9 novembre 2011 (Nouvelle Solidarité) — Véritable pavé dans la mare, et radicalement à l’opposé de l’air (pollué) du temps, la livraison de novembre 2011 de Science & Vie prend courageusement et d’une façon très originale la défense de l’énergie nucléaire.
Si le mensuel scientifique nous avait déjà surpris récemment avec un reportage décapant sur Tchernobyl, le dossier du mois « Le nucléaire sans uranium » taille complètement en pièces aussi bien les préjugés de nos amis les écologistes que les certitudes d’un quarteron de nucléocrates et de financiers qui se sont assis sur le dossier.
Première vérité souvent occultée : il existe toute une palette d’autres procédés pour produire de l’électricité nucléaire que celui mis en place depuis 50 ans. Depuis l’accident grave de Fukushima, lassés de porter le chapeau, les scientifiques soulignent qu’au lieu d’additionner sans fin des systèmes de sécurité pour sécuriser les modèles existants, il faudrait enfin écouter ce que la science nous indique depuis le début, et attaquer « les caractéristiques fondamentales des réacteurs ».
Alors que l’immense majorité des réacteurs en service dans le monde sont des réacteurs utilisant un combustible solide (de l’uranium) refroidi à l’eau pressurisée (Pressured Water Reactor ou PWR), les pères du nucléaire civil s’étaient enthousiasmés dès 1944 pour un réacteur qui fait appel à un combustible liquide, le réacteur au thorium (un minerai très abondant dans la nature) à sels fondus (Thorium Molten Salt Reactor ou TMSR).
Science & Vie donne la liste des innombrables avantages qu’offrent ces machines : le rendement énergétique est plus élevé, les ressources de thorium sont immenses, les menaces de prolifération sont réduites, le cœur ne pourrait plus s’emballer, les risques d’explosion sont écartés, les problèmes de pression sont évacués, la question du refroidissement en cas de panne est résolue et la quantité de déchets à vie longue est 10 000 fois moindre. Ce concept, estime Victor Ignatief, physicien à l’Institut Kurchatov (Moscou), « coche toutes les cases de garanties de sécurité ».
Historiquement, le dessin compact du PWR (utilisé pour les 58 réacteurs en France) a été mis au point à Oak Ridge au Tennessee et développé ensuite par Westinghouse. En pleine guerre froide, le PWR fut imposé en 1949, essentiellement pour des raisons militaires, par l’amiral Hyman Rickover. Pourtant, son inventeur, le physicien Alvin Weinberg, continuera à défendre tout le reste de sa vie ce qu’il considérait comme le concept idéal, c’est-à-dire les réacteurs à sels fondus.
« A l’heure où les grands industriels commençaient à vendre les premiers exemplaires de nos réacteurs très imparfaits, les plus brillants cerveaux de la fission militaient, eux, pour ces machines à sels fondus et au thorium. » poursuit Science & Vie .
Les chercheurs d’Oak Ridge ont même réussi à mettre au point deux petits prototypes et un rapport fut remis en 1962 au président Kennedy pour présenter le TMSR comme la solution d’avenir par excellence. Mais en 1973 (époque du fameux Club de Rome), l’Atomic Energy Commission coupe soudain tout financement. Cependant, la bataille continue car la même année, c’est une équipe de chimistes du CEA, auxquels se joignent ensuite des chercheurs d’EDF, qui décide de prolonger les travaux américains. Bien qu’on tente en permanence de mettre l’idée au placard, quelques laboratoires au Japon, en Russie, aux Etats-Unis, en République tchèque, et surtout en France continuent à se battre ardemment pour faire évoluer le concept. Les physiciens du CNRS de Grenoble viennent d’ailleurs de tracer le dessin d’un réacteur de ce type, le plus abouti et le plus prometteur. « Le gouvernement chinois ne s’y est pas trompé : le 25 janvier dernier, l’Académie des Sciences de Shanghai a lancé un vaste programme de 250 millions de dollars sur ce concept ».
Pas très loin de ce que défend pour sa part le candidat présidentiel Jacques Cheminade, Science & Vie estime qu’ « aussi surprenant que cela puisse sembler [sic], un autre nucléaire est donc possible. Et cette alternative, en plus d’être possible, apparaît également souhaitable (…) Les bonnes idées ne manquent pas, mais l’effort s’annonce colossal avant de bousculer l’ordre établi il y a cinquante ans. Or le temps presse pour l’atome, aujourd’hui menacé de toutes parts ».
# petite souris
• 09/11/2011 - 10:59
Très intéressant en effet, et surtout très encourageant pour l’avenir de l’énergie nucléaire.
Bravo à Science & Vie pour cet article que nozélites vont "obviously" apprendre par coeur et vont surtout en tenir compte pour les décisions à prendre dans cette crise qui nous submerge comme la vague d’un raz de marée.....
Mais je tiens à souligner en ce jour anniversaire de la mort du général de Gaulle :
Le nucléaire sans uranium » taille complètement en pièces aussi bien les préjugés de nos amis les écologistes que les certitudes d’un quarteron de nucléocrates et de financiers qui se sont assis sur le dossier.
... en référence au quarteron de généraux etc....
Que le grand Charles continue à nous inspirer !!!!
# Merle-Lucotte
• 15/11/2011 - 16:40
Effectivement des équipes du CNRS travaillent depuis plus de 10 ans, avec un soutien d’EdF et du CEA, sur le développement de ce concept de réacteur à sels fondus innovant dont les croquis sont présentés dans l’article de Science&Vie, concept appelé Molten Salt Fast Reactor (MSFR) car basé sur un spectre de neutrons rapide et sur le cycle Thorium. Le MSFR a été reconnu comme alternative aux réacteurs classiques à combustible solide avec un potentiel unique (excellents coefficients de sûreté, faible inventaire fissile, pas de réserve de réactivité, réduction des déchets) et est officiellement un des réacteurs de référence du forum international Génération4 (voir http://www.gen-4.org/Technology/systems/msr.htm).
Le projet EVOL (Evaluation and Viability of Liquid Fuel Fast Reactor System) colloboratif Euratom-Rosatom du 7ème PCRD, a été inauguré en février 2011 afin de proposer d’ici à 3 ans un pré-design optimisé du MSFR et d’avancer sur la mise au point d’un démonstrateur. Des informations et publications scientifiques sur le MSFR sont consultables ici : http://lpsc.in2p3.fr/gpr/gpr/rsfE.htm
Des recherches complémentaires ainsi que des moyens financiers et R&D importants sont encore nécessaires pour la réalisation de réacteurs commerciaux. L’avancement des études, ainsi que la mise au point d’un prototype, dépendent du niveau des investissements et de l’intérêt que les états, les industriels et les sociétés y porteront.
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# Pierre
• 09/11/2011 - 23:12
Dans ce cas pourquoi n’aiderai t on pas l’Iran a développer cette technologie ? L’Iran n’aurai plus besoin d’uranium, et on arrêterai de jouer à se faire peur.
Ca ne serai pas un moyen de désamorcer la crise avec l’Iran ? Bien sûr les fous continueraient à pousser à la guerre, mais ils seraient peut-être un peu moins nombreux et un peu plus affaiblis. Non ?
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# Le cavalier orange
• 09/11/2011 - 14:24
Numéro à encadrer ! Je rajouterai qu’il fait également mention de l’expérience CLOUD réalisée par le CERN (qui a fait l’objet d’une brève sur le site). Cette expérience démontre que les nuages sont responsables des changements climatiques dans de grandes proportions comparé au gaz à effet de serre par exemple.... Il y a pourtant quelques articles dans ce numéro faisant echo à la propagande réchauffiste. Mais la science ne sera jamais fini. C’est un débat permanent qui exige l’impartialité. Science et vie en fait donc la démonstration dans ce numéro.
# Bertrand Buisson
• 09/11/2011 - 14:31
exact ;-), à voir ici, avec une vidéo :
http://www.solidariteetprogres.org/Experience-CLOUD-quand-les-rayons-cosmiques-s-attaquent-au-rechauffement_08056
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