17 mai 2012 (Nouvelle Solidarité) – Comme nous le rapportions il y a quelques jours, les pertes colossales de la banque américaine JP Morgan Chase sur les marchés dérivés de la City de Londres ont provoqué aux Etats-Unis et dans le monde entier une véritable lame de fond en faveur du rétablissement d’une séparation stricte entre banques de dépôts au service de l’économie réelle et banques d’affaires spéculatives à l’image de la fameuse loi Glass-Steagall imposée Etats-Unis en 1933 par le président Franklin Roosevelt et en France à la Libération.
L’équipe de François Hollande, qui, sans les connaître, répète souvent qu’elle ne fait que s’inspirer des réformes américaines en cours, devrait faire l’effort de lire ce qu’affiche le site de la Maison Blanche. Bien que plus de 23 000 Américains y aient signé une pétition appelant à réinstituer la loi Glass-Steagall, la Maison-Blanche n’a eu aucun état d’âme pour leur envoyer un message personnel expliquant pourquoi Obama s’y oppose ! Le scandale JP Morgan risque donc de se retourner rapidement contre un Président Obama dont les plus grands donateurs pour sa réélection sont une fois de plus les grandes banques de Wall Street.
Dans l’opinion, voici les dernières déclarations en faveur de Glass-Steagall.
- La prise de position en faveur de Glass-Steagall par la candidate démocrate au Sénat Elizabeth Warren, du Massachusetts, a été largement couverte par les médias et a amené plus de 50 000 américains à signer en moins de 24 heures une pétition appelant à restaurer Glass-Steagall. Elizabeth Warren est une experte reconnue dans la protection des droits des consommateurs et pour ses nombreuses prises de position pour une stricte régulation bancaire.
- Dans une interview au Washington Post, Warren a expliqué que si c’est trop compliqué de mettre en place la Volcker Rule [interdisant les banques de spéculer avec leur fonds propres], ce n’est pas une raison pour abandonner la lutte pour la régulation bancaire mais au contraire pour faire adopter un nouveau Glass-Steagall. Le Boston Globe a pour sa part ajouté que Warren avait également appelé à la démission du PDG de JP Morgan Chase, Jamie Dimon.
- Un reporter de Dows Jones Market Watch, David Weid, écrit : « Ainsi, plutôt que de lancer plus de règles inefficaces et pouvant facilement être déjouées dans le système, divisons tout simplement le système en deux. Nous les gens allons garder nos banques traditionnelles – le côté monétaire et économique de l’équation. Nous allons laisser la capitalisme de casino se déchaîner de l’autre côté. Ramenons Glass-Steagall... »
- Un éditorial du Pittsburgh Tribune Review (pourtant propriété de Richard Mellon Scaife, de la famille de banquiers Mellon) : « La meilleure solution est un retour à une ancienne règle de bon sens – Glass-Steagall (…) [qui] a très bien servi ce pays pour de nombreuses décennies jusqu’à ce qu’elle ne soit affaiblie en 1960 puis finalement éliminée en 1999. »
- Un éditorial de l’agence de presse Reuters, de James Saft : « La règle Volcker ne sera pas efficace ; il est impossible de distinguer les opérations de couverture de la spéculation et chacune des deux peut faire exposer les banques. L’alternative est de mettre fin à cette politique du ’too big to fail’, de préférence en forçant toutes les banques par la même occasion à quitter le secteur de la spéculation sur les marchés par une restauration de Glass-Steagall... »
- Une lettre au New York Times de Paul Immerman, avocat spécialisé du marché obligataire : « Il est temps d’ignorer les déclamations futiles des banquiers qui font pression pour moins de régulation et d’imposer une vraie réforme en reconnaissant que l’abrogation de Glass-Steagall était une erreur. Seulement en rétablissant Glass-Steagall et en interdisant toutes les activités de trading par les banques commerciales pourrons-nous éviter en autre effondrement et un renflouement aux frais du contribuable. »
- Un éditorial du St. Louis Post-Dispatch : « Avec Glass-Steagall, la nation a bénéficié de presque 50 années de prospérité. Les banques commerciales prêtaient de l’argent. Les banques d’investissement faisaient des affaires. Les maisons de courtage vendaient des actions et des obligations. Les compagnies d’assurance vendaient des assurances. Et ça marchait. »
L’éditorial se conclut en suggérant comme slogan de campagne : « Ramenez Glass-Steagall. C’était assez bon pour Roosevelt. C’était assez bon pour 50 ans de prospérité. L’argent qui tourbillonne à travers la finance internationale ces jours-ci ne fait que cela – tourbillonner, créant des profits et aucun emploi. Cela rend la nourriture et l’essence plus chères. C’est un schéma de Ponzi hors de proportion qui enrichit une minorité au détriment du plus grand nombre. »
- Un commentaire de Nomi Prins sur le site de Truthout : Prins explique que les pertes de JMP/Chase vont s’alourdir et d’étendre, ajoutant qu’« il n’existe plus de transactions isolées aujourd’hui (...) Dimon a raison à propos d’une chose, c’est que la règle Volcker ne se serait pas nécessairement appliquée à cette ’opération de couverture’... La règle Volcker ne changera rien de fondamental au sujet du risque global – tant et aussi longtemps que les banques ne seront pas séparées à la Glass-Steagall selon la ligne dépôt/prêt vs spéculation, elles auront accès à des capitaux comme combustible. Et le brûler elles vont le faire. »
Nous terminons notre tour d’horizon en citant Rachel Brown, une des candidates larouchistes qui s’était présentée en 2010 au Massachusetts dans la primaire démocrate pour le Congrès contre le député Barney Frank, co-auteur de la loi Frank-Dodd intégrant la règle Volcker.
A l’époque, Brown avait dénoncé Franck comme un imposteur dans sa soi-disante lutte contre la spéculation. La candidature de Brown avait recueilli, en dépit d’une très faible exposition médiatique, plus de 20% des votes. Aujourd’hui, bien que Franck a annoncé qu’il ne se représentera plus, Rachel Brown est de nouveau en lice. Dans un communiqué du 16 mai, Brown déclare :
« Il est de plus en plus évident que l’escroquerie Obama-Barney Frank, cherchant soi-disant à faire rentrer Wall Street dans le rang, a été un échec, et plusieurs, incluant la candidate au Sénat Elizabeth Warren, se sont joints à l’appel pour restaurer Glass-Steagall, et mettent la pression pour que ce soit fait avant les élections de novembre prochain. Je salue les fortes déclarations de Warren à ce propos, et comme la direction du Parti Démocrate les sait bien ici au Massachusetts, ceci était au centre de ma campagne de 2010 contre Barney Frank. J’étais essentiellement la seule à cette époque, (…) alors que tous les autres démocrates du Massachusetts se défilaient face à la brutalité de Barney et à la pression de la Maison Blanche.
« Mon message aux démocrates nouvellement convertis [à Glass-Steagall] – qui ont eu besoin d’un signal d’alarme comme celui que nous venons de voir sur Wall Street – est de changer votre habitude de cireur de pompes une fois de plus, et de reconnaître très vite que LaRouche et moi-même avions raisons sur ce point également : qui est que pour sauver notre nation et lancer une initiative de reprise véritablement rooseveltienne avant qu’il ne soit trop tard, le Président Obama doit partir, maintenant, bien avant l’élection de novembre. »
# Go
• 18/05/2012 - 14:42
Bonjour,
Voici un article de Paul Jorion que je trouve intéressant et qui désigne une autre voie pour réguler la finance :
Le 15 septembre 2008, la banque d’affaires américaine Lehman Brothers fait faillite. Quelques jours plus tard, les « money markets », le marché des prêts interbancaires à court terme, s’effondrent. On ne sait pas combien exactement les banques centrales mondiales durent débourser conjointement pour stopper l’hémorragie mais le chiffre avoisine les mille milliards de dollars.
Le nouveau mot d’ordre fut bien sûr : « Plus jamais ! » On inventa un surnom pour désigner les établissements financiers susceptibles d’entraîner dans leur perte celle du système financier tout entier : « Too Big to Fail », trop grosses pour faire défaut. On les appela aussi de manière plus solennelle : « institutions financières importantes d’un point de vue systémique ».
On avait eu très peur mais la solution allait de soi : il fallait démanteler ces établissements susceptibles d’entraîner le système économique et financier dans leur chute.
Qu’a-t-on fait depuis ? Rien !
On a bien tenté initialement d’empêcher qu’une telle tragédie ne se reproduise mais tous les efforts ont été vains : un nombre infini de bâtons ont été mis dans les roues du Dodd-Frank Act, le projet américain de réglementation financière, long de 2.300 pages, puis l’on a entrepris de détruire avec méthode tout ce que le texte contenait.
Dans un article paru ce mois-ci dans la revue américaine Rolling Stone, le journaliste Matt Taibbi a dressé l’inventaire navrant de la déconstruction : accumulation des exceptions affaiblissant les mesures envisagées, suppression des budgets de fonctionnement des organes de régulation, collusion de régulateurs individuels avec les adversaires de la loi, actions en justice intentées par les milieux financiers contre tous les aspects du projet, recours divers visant à retarder indéfiniment sa mise en application, vote de nouvelles lois visant à vider de toute substance le peu qui subsiste, retraits des contributions aux campagnes électorales des parlementaires et sénateurs impliqués dans le projet, etc.
Taibbi termine son article sur une note désabusée : « Voilà le problème qui sous-tend toute tentative de mettre Wall Street au pas : notre système politico-économique est devenu trop intriqué et incontrôlable pour que la logique démocratique puisse encore jouer ».
Pourquoi la finance torpille-t-elle des mesures visant à empêcher l’écroulement du système financier tout entier ? Parce que la survie de celui-ci sur le long terme ne fait pas partie de son horizon, qui est le plus souvent uniquement celui du bénéfice immédiat. Comme le dit le scorpion : « Me préoccuper du cadre n’est pas dans ma nature ! », et du coup, le suicide accidentel n’est pas à écarter.
Y a-t-il une solution ? Oui, bien sûr, et elle crève les yeux, implicite au fait que le Dodd-Frank Act fait 2.300 pages : c’est sa taille-même qui en a fait un château de cartes.
Par exemple, quand Taibbi observe qu’« Un marché non-régulé des produits financiers dérivés permet […] à Wall Street de placer des taxes invisibles sur tout ce qui existe dans le monde », il ne se trompe pas. Pour empêcher cela, il suffit de restaurer les quelques articles de loi qui interdisaient autrefois la spéculation (abrogés en Belgique en 1867 et en France, en 1885). Ou, mieux encore : créer un article unique dans une Constitution pour l’économie affirmant sans détours : « La spéculation est interdite ».
Mille pages au moins du Dodd-Frank Act remplacées par une seule phrase de quatre mots, et sans finasseries possibles dues à des ambiguïtés ! Qui dit mieux ?
# Benoit Chalifoux
• 19/05/2012 - 11:00
M. Jorion est un spécialiste pour tourner autour du pot et pour tout transformer sans dessus dessous.
Le démantèlement des "too big to fail", c’est ça qui est implicite dans Glass-Steagall, plus un autre concept qui n’a rien à voir à voir avec la taille, qui est celui de la mission de base confiée à la banque : soit la collecte de l’épargne et l’émission de crédit pour l’activité économique réelle, avec une assurance garantie par l’Etat et une régulation appropriée, soit la spéculation ou même des opérations financières tout-à-fait légitimes pour les banques d’affaires, qui ne s’adressent qu’aux plus riches, qui ont les moyens de risquer une partie de leur capital, AU-DELA de leur épargne. Le concept est très clair et constitue le fondement de l’histoire des banques modernes.
La loi Frank-Dodd était une fraude dès les départ, et c’est bien pour ça qu’elle avait plus de 2000 pages, pour noyer le poisson. Nous l’avons amplement démontré sur ce site, et ce même avant qu’elle soit votée. (Voir la campagne de notre jeune collègue américaine Rachel Brown contre Barney Frank (co-auteur de la loi Frank-Dodd) en 2010.
Dernière chose, ceci n’a rien à voir non plus avec la Constitution, car il n’y avait pas d’ambiguïté possible avec Glass-Steagall. C’est une loi qui peut être votée à la majorité simple dès demain matin, elle est déjà en attente comme proposition de loi (HR 1489). Elle a le mérite d’avoir déjà existé et d’avoir très bien fait son boulot, comme en France d’ailleurs. A part le fait que ce n’est pas nécessaire, M. Jorion sait très bien qu’un amendement de la Constitution serait de toute manière beaucoup plus difficile à obtenir.
Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de la démagogie, mais un débat clair et honnête. Nous attendons d’ailleurs que M. Jorion nous fasse signe...
# Go
• 20/05/2012 - 15:28
D’accord.
Je n’avais pas pensé à l’obstacle de la Constitution.
Que c’est compliqué !
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# EDITH
• 18/05/2012 - 13:14
Il n’y a pas que glass-steagall qu’il faut appliquer il faut aussi faire le ménage intégral dans les entreprises du cac 40 car de l’escroquerie il y en a à la pelle et si nous voulons repartir sur des bases saines pour avoir un avenir meilleur il n’y a pas d’autres possibilités la moralité doit redevenir notre crédo !
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# Baste
• 18/05/2012 - 10:22
un livre d’Anthony Sutton sur Roosevelt et Wall Street. Je ne sais pas ce que ça vaut même si je sais l’auteur être sérieux… Dommage, pas de traduction en français, à prendre en compte par contre.
http://www.reformation.org/wall-st-fdr.html
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# petite souris
• 17/05/2012 - 21:40
Les pertes colossales de la banque JP Morgan Chase sont passées sous le silence de Cannes et de l’installation du nouveau gouvernement....
Bravo à tous ceux qui se battent aux stètes pour le retour à un nouveau Glass-Steagall act, afin d’être un exemple à suivre pour nos pays d’europe et le reste du monde.
Bien sûr Jacques a eu raison de placer sa campagne sur le thème du monde sans la City ni Wall Street.
Tout va très vite et va s’accélérer encore.
Je crains que cela aille plus vite que les législatives et ce n’est pas Moscovici (proche de DSK) aux finances qui coupera les banques en deux.....
Tout cela est préoccupant et doit pousser tous nos candidats à faire une campagne offensive toujours et encore sur ce sujet.
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# Yvan Stepov
• 17/05/2012 - 17:08
C’est effectivement une question de bon sens :
ou l’on souhaite mettre en place un vrai cordon sanitaire entre la finance casino et les banques de dépôt, et le moyen le plus efficace est effectivement une séparation juridique des activités sous la forme d’établissements séparés,
ou l’on fait semblant en laissant les activités s’exercer sous le même toit et en s’exposant ainsi à toutes sortes de contournement de règles fatalement en retard sur l’imagination de l’ingénierie financière.
Sur ce plan, la position de Jacques Cheminade est imparable.
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