8 septembre 2008 (Nouvelle Solidarité) — Dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde du 5 septembre, l’ancien Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, et François Morin, ancien membre du conseil général de la Banque de France, évitent soigneusement le terme « Nouveau Bretton Woods », tout en proposant ce qui ressemble fortement à une réédition du plan britannique pour une monnaie mondiale, proposé par Lord John Maynard Keynes depuis 1930, pour l’Empire britannique et l’Europe centrale.
Bien que Lionel Jospin ait signé l’appel des hauts responsables sociaux-démocrates pour arrêter « la finance folle », cette contre-proposition émerge au moment même ou les propositions de Michel Rocard ainsi que celles de Lyndon LaRouche et de Jacques Cheminade se trouvent au centre de toutes les discussions. En particulier depuis l’appel en faveur d’un Nouveau Bretton Woods formulé fin août par François Hollande lors de son discours de clôture à l’Université d’été du Parti socialiste à La Rochelle.
Ce qui est excellent, c’est que par cette tribune, un débat s’ouvre sur le véritable contenu à donner aux mots ainsi que sur ce qui sépare un « vrai » d’un « faux Nouveau Bretton Woods ».
Comme toute opération « delphique » digne de ce nom, l’article intitulé « Faire face à la déraison financière », part d’une analyse affinée de la bulle financière et son histoire.
« L’écart insensé creusé entre la sphère financière et l’économie réelle », expliquent-ils, « ne se réduit pas à des dérèglements », mais résulte notamment de l’abandon des taux de change et des taux d’intérêts « de la tutelle des Etats ».
Cette politique provoqua des « variations incessantes » face auxquelles les banquiers offraient leur protection. Ainsi, grâce à « l’innovation financière », des produits de couverture permettaient de s’assurer contre ces variations ! Ce fut la création de l’énorme bulle spéculative des produits dérivés. « Désormais, dans les transactions interbancaires de la planète, là où se nouent tous les règlements monétaires, le volume des transactions consacrées à l’économie réelle (biens et services produits pendant une année, par exemple l’année 2005) est absurdement faible, puisque celle-ci représente moins de 2,2% de la totalité des échanges monétaires. »
Les transactions sur produits dérivés, disent les auteurs, représentaient moins de 1000 milliards de dollars au début de 1980 pour atteindre 1 406 000 milliards de dollars en 2005 ! Ils notent aussi qu’une « caste » s’est appropriée une part considérable de la richesse mondiale. En juin 2008, 95000 personnes possèdaient 13100 milliards de dollars, soit plus du quart de la richesse produite dans le monde en 2006.
Que faire alors ? « Face à une finance globale qui s’est libérée des contraintes, il faut rétablir un contrepouvoir global à travers un nouveau système de régulation, à légitimité incontestable »
« Nous proposons que cette régulation soit assurée par le FMI, avec l’appui d’un organe de règlement des conflits financiers ».
Au sein de l’Europe, écrivent-ils, « il faut soutenir la position allemande qui, au sein du G8, réclame la clarté pour l’activité des hedge funds. » L’UE devrait exiger cette transparence « pour toutes les opérations des grands groupes bancaires internationaux réalisées dans les paradis fiscaux ».
Enfin, c’est dans les trois derniers paragraphes que le projet d’une monnaie mondiale, semblable à la proposition du bancor de Lord Maynard Keynes, débattue mais rejetée lors de la conférence de Brettons Woods, apparaît : « Plus fondamentalement et progressivement, la monnaie devrait être considérée comme un bien public mondial et mise au centre de la nouvelle régulation ». (…) « Pour aller vers un dimensionnement plus raisonnable d’une finance aujourd’hui hypertrophiée, une fusion entre le FMI et la Banque internationale des règlements internationaux (BRI) pourrait consacrer le nouveau rôle qu’il faudrait confier à la monnaie. Les premier ingrédients d’une monnaie internationale seraient ainsi posés, tant au point de vue de sa circulation (taux de change) que de sa rémunération quand elle est prêtée (taux d’intérêt). »
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Lecture complémentaire : L’enjeu fondamental : Vrai ou faux Nouveau Bretton Woods, par Jacques Cheminade.
Signer la pétition pour un « vrai » Nouveau Bretton Woods.
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