique américaine, incluant des systèmes de détection et de neutralisation des dispositifs explosifs improvisés (IED) pouvant être déclenchés à distance, domaine où les Etats-Unis ont développé une grande expertise suite aux guerres d’Irak et d’Afghanistan.
A la fin de la rencontre, le général Dempsey a souligné l’importance de la communication directe entre les militaires des deux pays, ajoutant que celles-ci doivent être maintenues même en cas de disputes affectant les autres domaines de la relation bilatérale.
A ces forces qui occupent des positions de pouvoir dans le monde, il faut ajouter les efforts menés par l’association internationale de Lyndon et Helga LaRouche, et de Jacques Cheminade en France. Non pas en raison de leur nombre ou des hauts postes qu’ils occupent, car ils n’en occupent pas, mais parce que c’est la seule force politique agissant à l’échelle internationale, à avoir une vision stratégique des problèmes du monde et de ce que doit être le futur de notre planète. Ces conceptions, héritées de Franklin Roosevelt aux Etats-Unis, qui a préféré une alliance avec la Russie qu’avec l’Empire colonial britannique, et de Charles de Gaulle en France qui a fait de même, lui permettent de jouer un rôle sur le plan international, bien au-delà de ce que sa taille semblerait lui permettre.
Le camp de la guerre
Face à ce camp de la paix, on a vu, une fois de plus, le camp de la guerre à l’œuvre pour saboter Genève 2. On aurait espéré que notre pays y joue un rôle positif et mette fin à son alliance avec ces deux puissances réactionnaires que sont l’Arabie Saoudite du Prince Bandar, et l’Israël de Netanyahou. Cependant, à la veille des pourparlers à Montreux, le 21 septembre, on apprenait que M. Fabius avait refusé à la délégation syrienne qui allait à Genève, le survol de son espace aérien, sachant l’aéroport de Genève opère en partie sous juridiction française. Aussi, la France aurait agit en sous main pour attiser le refus de la Coalition nationale syrienne de voir l’Iran s’asseoir à la table des négociations. Par ailleurs, le fait que François Hollande ait demandé au Pape de recevoir cette Coalition qui n’a jamais représenté l’opposition sur le terrain à Bachar al-Assad et qui, ces derniers temps, a enregistré encore de départs en masse de ses composantes, est choquant.
Mais c’est surtout le remake des preuves truquées utilisées pour justifier la guerre d’Irak, qui nous laisse pantois. Si les « preuves » avancées à l’époque par Tony Blair et reprises par Colin Powell étaient déjà dérisoires, aujourd’hui elles relèvent du grotesque. Organisé pour paraître à la veille de l’ouverture du Genève 2, le cabinet juridique britannique Carter Ruck, publiait un rapport sur la « torture » pratiquée par le régime de Bachar al-Assad, accompagné de 55 000 photos des morts sous la torture qui auraient été prises par le régime lui-même ! Lors de la guerre d’Irak, les Occidentaux avaient pris soin de cacher leurs manipulations ; aujourd’hui, même pas. C’est le Qatar, l’un des principaux ennemis de la Syrie qui a commandé et payé ce rapport ! Le même cabinet d’avocats se vante d’avoir gagné des procès pour deux de ses clients les plus sulfureux : Abdullah al Qadi et le cheikh Yusuf Qaradawi, tous deux soupçonnés de jouer un rôle de premier plan dans l’organisation d’Al-Qaïda.
Ainsi, dans une opération de propagande caractérisée, le 21 janvier on a vu les chiens de garde de l’oligarchie - les médias qui aboient pour leurs maîtres - Libération en tête, consacrer des pages entières à ce rapport et à ces photos non identifiées ! Tous exigeant bien sur le départ de Bachar al-Assad.
Une drôle de conférence a ainsi démarrée à Montreux. Mais bien qu’elle ait failli capoter, les deux délégations refusant de dialoguer entre elles après la journée de mercredi, où les 40 délégations ont présenté leurs propos liminaires, samedi et dimanche, elles se sont enfin réunies dans la même salle et ont accepté de se parler par l’entremise du négociateur de l’ONU, Lakhdar Brahimi. Au centre de négociations non les solutions au conflit, ou même un cessez-le feu, mais les problèmes urgents. Samedi, ce sont les problèmes humanitaires de la ville syrienne de Homs qui ont été abordés ; dimanche, ce sera le problème des prisonniers et des disparus.
Un peu de temps a été gagné. Sonnons maintenant fort les « cloches » de la réconciliation générale, appelons les vivants, comme l’a fait Jaurès, pour qu’ils se lèvent contre le monstre qui apparaît à l’horizon, aidons ces quelques figures internationales à sauver la paix mondiale.
Etats-Unis : Les plus grandes Colombes portent l’uniforme militaire !
« La guerre parait douce à ceux qui n’en ont pas l’expérience » (Erasme, Adages)
Début janvier, Robert Gates, ancien secrétaire à la Défense sous George Bush and sous Obama, ancien directeur de la CIA aussi, a lancé sa campagne pour promouvoir son dernier ouvrage « Devoir : Mémoires d’un Secrétaire d’Etat », un livre d’un vrai patriote et homme de paix avec lequel il cherche a impacter la politique militaire de Washington.
Au cours d’interviews et des tribunes avec les principaux médias américains, Robert Gates critique vertement les politiques va-t-en guerre irresponsables de ces deux présidents, ainsi que l’attitude belliqueuse du Congrès américain.
S’acharne-t-il sur Obama ? N’aurait-il pas pu attendre la fin du terme d’Obama en 2017 pour publier ce livre alors qu’une guerre est en cours ? Voici certaines des questions auxquelles il répond sans ambages dans ses entretiens. Comme à Fox News le 15 janvier : « lorsque nous regardons la Syrie, l’Iran, la Chine, la Russie (...) ces débats et questions sont toujours devant nous, [et] je voulais mettre mes idées sur la table. » Attendre 2017 aurait rendu « tout cet exercice futile ».
Ses remarques concernent également la guerre contre la Libye à laquelle il s’est opposé, sans succès, ou la Chine sur laquelle il n’hésite pas à dire à Fareed Zakaria de CNN, qu’elle « n’est pas un adversaire militaire des Etats-Unis aujourd’hui et que la situation future sera largement déterminée par la façon dont les responsables politiques des deux pays, se traiteront les uns les autres ».
Que reproche-t-il à ces présidents, au Congrès ?
Dans son ouvrage il explique qu’« il est bien plus facile d’entrer dans une guerre que d’en sortir ». « Ceux qui évoquent la nécessité de développer une stratégie de sortie (…) lors que les hypothèses de départ s’avèrent fausses, sont rarement reçus avec des compliments par ceux qui, autour de la table de réunion, soufflent le feu et demandent que l’on frappe comme ils l’ont fait en promouvant l’invasion de l’Iraq, l’intervention en Libye et en Syrie, ou les bombardements des sites nucléaires en Iran.
« Dans les dernières décennies, des présidents confrontés à de problèmes difficiles à l’étranger ont trop souvent eu tendance à mettre le doigt trop rapidement sur la gâchette. Notre politique étrangère et de sécurité nationale est devenue trop militarisée, l’utilisation de la force trop facile pour les présidents.
« Aujourd’hui, trop d’idéologues appellent à l’utilisation de la force par les Etats-Unis en premier recours plutôt qu’en dernier ressort. A gauche, on nous parle de la responsabilité de protéger des civiles pour justifier le recours aux armes en Libye, Syrie, Soudan ou ailleurs. A droite, le refus de frapper la Syrie ou l’Iran est vu comme une abdication du leadership américain. (…) Il y a des limites a ce que la plus forte et la plus grande nation sur terre peut faire, et chaque outrage, acte d’agression, oppression ou crise ne doit pas nécessairement faire appel à une réponse militaire de la part des Etats-Unis.
« On doit avoir tout ceci en tête, notamment face aux changements provoqués dans la guerre par des progrès technologiques. Un bouton est poussé dans le Nevada, et quelques secondes plus tard, un pickup explose à Mossoul. (…) Pour trop de gens – experts de la défense, membres du Congrès, responsables de l’exécutif ou citoyens ordinaires – la guerre est devenue une sorte de jeux vidéo ou film d’action : sans effusion de sang, douleur ou odeur. »
Washington : la plus grande menace pour la sécurité des Etats-Unis !
La condamnation par Gates de ces pratiques au plus haut de l’exécutif américain, est sans appel. Dans un entretien avec Fox News le 15 janvier, il se lâche : lorsque les gens lui demandent « ‘quelle est la plus grande menace à la sécurité nationale des Etats-Unis ?’ Je leur réponds : elle est située dans les deux miles carrés englobant le Capitole et la Maison Blanche » !
Et lorsque le Wall Street Journal lui demande, le 15 janvier, de préciser sa pensée sur la guerre préventive, il n’a pas été par quatre chemins : « On devrait être très prudent sur la guerre préventive. Ces guerres dépendent d’un niveau de certitude et de confiance très élevé dans le renseignement américain, et franchement, nous ne devrions pas avoir trop de confiance dans nos capacités à être dans le vrai », a-t-il dit citant l’exemple irakien.
Des traditions militaires plus saines
Gates évoqua des souvenirs d’autres temps où les choses n’étaient pas comme cela aux Etats-Unis, en parlant d’un grand général, Fox Connor, qui fut l’inspirateur du Général Eisenhower et de George Marshall. Connor était un philosophe de l’art militaire, un historien et homme versé dans la pensée de Shakespeare. Il avait trois maximes : ne jamais s’engager si ce n’est pas nécessaire, ne jamais combattre seul, ne jamais combattre pendant long temps. Et Gates de citer l’ouvrage consacré par Jean Smith à Dwight Eisenhower. « Durant les huit années où Ike était au pouvoir, il y a eu de gros bouleversements dans le monde : la Chine s’est dotée des armes nucléaires, la Russie les a eu aussi, des révolutions et des guerres eurent lieu partout, ainsi que la crise explosive du Détroit de Taiwan. Combien de fois les chefs d’état major n’ont pas été unanimes en faveur de l’utilisation des armes nucléaires pour traiter certaines de ces situations. Pas un seul soldat américain n’a été tué pendant ces 8 ans. »
« Le vilain petit secret qui circule à Washington, a-t-il dit au Daily Show citant son livre d’il y a 15 ans, est que les plus grandes colombes, portent des uniformes militaires. Parce qu’ils ont vu la guerre et ses conséquences, parce qu’ils ont été envoyés au combat, dans les conflits, et qu’ils ont vu le soutien politique s’évaporer suivant les décisions du leadership politique ou l’absence de telles décisions. » Ainsi, « l’un des thèmes du livre est qu’en déployant nos forces (...) nous devons être beaucoup plus prudents, être prêts à admettre que nous ne connaissons pas les conséquences inattendues et que nous connaissons très peu sur nos adversaires. Nous faisons toutes sortes d’hypothèses : les guerres seront courtes, nous entrerons et nous sortirons - mais voici douze ans que nous sommes allées en Afghanistan ».
Amateur de culture classique, que recommande-t-il aux jeunes qui entrent au gouvernement à Washington ? Tout en décriant la façon dont ces choses sont enseignées aujourd’hui, il leur dit : « Lisez l’histoire (…) Si j’avais été amené dans un cours de science politique ou d’histoire, j’aurais dit aux étudiants de jeter leur livres à la poubelle ! »
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