Le 29 août, lors de sa présentation devant la conférence annuelle des ambassadeurs de France dans le monde, le chef de la diplomatie française Hubert Védrine a abordé la situation stratégique actuelle et la politique étrangère de la France. Déjà bien connu pour sa critique de l’« hyperpuissance américaine » et sa défense d’un « monde multipolaire », Védrine a considérablement intensifié, à cette occasion, ses attaques contre la politique anglo-américaine.
Il a notamment fustigé la globalisation : « Les grandes entreprises mondiales et les principaux fonds de pension, les uns et les autres avant tout américains, modèlent et façonnent chaque jour sans état d’âme le monde (...). Ils estiment même disposer d’une légitimité égale à celle des gouvernements. » Les forces de la globalisation ont en commun de « contourner les Etats ou de vouloir leur échapper et de réduire leur emprise même quand il s’agit d’Etats de droit démocratiques. Elles se fondent sur l’individu consommateur plutôt que sur le citoyen. » Par conséquent, la globalisation affaiblit les Etats, tandis que « les régulations multilatérales et intergouvernementales type ONU et Bretton-Woods (...) piétinent. Pourtant, elles sont plus nécessaires que jamais en raison des problèmes globaux (...) ».
Cependant, dans le monde, les demandes de régulation se multiplient : « En Europe une grande partie de l’opinion, presque tous les partis politiques demandent plus de régulation, presque tous les gouvernements y travaillent (...). La plupart des pays en développement la réclament. (...) Les Etats-Unis, pour leur part, maintiennent une certaine ambivalence sur cette question qui ne peut nous étonner . »
Védrine a ensuite critiqué les élites américaines, exprimant le doute que « les résultats des élections présidentielles et législatives américaines [puissent] modifier en profondeur le cours de la politique étrangère des Etats Unis. (...) Il y a un consensus très fort aux Etats-Unis sur le rôle de leader qui doit être le leur dans le monde (...) et les deux grands partis participent à ce consensus. » Il a proposé de rester « attentif, pour en voir les développements possibles, à la montée d’une sorte de néo-unilatéralisme (qui est le contraire de l’isolationnisme), conception qui résulte mécaniquement de la situation d’hyperpuissance. Elle remet en question l’idée même que les Etats-Unis doivent négocier avec les autres, adversaires ou alliés. » De façon remarquable, le chef de la diplomatie française a alors conseillé aux assistants « la lecture édifiante » de l’article de Zbigniew Brzezinski paru dans The National Interest, qui fait l’objet de l’article ci-dessus.
La France doit « coopérer ou résister selon les cas, sans cesser de dialoguer » avec les Etats-Unis. Résister « lorsque l’unilatéralisme inspire des décisions qui ne sont pas conformes à nos intérêts économiques ou stratégiques, ni favorables à nos ambitions politiques pour l’Europe, ni propices à une approche multilatérale des défis globaux. (...) La France n’a pas à renoncer à avoir sa vision propre de l’organisation du monde (...) ».