Dans la nuit du 20 mai, le bureau du député démocrate William Jefferson à la Chambre des représentants a fait l’objet d’une perquisition de la part du FBI. Il est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin se montant à 100 000 dollars pour avoir arrangé des affaires commerciales en Afrique. La transaction aurait été enregistrée sur vidéo et 90 000 dollars en liquide auraient déjà été découverts à son domicile, dans un congélateur. Ce modus operandi rappelle les fameuses affaires Abscam d’il y a près de 25 ans, lorsque le FBI orchestrait des coups montés contre des hommes politiques « indésirables » afin d’avoir un prétexte pour les poursuivre au criminel et mettre ainsi fin à leur carrière politique. Signalons que Jefferson est le premier député afro-américain de Louisiane élu depuis la période de la Reconstruction du Sud (vers 1877).
Quels que soient les faits - qui restent encore à démontrer - le raid a provoqué une levée de boucliers, tant chez les républicains que chez les démocrates. Jusqu’à présent, le ministère de la Justice (DOJ) ne s’était jamais permis de perquisitionner le bureau d’un élu fédéral. Côté républicain, l’ancien député Newt Gingrich a dénoncé une « violation des plus flagrantes » de la séparation des pouvoirs, Bill Frist s’est dit préoccupé et le président de la Chambre Dennis Hastert a déclaré que c’était une action « suspecte du point de vue constitutionnel », « un abus de pouvoir de la part de la branche exécutive ». La dirigeante démocrate Nancy Pelosi a déclaré que « les enquêtes du DOJ doivent être conduites en accord avec les protections constitutionnelles et les précédents historiques ».
Le 24 mai, Hastert et Pelosi ont fait une déclaration conjointe appelant le DOJ à restituer « immédiatement les documents saisis en violation de la Constitution ». Concernant la séparation des pouvoirs, ils font remarquer : « Ces principes constitutionnels n’ont pas été conçus par les pères fondateurs pour mettre quiconque au-dessus de la loi. Ils ont été conçus pour protéger le Congrès et le peuple américain contre d’éventuels abus de pouvoir, et ils méritent d’être vigoureusement défendus. »
Hastert a déclaré : « Pour autant que je sache, depuis la fondation de notre République il y a 219 ans, le ministère de la Justice n’a jamais trouvé nécessaire de faire ce qu’il a fait samedi soir, [à savoir] franchir la ligne de la séparation des pouvoirs, dans le cadre d’une enquête pour corruption contre un membre du Congrès. Rien de ce que j’ai appris ces dernières 48 heures ne me permet de penser qu’il était nécessaire de renverser le précédent établi durant ces 219 années. »
La chaîne ABC a diffusé une information selon laquelle Hastert lui-même était l’objet d’une enquête dans une affaire de lobbying. Cette fuite à la presse avait été organisée, d’après Hastert, par quelqu’un au sein même du gouvernement, à titre de représailles. « C’est le genre de fuite destinée à intimider les gens, mais nous n’allons pas nous laisser intimider », dit-il.
Le député républicain James Sensenbrenner, président de la commission Judiciaire de la Chambre, a déclaré que sa commission allait organiser des auditions concernant cette perquisition, qui soulève « des questions constitutionnelles profondément troublantes ».
Jefferson lui-même a porté plainte devant un tribunal fédéral. Il demande la restitution des documents confisqués et la cessation immédiate de l’examen des documents par le FBI. Devant la révolte du Capitole, le président Bush a ordonné le 25 mai que le matériel, le disque dur et les deux cartons de documents que le FBI avait confisqués, soient scellés et mis en sécurité pendant 45 jours dans le bureau d’un procureur, le temps de résoudre le conflit.