Ces deux dernières années, les plus grandes compagnies pétrolières du monde, baptisées les « Sept soeurs » lors des chocs pétroliers des années 70, ont connu un processus extraordinaire de fusions et de cartellisation.
A la fin de l’année 1998, quand les prix du pétrole ont chuté aux alentours de10 dollars le baril, BP a annoncé une importante OPA, s’apprêtant à acheter la grande compagnie AMOCO après avoir pris le contrôle de SOHIO. Ce nouveau géant, BPAmoco, fut brièvement, sur le papier, la plus grande multinationale dépassant Exxon et Shell.
Mais peu de temps après, les deux compagnies américaines faisant partie des Sept soeurs - Exxon et Mobil - ont réalisé une fusion pesant 80 milliards de dollars, créant le plus grand géant mondial et dépassant même General Motors qui était le plus grand en 1998.
Puis, avant même d’avoir l’approbation des autorités américaines et européennes, BP-Amoco a annoncé en avril 1999 l’achat de la grande compagnie ARCO qui contrôle une grande part de la production du pétrole de l’Alaska, ainsi que d’importantes positions dans la mer Caspienne et la mer du Nord. Le 17 mars, le gouvernement américain a annoncé l’abandon de ses objections à l’acquisition d’Arco, pour des raisons de compétition.
En juillet 1999, la compagnie française Total, qui avait peu de temps auparavant pris le contrôle de la compagnie belge Fina pour créer Totalfina, annonçait son OPA sur Elf-Aquitaine récemment privatisée, afin de donner naissance au quatrième géant pétrolier mondial.
Aujourd’hui, les quatre - BP-Amoco, Exxon-Mobil, Royal Dutch Shell et Total-Elf - exercent un contrôle sans précédent sur le marché mondial de l’énergie. Ces quatre géants du pétrole dominent largement les dix plus grands raffineurs mondiaux en termes de capacité, ainsi que deux raffineurs moins importants, Texaco et Chevron.
En coulisses, la cartellisation va même plus loin. Par exemple aux Etats-Unis, Shell Oil Co. et Texaco détiennent tous deux Equilon Enterprises LLC. Equilon dirige le raffinage, le marketing, le transport et le commerce des lubrifiants de Texaco et de Shell dans le Midwest et dans l’Ouest des Etats-Unis. Cela signifie qu’un automobiliste qui prend de l’essence dans une station Shell achète en réalité du pétrole provenant d’un arrangement entre Texaco et Shell - nouvelle restriction à la véritable concurrence dans un marché déjà contrôlé. Dans la majeure partie des grands domaines d’exploration pétrolière comme le bassin de la mer Caspienne et de l’Asie centrale, les mêmes compagnies géantes forment des consortium et des joint ventures comme l’Azerbaïdjan International Oil Consortium.
Ce processus de cartellisation a rendu les prix du pétrole fortement vulnérables aux manipulations spéculatives sur les prix, via des contrats à base de produits dérivés.