Le 24 mai 2008 (Nouvelle Solidarité) – Le rapport de la commission Croissance et développement, publié le 22 mai, c’est-à-dire le même jour où les doyens sociaux démocrates européens ont adressé une lettre à Nicolas Sarkozy pour dénoncer la dictature des marchés financiers, met fortement en cause le fameux et très libéral « Consensus de Washington ».
Lancée en Avril 2006, la commission se compose de 21 experts, anciens chefs d’Etats, de gouvernements, de ministres des finances et directeurs des banques centrales, majoritairement des pays en voie de développement, comme par exemple l’ancien ministre des finances turc, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Kemal Davis ; l’ancien président du Mexique, Ernesto Zedillo ; le gouverneur actuel de la banque de Chine, Zhou Xiaochuanou ou encore le Dr Boediono, gouverneur de la banque centrale d’Indonésie, parmi d’autres.
On aurait bien du mal de soupçonner la commission d’altermondialisme irresponsable, puisqu’elle est présidée par un libéral orthodoxe, le prix Nobel Michael Spencer, ancien doyen de la Stanford Graduate Business School et Danny Leipziger, vice-président de la Banque mondiale. Parmi les autres membres étasunien, signalons Robert Rubin, ancien secrétaire au Trésor sous Clinton et président de la plus grande banque privée du monde, Citigroup, ainsi que le Robert Solow, un autre Nobel et professeur au MIT.
Selon le Monde, le rapport de la commission « sonne la fin du tout-libéralisme en vogue depuis la fin du XXe siècle en matière de politiques de développement économique. Elle annonce un nouveau consensus pour une mondialisation moins sauvage ».
Appuyée par la Banque mondiale, la commission s’est intéressée à comprendre pourquoi et comment treize pays (Botswana, Brésil, China, Hongkong, Indonésie, Japon, Corée du sud, Malaysia, Malta, Oman, Singapore, Taiwan et Thaïlande) ont pu afficher pendant au moins vingt-cinq ans des chiffres de croissance annuelle d’au moins 7% !
La commission constate que les politiques de ces pays vont toutes à l’encontre du « Consensus de Washington », cette théorie, écrit Le Monde, « adoptée par les institutions internationales et élaborée par l’économiste John Williamson à la fin des années 1980, et qui prônait la réduction des déficits, des impôts et des dépenses publiques, l’accélération des privatisations et des déréglementations. »
Le rapport est très explicite : « La principale de nos conclusions est que la croissance indispensable pour faire reculer la pauvreté et assurer un développement durable réclame un Etat fort », affirme Kemal Dervis.
Rester ouvert sur le commerce international reste nécessaire mais « les orthodoxies ont leurs limites » puisque « plus l’économie croît, plus une administration publique active et pragmatique a un rôle crucial à jouer », ce qui implique « une planification à long terme ».
Contre les fixations mentales des néo-conservateurs selon lesquelles il faut d’abord instaurer la démocratie avant de lancer le développement, la Commission estime que si le cap de la croissance est maintenu, la démocratie suivra. Comme le conseillait l’ancien secrétaire général du Parti communiste chinois, Deng Xiaoping, on peut « traverser la rivière en tâtant les pierres ».
Pour creuser le sujet : focus