Par Christine Bierre
46900 chômeurs de plus en octobre ! Ce chiffre très mauvais, comparable à celui du mois d’août, porte le chômage total à plus de 2 millions en France, et l’on sait à quel point ces statistiques sont largement sous-estimées.
Face à l’effondrement de l’activité économique, mise en panne par la crise gravissime du système de crédit, les gouvernements européens et la Commission à Bruxelles se mobilisent. Mais pour l’instant, malgré l’inflation des montants alloués aux plans de relance, les Etats européens mobilisent peu ou mal pour venir en aide à l’activité économique.
Tous les médias claironnent le plan de relance de l’Union européenne de 200 milliards d’euros, mais en fait, sur ce montant, 170 milliards correspondent aux plans lancés par les gouvernements individuels pour l’équivalent de 1% du PIB de chaque économie, et 30 milliards seulement correspondent à des budgets débloqués par l’Union européenne pour soutenir l’activité.
Rappelons que ces injections de liquidités interviennent avant même d’avoir restructuré la masse des dettes de l’économie européenne. Or, lorsque l’on injecte de nouveaux crédits à une entreprise en difficulté avant d’avoir éliminé les causes de son mauvais fonctionnement, on ne fait qu’aggraver son endettement global, tout mettant en danger ses activités saines.
Il y a ainsi quelque chose de particulièrement incompétent dans la méthodologie des plans de relance annoncés. On clame partout qu’ils doivent avoir un impact : 1) rapide, 2) fort et 3) réversible. Le troisième point – réversible — trahit le manque de volonté des Etats, à ce stade, d’utiliser cette crise comme levier pour rétablir une économie plus proche des Trente Glorieuses d’après guerre, où l’Etat, à travers sa maîtrise de la politique de crédit, jouait le rôle à la fois de moteur du développement industriel de la nation et de garant d’une justice sociale pour tous.
Le fait de privilégier un effet fort et rapide sur l’activité économique implique aussi que l’Etat mettra l’emphase sur le financement d’activités économiques à fort taux de main d’oeuvre plutôt qu’à fort taux technologique. Certains suggèrent que si le lancement de nouvelles constructions de TGV, pour l’instant bloquées, sera accéléré, c’est surtout sur les travaux de rénovation des voies ferrées ou sur la solution à apporter aux problèmes de caténaires, connus ces derniers temps par la SNCF, que le gouvernement mettra la priorité. Aussi, dans le domaine social, ce sont les 100000 emplois assistés qui sont prioritaires.
C’est un grave problème d’appréciation car s’il est vrai que ce type de projet créera rapidement des emplois, ce sont les projets hautement technologiques, surtout dans les nouvelles technologies, qui ont un effet d’entraînement beaucoup plus grand sur l’ensemble de l’économie à moyen et long terme. C’est la raison pour laquelle le New Deal de Roosevelt a fait porter l’effort sur les deux domaines en même temps. D’un côté, l’administration de Roosevelt s’est employée à créer une myriade d’emplois à forte composante de main d’œuvre (construction d’autoroutes et rénovation des infrastructures publiques) pour faire face rapidement à la terrible montée du chômage.
De l’autre, Roosevelt a fortement relancé le moteur industriel de l’Amérique en créant des projets géants de barrages aux quatre coins du pays — la Vallée du Tennessee, celle du Saint Laurent, la grande coulée de Bonneville dans le Seattle et le barrage Boulder, à la frontière entre l’Arizona et le Nevada. Ce sont ces projets qui ont permis à ces régions de générer une énergie très abondante et bon marché pour le développement industriel, de créer les conditions d’une maîtrise des eaux pour l’agriculture, celles du plein emploi et du peuplement de ces grandes régions, à l’origine très pauvres.
Voici donc le modèle à suivre, un modèle qui a fait ses preuves, et le fait que nos dirigeants ne l’aient pas encore adopté prouve que malgré tous les discours sur la nécessité de remplacer ce capitalisme financier qui a provoqué la crise par un capitalisme des entrepreneurs, ils n’ont pas encore décidé de prendre le taureau des marchés financiers par les cornes.
Quelles sont, en effet, les mesures lancées ou en voie de lancement pour soutenir l’activité ? En France, le plan, d’un montant de 19 milliards d’euros, concernera l’automobile (10% des emplois du pays) et le BTP, en pleine déroute depuis l’éclatement de la bulle immobilière. Pour l’industrie automobile, le gouvernement prévoirait surtout de faciliter l’achat de voitures, en donnant aux banques des constructeurs automobiles – PSA Banque et RCI banque – un accès plus large aux crédits mis à la disposition des banques par la Société financière des entreprises françaises (SFEF), le fonds récemment créé pour leur venir en aide avec un capital de 40 milliards d’euros. On espère, par ce biais, écouler le million de voitures aujourd’hui en stock, faute d’acheteurs.
Ensuite, le nouveau Fonds stratégique d’investissement, lancé la semaine dernière, pourrait mettre sur pied avec les constructeurs un Fonds Auto de restructuration de l’automobile. Parmi les projets les plus intéressants, on annonce l’augmentation des crédits à la recherche pour la voiture électrique ou hybride.
Quant au secteur BTP/logement, quatre pistes seraient à l’étude, parmi lesquelles la rénovation des HLM pour améliorer l’efficacité énergétique, une relance des projets de rénovation urbaine et le renforcement des vieilles recettes d’aide à l’achat de logements neufs et à l’investissement locatif.
Le plan de relance européen n’est pas plus ambitieux, avec 30 milliards consacrés eux aussi aux infrastructures énergétiques et au développement des voitures vertes.
Les gouvernements savent pourtant qu’en dernière analyse, ce sont des investissements longs dans les projets de recherche et d’investissement à la pointe de la technologie qui auront le plus grand effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie. On trouve un peu de cet esprit dans la décision prise hier par les 27, d’accorder 10 milliards d’euros à certains projets spatiaux parmi les plus ambitieux :
- renforcement de la participation européenne à la Station spatiale internationale,
- amélioration d’Ariane 5, qui devrait pouvoir porter des satellites de 12 tonnes (contre 9 tonnes actuellement) et
- le projet Exomars qui enverra un robot sur Mars capable de forer à 2 mètres de profondeur de la surface.
Voici le type d’approche qu’il faut avoir, combinant les investissements très technologiques et les programmes de recherches très avancées dans les nouvelles technologies, avec les mesures de court terme devant avoir un effet rapide et fort pour empêcher un chômage de masse.
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