17 décembre 2007 (Nouvelle Solidarité) - Michel Rocard, est devenue la première figure politique d’envergure à exiger, dans les pages d’un hebdomadaire national important, le Nouvel Observateur (13 au 19 déc.), une action par rapport au krach bancaire qui se déroule depuis l’été dernier et qu’il compare au krach de 1929.
La cause principale de cette crise, indique Rocard, se trouve dans la financiarisation du capitalisme de ces dernières années, qui a créé une situation où les profits financiers se sont envolés alors que la masse des salaires des plus pauvres et des classes moyennes s’est retrouvée considérablement réduite.
Pour illustrer les problèmes actuels du capitalisme dénoncés sans ménagement par des économistes tels que Patrick Artus dans son ouvrage Les incendiaires, Michel Rocard évoque le problème de la dette américaine. « Lors de la crise de 1929, l’endettement américain - environ 130 % du produit national - était déjà ‘au cœur du système’. Aujourd’hui il atteint plus de 230 %. Pour éviter la faillite, le système financier américain doit emprunter 2 milliards de dollars par jour ! »
Rocard rappelle cependant qu’entre « 1945 et 1980, le monde n’a connu que des faillites nationales, pas des crises mondiales » en raison « des grands succès du capitalisme régulé ». Pendant trente ans, l’économie occidentale a progressé au rythme de 5 % l’an, sans jamais de crises financières et avec un chômage quasi nul (2 % de la population active, c’est à peu près le chômage frictionnel dû à la mobilité professionnelle). Les raisons de cette embellie ? Précisément les mauvais souvenirs de la grande crise de 1929, son cortège de malheurs avec la prolétarisation des classes moyennes et finalement la guerre. »
Plusieurs mesures correctives ont permis d’éviter de nouvelles catastrophes à la 1929. Et, « avec le New Deal, les grands travaux de Roosevelt, cette politique de hauts salaires et de fidélisation des salariés qualifiés a permis à l’économie américaine de repartir très vite après la crise de 1929. La France a utilisé le Plan, ce forum entre syndicats, patrons et Etat, réunis pour préserver un haut niveau de demande (donc des salaires) afin de permettre des anticipations de consommation forte. »
Tout ceci est venu à son terme « à partir de 1980, lorsque la sphère financière a pris une importance colossale. » Rocard énumère toutes les crises financières qui se sont succédés depuis jusqu’à l’éclatement de la bulle Internet où les pertes étaient déjà comparables à celles du crash de 1929. Il dénonce la montée en puissance des « actionnaires » contre la mentalité plus Fordiste qui existait auparavant où un bon salaire permettait au salarié de consommer activant ainsi le cycle productif. Aujourd’hui, tout le monde parle d’abondantes liquidités qui pourraient nous sauver d’un krach. Mais celles-ci, dit Rocard, « ne s’orientent pas vers l’investissement long ; elles préfèrent les investissements financiers spéculatifs ». « Personne ne sait comment tout ça peut finir, et j’ai la conviction que cela va bientôt exploser ». C’est la raison pour laquelle Michel Rocard conclu en appelant « à défendre tout ce qui produit contre tout ce qui spécule. (Car), c’est ça, la nouvelle lutte des classes. »
S’il comprend bien un certain nombre de problèmes, ses solutions restent beaucoup trop limitées par rapport aux dangers que lui-même dénonce. Il appelle à une réforme du FMI par son ami Dominique Strauss Kahn, à une criminalisation du droit des affaires (délits d’initiés, abus de stock options, etc.), à la régulation des OPA hostiles, au développement de l’économie sociale.
Michel Rocard intervient utilement cependant dans le débat au sein du Parti socialiste, soulignant que « si en France, le PS était capable de comprendre ce qui se passe, de faire la liaison entre la situation nationale et l’internationale et pouvait expliquer les raisons de la montée du travail précaire chez nous, il donnerait enfin l’impression de répondre à la situation. » Plus, dit Rocard, « il y aura une prime au premier qui saura expliquer ».