Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires Etrangères a rendu public sur le site de son ministère un article important sur les potentialités illimitées d’une coopération russo-américaine
15 août 2007 (LPAC) - Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires Etrangères a rendu public sur le site de son ministère un article important sur les potentialités illimitées d’une coopération russo-américaine, sous condition que la politique « d’endiguement » à l’encontre de la Russie soit définitivement abandonnée.
L’article est un reflet du processus de discussion entamé entre le président Poutine et George Bush père et fils à Kennebunkport début juillet portant sur le co-déploiement des systèmes anti-missiles.
Lavrov s’y réfère au « système de Westphalie », une référence à la paix de Westphalie qui mit fin à la guerre de trente ans en 1648 sur la base du respect de « l’avantage d’autrui ». Lavrov cite aussi comme référence deux passages de la Bible. D’abord celui du « sermon de la montagne » (Mathieu, 5, 39) où le Christ ordonne de « ne pas résister au méchant, » ajoutant que « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre » et ensuite le passage qui est considéré comme définissant la « règle d’or » de l’enseignement de Jésus spécifiant qu’ « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes. » (Matthieu 7 :12)
Si l’article de Lavrov était initialement prévu pour publication dans la revue américaine du Conseil des Relations Etrangères (CFR) Foreign Affairs, l’éditeur posa des conditions éditoriales jugées « inacceptable » par Lavrov faisant en sorte que ce dernier retira son papier. L’éditeur voulait réduire l’article de 40 %. L’article complet parait également dans le magazine La Russie dans les Affaires Globales, une publication conjointe du Conseil Russe pour la Politique de Défense et de Sécurité et Izvestia.
Lavrov nous fournit sur Kennebunkport une analyse en profondeur de la part du gouvernement russe pour le grand public et la suite qu’en espère le gouvernement russe. Dans son article, il donne son soutien au concept de l’ancien président de la Commission Européenne Jacques Delors qui disait que la Russie et les Etats-Unis sont « deux branches de la civilisation européenne » qui, dit Lavrov, « pourraient se rencontrer à ‘la table commune’ sur la base d’une vision européenne du monde. »
La simple mention du nom de Jacques Delors, devenu fameux pour avoir défendu le livre blanc des grands travaux d’infrastructures reliant l’Europe à la Russie, remet sur la table cette politique que seul Lyndon LaRouche et sa femme Helga Zepp-LaRouche ont systématiquement défendue et élargie à un projet de « pont terrestre eurasiatique » allant de l’Atlantique à la Mer de Chine.
L’article de Lavrov se concentre également sur le fait que les forces politiques des deux cotés de l’Atlantique semblent « ouvrir un débat sur ‘faut-il ou non contenir la Russie ?’ » « La Russie est désormais un pays ouvert qui a abandonné son idéologie [communiste] - qui était de toute façon un produit de la pensée européenne - et qui cherche aujourd’hui le développement économique et les échanges. » « Aucun état ou groupe de pays possède suffisamment de ressources pour imposer l’unipolarité sur le monde... L’unipolarité, après tout, ça équivaut à s’octroyer le pouvoir de Dieu, » écrit Lavrov. Il existe plusieurs acteurs dans l’arène du monde, et un leadership collectif est requis dans les relations internationales, en particulier lorsque « Etant donné l’indivisibilité de la sécurité et de la prospérité mondiale, tout délai dans la résolution des problèmes accumulés est chargé de conséquences dévastatrices pour toutes les nations. »
Lavrov, parlant de la Corée du Nord, de la Syrie, de l’Iran et du Darfour dit qu’ « On doit admettre qu’il n’existe pas de solutions basées sur la force, » et que seul le dialogue, y compris avec des « états voyous » peut nous donner une véritable sécurité.
La contrainte par la force porte atteinte à la sécurité énergétique de l’Europe et du monde entier, avertit Lavrov. « Les problèmes actuels, y compris les implications controversées de la mondialisation, ne peuvent pas être solutionnés en dehors des standards moraux. Le Sermon de la Montagne, la ‘Règle d’Or’ et l’humilité impliquent une Loi morale qui est aussi valable pour les relations internationales. »
La politique « d’endiguement de la philosophie de la Russie se corrèle très bien avec les plans unilatéraux d’implantation de systèmes anti-missiles en Europe » dit Lavrov, réitérant la proposition de Poutine pour partager l’emploi de la station radar de Gabala en Azerbaïdjan et l’analyse conjointe des menaces potentielles entre américains, européens et russes.
Lavrov, en mettant la solution sur la table, affirme que l’approche « pouvait être représentée par la perception de la Russie et des Etats-Unis comme deux branches de la civilisation européenne, chacune partageant sa part de la valeur ajoutée. On pourrait se rencontrer a une ‘table commune’ sur la base de cette vue européenne du monde... Je ne peux qu’être d’accord avec Jacques Delors qui croit que le ‘développement futur devrait conduire à un accord compréhensif entre cette troïka. L’ancien commissaire européen est dans le vrai quand il dit que ...’chaque fois qu’une discorde les sépare [les américains, les russes et les européens, ndlr] ...les risques d’une instabilité globale s’accroît significativement.’ »
Parlant des Etats-Unis et de la Russie, Lavrov conclut que « nous sommes encore capables d’ébahir le monde »