Les inondations catastrophiques qui ont dévasté une bonne partie du Mozambique ces dernières semaines, tuant des milliers de gens et forçant l’évacuation de près de deux millions d’autres, met une fois de plus en évidence l’indifférence morale et l’hypocrisie politique des gouvernements occidentaux vis-à-vis du tiers monde.
Les inondations ont commencé le 9 février suite à de très fortes pluies en Afrique australe et au cyclone Connie. Deux jours plus tard, les Nations unies notaient que la vie de plus de 150 000 personnes était en danger à cause du manque de nourriture et du risque d’épidémies. Cependant, ce n’est que le 17 février que les Etats-Unis ont déployé une équipe d’assistance humanitaire au Mozambique et en Afrique du Sud. Les ambassades occidentales de Maputo étaient alors pleinement conscientes du danger et le gouvernement était complètement dépassé par la crise, mais pratiquement rien n’a été fait.
Le 23 février, le cyclone Eline a frappé de plein fouet la côte mozambiquoise près de Beira. Sous ce double effet de pluies torrentielles et de cyclones, une région presque aussi vaste que la France s’est trouvée sous les eaux, des villes et d’innombrables villages engloutis. Alors que l’Europe et les Etats-Unis restaient inactifs, seule l’Afrique du Sud est intervenue, déployant des hélicoptères militaires qui ont pu sauver dans des conditions héroïques quelque 12 000 personnes.
Ce n’est que le 1er mars que le Président américain a annoncé un plan de sauvetage devant commencer le 6 avec l’envoi d’hélicoptères, tandis que le gouvernement allemand décidait un déploiement d’hélicoptères à partir du 5. Bien qu’un porte-hélicoptère de la marine française se trouvât au Cap, il n’a même pas été envoyé à la rescousse des populations en détresse. On ne saura jamais combien de personnes ont perdu la vie à cause de ces retards. Même si l’on tient compte des distances et du manque d’infrastructure au Mozambique, on ne peut excuser l’indifférence des chancelleries occidentales durant toutes ces semaines. Elles n’ont réagi que lorsque les télévisions ont commencé à projeter des scènes d’horreur. On voit à quel point les discours sur les « droits de l’homme » sont vides de substance.
Mais il y a une autre réalité à cette catastrophe ; le Mozambique est présenté comme un « modèle du FMI ». Après l’accord de paix en 1992 qui mit fin à la guerre civile, il aurait connu ces dernières années des taux de croissance économique atteignant 10 %. Mais cette croissance n’a profité qu’aux créanciers et aux investisseurs dans les matières premières. Pour les 18 millions d’habitants, le revenu annuel par tête est de moins de cent dollars et 50 % de la population est analphabète. Néanmoins, le Mozambique rembourse 125 millions de dollars par an au titre du service de la dette qui s’élève à six milliards de dollars. Par conséquent, le pays a été dans l’impossibilité, depuis la fin de la guerre civile, d’investir dans le développement d’infrastructure comme des projets d’aménagement de l’eau, ou encore dans le développement de son industrie et de son agriculture.