20 février 2008 (Nouvelle Solidarité) - Alors que le Premier ministre britannique Gordon Brown et son ministre des Finances Alistair Darling ont fait obstruction à toute volonté de Nicolas Sarkozy et de Romano Prodi d’intervenir pour enrayer le krach financier qui s’est déclaré dans le monde depuis l’été 2007, aucun scrupule libéral ne les a eux-mêmes empêchés, ce week-end dernier, de décréter la nationalisation de Northern Rock ou d’autres banques ou établissements mutualistes qui pourraient se trouver dans les mêmes conditions !
Rappelons que le 20 janvier dernier, alors que la crise financière s’aggrave de jour en jour, ces chefs de gouvernement s’étaient réunis à Londres pour discuter de mesures à mettre en œuvre pour renforcer la sécurité financière. Le groupe s’était alors scindé en deux camps : d’un côté Sarkozy et Prodi qui privilégiaient une approche contraignante et européenne d’un côté, et Angela Merkel et Gordon Brown qui se sont opposés à « une régulation trop lourde » de l’autre. Notons que le sabotage semble remonter à une date précédente, car à l’origine, François Fillon avait évoqué une coordination avec Angela Merkel qui tout de suite avait fait savoir qu’il ne fallait pas compter sur elle pour réglementer et donner des leçons à la Banque centrale européenne. Suite à cela, la réunion eut lieu à Londres, dans un cadre déjà bien contrôlé par nos « alliés » de la perfide Albion, qui n’a pas permis d’aboutir.
Mais voilà que le dimanche 17 février, le gouvernement « si libéral » de Gordon Brown annonce la décision de nationaliser temporairement, purement et simplement, Northern Rock. De plus, ces mesures, voulues d’urgence, auraient dû concerner seulement le cas précis de Northern Rock. Il n’en est rien. Le « Banking (special provisions) bill » imposé à l’arraché en moins d’une journée à la Chambre des communes et qui sera voté par la Chambre des Lords avant la fin de la semaine, est un texte de loi de 24 pages qui donne blanc seing au gouvernement britannique pour intervenir de la sorte vis-à-vis de toutes les banques ou établissements mutualistes qui pourraient se trouver aussi dans une situation de grande difficulté financière ou de faillite ! La loi justifie de telles mesures dans le but « d’assurer la stabilité du système financier du Royaume Uni dans des circonstances où le Trésor considère qu’il y a menace sérieuse à la stabilité si une telle décision n’est pas faite ».
La décision britannique ne fait que confirmer ce que de grands économistes comme Friedrich List (XIXè siècle), favorables à ce que les Etats établissent des règles interdisant qu’un groupe de spéculateurs ne prenne en otage la société entière, savent depuis toujours. Lorsque l’oligarchie financière siégeant à Londres se sent menacée dans ses intérêts, elle n’hésite pas à intervenir de la façon la plus brutale qui soit pour les protéger. Friedrich List a été le premier économiste a dénoncer la façon dont l’Empire britannique alors en plein essor, incitait ses adversaires politiques à adopter les théories de libre échange et à croire à la « main invisible » d’Adam Smith qui ordonnerait les économies sans aucune intervention des gouvernements, alors qu’il se réservait le droit de faire appel au dirigisme dès qu’il l’estimait nécessaire.
Notons aussi la différence cruciale qui existe entre la politique d’intervention préconisée par List, par Franklin Roosevelt dans les années trente, ou par Charles de Gaulle et Adenauer en Europe après la guerre, dans le but de mettre fin à des intérêts prédateurs qui mettent en danger la société toute entière, et celle pratiquée par l’oligarchie financière, hier et aujourd’hui, pour assurer sa propre survie au détriment du bien commun.