31 juillet 2010 (Nouvelle Solidarité) — L’argent, l’argent, l’argent ! C’est le seul langage que les hommes au pouvoir comprennent aujourd’hui, à commencer par celui qui occupe la Présidence de notre République depuis 2007. En place d’une politique ambitieuse du nucléaire, privilégiant la recherche dans les technologies du futur au service du progrès des générations à venir, Nicolas Sarkozy a préféré transformer le nucléaire français en machine de guerre commerciale pour faire face à une concurrence mondiale de plus en plus âpre. L’ambition française se réduit donc à limiter la casse : la France ne doit plus commettre les erreurs qui l’ont amenée à perdre le gros contrat de 20 milliards d’euros avec les Emirats arabes unis en 2009, au profit du sud-coréen Kepco.
Voici ce qui résume les orientations annoncées par Nicolas Sarkozy le 27 juillet, lors du Conseil de politique nucléaire qui s’est réuni à l’Elysée pour décider de nouvelles orientations pour la filière nucléaire française, suite au rapport remis par François Roussely, l’ancien patron d’EDF, en mai dernier. Bien que Nicolas Sarkozy n’en ait pas adopté, à ce jour, toutes les propositions, le fait qu’il ait choisi de publier la synthèse sur le site Elysée.fr, en dit long sur ses intentions pour le futur. Le pire est la menace d’une privatisation à terme de la filière qui est ouvertement évoquée.
Bien que certaines mesures puissent paraître à première vue de « bon sens » – telles la fusion d’EDF, l’électricien, avec Areva, le fournisseur des matières premières et de la technologie ; ou la décision enfin prise de revoir cet interminable et invendable EPR – c’est l’objectif principal de la politique choisie, celui de la rentabilité financière, qui ne va pas. Tel un oiseau de proie, la France aligne ses divisions pour pouvoir « prendre » près d’un tiers du marché des quelque 250 nouvelles centrales nucléaires qui pourraient être mises en chantier dans les 20 prochaines années. Pour cela, le rapport propose la création d’une structure capable de repérer les besoins à travers le monde afin d’adapter l’offre française, et appelle à agir dans l’urgence pour terminer les chantiers d’Olkiluoto et de Flamanville 3.
Face à la réalité brutale du marché actuel, la France accepte aussi de revoir sa copie sur l’EPR, cet énorme réacteur de 1500 mégawatts, conçu pour les pays riches, dont Areva avait fait son seul et unique cheval de bataille, alors que la renaissance du nucléaire a lieu surtout chez les pays en voie de développement qui ont besoin d’unités beaucoup plus petites (à partir de 300 mégawatts et plus), plus adaptées à la taille de leurs économies et de leurs réseaux. Pour s’adapter à l’offre, le nouveau conglomérat est appelé à développer un « bébé » EPR de « seulement » 1000 mégawatts, l’ATMEA 1, actuellement en construction avec la firme japonaise Mitsubishi, et même à s’intéresser à d’autres petits réacteurs existant sur le marché international. Mais c’est le paquebot EPR lui-même qui prend de l’eau. Le rapport va jusqu’à évoquer un possible gel du réacteur de Penly 3 en disant « qu’il convient impérativement d’effectuer un retour d’expérience des chantiers d’Olkiluoto, de Flamanville 3, et de Taïshan (Chine), avant de commencer la construction proprement dite de Penly 3 ».
Appel aux capitaux privés et sauvetage des énergies vertes
Mais ce sont les propositions du Rapport en matière de financements qui révèlent les véritables intentions derrière cette politique : une privatisation rampante du nucléaire français. Pour s’adapter, la filière a besoin de financements et il est proposé que ceux-ci viennent du secteur privé mais aussi des augmentations de prix de l’électricité provenant du nucléaire, ce qui, soit dit en passant, constitue aussi une tentative de sauvetage des énergie vertes, beaucoup plus chères et donc, non compétitives avec le nucléaire. N’étant pas rentables du point de vue énergétique, les énergies vertes ne survivent que grâce à des subventions très fortes de l’Etat.
Le rapport propose qu’Areva ouvre son secteur minier non seulement à EDF, mais éventuellement aux pays du Golfe, et annonce clairement la couleur lorsqu’il assène « que vouloir créer les conditions économiques d’un financement privé du nucléaire n’est pas un choix idéologique mais un principe de réalité. (…) Son développement ne se fera plus par un vaste programme national piloté par l’Etat. Notre industrie doit donc améliorer sa compétitivité et devenir attractive pour les investisseurs privés. »
Pour renforcer la compétitivité et l’attractivité du nucléaire civil pour les investisseurs privés, il propose de renchérir les prix de l’électricité nucléaire, alors que son bas coût constitue son principal atout pour l’industrie et les peuples, ce, en poursuivant la mise en place d’une tarification de C02, que le gouvernement s’est refusé de faire jusqu’ici et en planifiant une hausse des tarifs pour financer le renouvellement du parc nucléaire dont il est question d’étendre la vie de 40 à 60 ans.
Erreur stratégique du pari commercial et trahison de la mission du nucléaire français
En procédant par petites touches et de la même façon hypocrite dont il use pour la réforme des retraites, ou pour remettre en cause le remboursement à 100% des affections de longue durée, l’Etat vient ainsi de se lancer dans la voie du démantèlement du principal atout de l’industrie française qu’est le nucléaire. La tentative de concurrencer des géants comme la Russie ou la Corée du Sud, sur le terrain des réacteurs de deuxième ou troisième génération est de la folie furieuse. Avec Phénix et Superphénix, nous avions plusieurs longueurs d’avance sur les autres dans les technologies de surgénération de la quatrième génération. C’est sur cet atout que nous devons miser, en y mettant beaucoup plus que le milliard qui lui a été consacré du grand emprunt et en faisant tout pour sauvegarder les compétences des équipes qui partent désormais à la retraite. Car, même si l’objectif est à plus long terme, c’est au niveau de la matière grise que la France doit et peut exceller, et ce sont les investissements dans la recherche des technologies du futur qui produiront les retombées et les effets de rupture les plus importantes dans l’ensemble de l’économie, contribuant à notre retour à l’ère industrielle.
Face à l’odeur de fric et au nouvel obscurantisme de l’argent, saisissons, au contraire, l’occasion que nous offre cette terrible crise pour faire revenir la recherche scientifique et le progrès économique dans le droit chemin de la cause de l’humanité, non pas pour la puissance de l’argent que l’on peut en tirer mais pour les lumières intellectuelles et morales qu’il doit apporter à tous les peuples. Dans cette affaire du nucléaire, donnons un sens à la vie des Curie, Langevin, Einstein et tous les autres, en disant que l’important n’est pas ce qui a déjà été accompli, mais ce qui reste encore à accomplir.
Pour approfondir le sujet :
- Parlons nucléaire du futur
- Les centrales nucléaires de IVè génération : une solution pour la Bretagne
# christian
• 03/08/2010 - 17:04
le nucléaire, c’est un ensemble de projet foireux qui se succèdent les uns après les autres.
Tant que l’opinion publique restera sous l’emprise de la comm des pro-nucléaires et tant qu’aucune grosse catastrophe de l’ampleur de BP ne surviendra (à coté, tchernobyl et l’Erika c’est de la rigolade, hein..) l’industrie nucléaire pourra proliférer notamment avec ses mini-centrales
http://dai.ly/bfvMXo
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# petite souris
• 31/07/2010 - 23:37
faire revenir la recherche scientifique et le progrès économique dans le droit chemin de la cause de l’humanité
Sarkozy ne peut pas comprendre le sens de cette phrase !
Mais à part cela, une fois qu’il aura "privatisé" tous les secteurs vitaux de la France, et ce avant 2012, Sarkozy ne pourra plus se présenter à l’élection présidentielle.
En effet, ce sera pour présider quoi ? Il n’y aura plus de France !
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