La récente intensification de la crise financière systémique montre une fois de plus que des pans entiers du système - notamment les produits dérivés « hors cote » - échappent à tout contrôle de la part des banques centrales, des organismes de supervision financière ou de toute autre entité gouvernementale.
Cette situation inquiète un nombre grandissant de responsables de ces institutions. C’est ainsi que Sir Andrew Large, gouverneur adjoint de la Banque d’Angleterre, notait que les produits dérivés de crédit posent un « risque au système financier ». Prenant la parole lors d’une conférence internationale de régulateurs financiers en Turquie le 18 mai, Large affirma que les produits dérivés de crédit avaient créé de nouvelles menaces à la stabilité des marchés financiers. « Le transfert de risque de crédit a introduit de nouveaux détenteurs de risques sur crédit, comme les hedge funds et les compagnies d’assurance, au moment où le marché reste incertain. (...) La croissance des instruments dérivés (...) a augmenté le risque d’instabilité découlant de l’effet de levier, de la volatilité et de l’opacité. » D’après lui, les régulateurs doivent mieux comprendre les concentrations en matière de crédit.
Les propos de Large ont trouvé un écho le lendemain chez Jochen Sanio, directeur de l’agence de supervision financière allemande BaFin, qui a qualifié les hedge funds de « trous noirs du système financier international ». Déjà, au moment de la faillite de LTCM en 1998, dit-il, il s’était efforcé auprès des institutions financières internationales de faire imposer aux hedge funds des contrôles. Cependant, ses efforts ont été systématiquement bloqués. Depuis 1998, le secteur des hedge funds est devenu beaucoup plus important. Sanio a évoqué un autre problème afférent : celui des centres offshore. « Nous ne pouvons pas simplement fermer les yeux sur le fait que la plupart des hedge funds ne sont que des documents enregistrés dans les Iles Cayman. » Nous devons « systématiquement surveiller les sections opaques » du système financier. « La régulation est un must », dit-il. Le dernier rapport annuel de la BaFin propose d’examiner en quoi les hedge funds pourraient menacer la stabilité du système financier.
Selon le dernier rapport de la Banque des règlements internationaux (BRI) sur les produits dérivés hors cote, publié le 20 mai, le volume des contrats sur ce type de produits a atteint 248 billions de dollars fin 2004, alors qu’il était de 220 billions six mois avant et de 197 billions fin 2003. Au cours des deux dernières années, le marché des produits dérivés a augmenté de 75%. Evidemment, la BRI ne peut prendre en compte que les contrats en produits dérivés échangés hors cote et dont l’une des deux parties est une banque soumise à la régulation de la BRI. Même là, il lui faut deviner certaines choses afin de procéder aux ajustements entrant dans le cadre de la double comptabilité. Si la BRI ne donne aucune estimation du chiffre d’affaires du marché hors cote, on estime généralement que, pris ensemble, les chiffres d’affaires annuels des produits dérivés hors cote et en Bourse se montent à 2000 billions de dollars, soit 50 fois le PIB annuel de toutes les économies de la planète.