Depuis 2002, en vertu d’un Ordre présidentiel signé par le président Bush quelques mois après les attaques du 11 septembre, la NSA (Agence de sécurité nationale sous la tutelle du Pentagone) mène des opérations de surveillance électronique et autres formes d’espionnage à l’égard de citoyens américains. C’est le New York Times, dans son édition du 16 décembre, qui a révélé cette nouvelle sensationnelle, qui a immédiatement fait le tour du monde : la NSA surveille les appels téléphoniques et courriels internationaux de personnes résidant aux Etats-Unis, dans le cadre de ses efforts pour découvrir des personnes ou des numéros de téléphone liés à al-Qaida, ou liés à d’autres pouvant être en relations avec ce groupe, et ce sans avoir obtenu l’autorisation judiciaire d’un tribunal spécial créé à cet effet dans le cadre d’une loi de 1978 (Foreign Intelligence Surveillance Act). Cette loi avait été adoptée suite aux révélations concernant les mises sur écoute d’ennemis politiques, ordonnées quelques années plus tôt par le président Nixon et Henry Kissinger, et suite à des enquêtes parlementaires sur les activités d’espionnage de différents services de renseignement sur le sol américain.
Selon le NYT, bien que le président Bush ait signé l’ordre en question, le programme était en réalité dirigé par le vice-président Cheney. Certains dirigeants des commissions du Renseignement de la Chambre et du Sénat avaient été convoqués dans le bureau de Cheney où le vice-Président lui-même, le directeur de la NSA Michael Hayden et le directeur de la CIA George Tenet les ont informés de la disposition. Par la suite, le sénateur démocrate John Rockefeller, de la commission du Renseignement, écrivit à Cheney pour lui faire part de ses inquiétudes sur ce programme.
La Maison Blanche a tenté de justifier le recours à ce type de surveillance sans autorisation du juge en alléguant, dans divers mémorandums secrets, que le Président, en sa qualité de commandant en chef, dispose de pouvoirs quasi illimités dans la « guerre au terrorisme », et ce depuis l’adoption par le Congrès, en 2001, d’une résolution autorisant l’utilisation de la force contre al-Qaida. C’est le même argument invoqué par le gouvernement pour prétendre qu’il n’est plus tenu par la loi américaine sur la torture et les Conventions de Genève.
Le New York Times a admis qu’il avait retardé pendant un an la publication de ce rapport, à la demande de la Maison Blanche. Au-delà du vote sur le Patriot Act, ces révélations ont amené le Sénat à prendre d’autres initiatives. Le 16 décembre, Arlen Specter, président de la commission Judiciaire du Sénat, a déclaré qu’il allait organiser des auditions sur l’espionnage de citoyens américains et étrangers sur le sol américain suite aux attaques du 11 septembre. Ce genre d’activité est « clairement et catégoriquement » interdit, déclara Specter au Sénat. « La commission Judiciaire examinera la question dès le début de l’année prochaine - c’est un sujet de première priorité. »
Le même jour, la sénatrice démocrate Diane Feinstein a dénoncé la décision de l’administration Bush d’autoriser la surveillance de citoyens américains en violation du FISA. Elle a énuméré les différentes dispositions du FISA et cité le quatrième amendement de la Constitution américaine garantissant « le droit des citoyens de protéger leur personne, domicile, documents et effets personnels contre les perquisitions et saisies non motivées. » Elle a également lu une résolution commune votée après le 11 septembre, autorisant l’utilisation de la force militaire, précisant que ce texte ne donnait en aucun cas au Président l’autorité d’enfreindre le FISA, envers lequel, dit-elle, il ne peut y avoir d’exception.