Londres a pris la tête des opérations pour promouvoir l’arnaque sur le « marché des droits d’émission de CO2 » comme prochaine bulle financière, suivie docilement par les autres membres de l’Union européenne. L’édition du 14 mars du quotidien conservateur londonien, le Daily Telegraph, rapportait que le véritable message d’Al Gore était le « florissant marché des droits d’émission du carbone ». Le journaliste Tom Stevenson, spécialiste des questions économiques, écrivait que Gore « a du nez pour flairer les nouvelles tendances » et que « l’échange de droits sur le carbone est l’activité la plus chaude en ville ».
Le successeur attitré de Tony Blair au poste de Premier ministre s’est lui aussi rallié à cette perspective. Le 12 mars, Gordon Brown, actuellement chancelier de l’Echiquier, a déclaré au mouvement Green Alliance que son objectif était de transformer Londres en centre du « nouveau marché mondial sur le carbone ». Se référant au rapport alarmiste de 2006 rédigé par sir Nicholas Stern, qui a déclenché la panique sur le réchauffement global, Brown a déclaré que la Grande-Bretagne pourrait être à l’avant-garde des « initiatives » sur le changement climatique en créant de nouveaux marchés.
Comme l’expliquait Nick Stern, « l’échange de droits d’émission peut générer d’importants flux d’investissement vers les pays en voie de développement. Mon ambition est de construire une bourse globale sur le carbone, basé sur le mécanisme des droits d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Totalisant aujourd’hui 9 milliards d’euros, ces droits d’émission pourraient croître jusqu’à 50 ou 100 milliards d’euros. Nous allons faire avancer cette idée en organisant une conférence internationale, qui aura lieu à Londres, pour discuter comment coordonner les différents systèmes existant aujourd’hui dans plusieurs pays et favoriser les échanges de droits d’émission dans les pays en voie de développement, afin de transformer ce système en croissance en une force globale pour le changement. » La Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Mexique et d’autres seront les cibles de ce nouvel impérialisme « environnemental ».
Brown n’a pas fait de mystère à propos de ces visées impérialistes, en citant l’ancien secrétaire aux Affaires étrangères George Canning, qui déclarait au début du XIX ème siècle qu’ » il avait fait appel au nouveau monde pour redresser l’équilibre de l’ancien » . Brown a ainsi appelé à nouvel ordre environnemental fondé sur une interdépendance globale. « Tout le système d’institutions internationales d’après-guerre doit être réformé d’urgence pour faire face à un monde de deux cents Etats et une économie mondiale qui fournira également une bonne intendance en matière d’environnement global » , a-t-il déclaré. « Le mois prochain, le Royaume-Uni s’efforcera de mettre le changement climatique à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’ONU » , a-t-il ajouté. « Au cœur de ces nouvelles institutions mondiales devra se trouver une Europe globale travaillant plus étroitement ensemble. (...) Et laissez-moi vous dire que les décisions prises la semaine dernière témoignent du leadership du Royaume-Uni en Europe. »
Le lendemain, le secrétaire à l’Environnement David Milibrand a présenté le projet de loi du gouvernement travailliste sur le changement climatique, qui ferait de la Grande-Bretagne le premier gouvernement à imposer, sur une base légale, des réductions drastiques d’émissions de gaz à effet de serre, l’objectif étant d’atteindre 60 % d’ici à 2050.
La City de Londres s’était déjà lancée dans les « échanges sur le carbone » en 2002, selon le Guardian, avec un plan de 215 millions de livres pour encourager les entreprises à diminuer leurs émissions. Ainsi, comme le disait Louis Redshaw, le dirigeant de Barclays Capital environmental markets, « lorsque l’UE adopta le système d’échange de quotas d’émission (ETS) en 2005, Londres en profita automatiquement. » Aujourd’hui, plus de 60 % du volume du carbone échangé dans le monde et 80 % de sa valeur passent par l’ETS, selon le quotidien. On estime que 2,4 milliards de tonnes de « carbone » seront échangées cette année, contre 1,6 milliards de tonnes l’année dernière (pour une valeur de 20 milliards d’euros) et 799 milliards en 2005.