Richard Perle, l’un des principaux partisans de la guerre contre l’Irak au sein du gouvernement Bush, a de sérieux problèmes. En effet, Seymour Hersh vient de révéler dans le magazine The New Yorker du 17 mars que la société privée de Richard Perle, Trireme Partners LP, a tenté de profiter de sa position officielle de directeur du Defense Policy Board pour « extorquer » quelque 100 millions de dollars à des hommes d’affaires saoudiens. Selon le prince Bandar, ambassadeur saoudien à Washington, les activités commerciales de Perle « ont toutes les apparence du chantage ».
Selon Hersh, Perle a rencontré, le 3 janvier 2003 dans un restaurant de Marseille, deux hommes d’affaires saoudiens, dont Adnan Kashoggi (financier et négociant en tout genre, également acteur clé de l’affaire Iran-Contra). La rencontre avait été organisée par deux partenaires de Perle chez Trireme, Gerald Hillman, lui aussi membre du Defense Policy Board, et Christopher Harriman.
D’après Hersh, Trireme Partners est une « société de financement de l’innovation » qui propose des investissements lucratifs dans des sociétés profitant de l’explosion des contrats portant sur la sécurité intérieure et la défense, en vue de la guerre contre l’Irak (poussée par Perle). On pense que Perle proposait de modérer sa virulente rhétorique anti-saoudienne, dans le cas où sa société Trireme obtiendrait des contrats juteux avec des investisseurs saoudiens.
Comme le mentionne l’article du New Yorker, c’est Richard Perle qui a invité Laurent Murawiec, une taupe utilisée contre le mouvement larouchiste international à partir de 1985-86, à prendre la parole devant le Defense Policy Board pour plaider en faveur d’une occupation américaine des champs pétroliers saoudiens. Cette menace flagrante a provoqué une levée de boucliers internationale, lorsque le Washington Post la rendit publique en août 2002.
Interrogé le 9 mars par CNN à propos de l’article de Seymour Hersh, Richard Perle a déclaré que l’auteur était « ce qu’on peut trouver, dans le journalisme américain, qui se rapproche le plus d’un terroriste ». Perle a annoncé qu’il allait poursuivre Seymour Hersh en justice devant une cour... britannique. De toute évidence, il veut éviter les embarras que lui attirerait un procès aux Etats-Unis.
Hersh est connu comme journaliste d’investigation. Il est l’auteur d’une biographique critique d’Henry Kissinger (membre lui aussi du Conseil d’administration de Trireme) et d’un livre sur le programme de bombe nucléaire israélienne (The Samson Option). Il avait déjà acquis une certaine célébrité en publiant des révélations sur le massacre de Mai Lai, pendant la guerre du Vietnam.
Depuis l’appel de Richard Perle à la guerre contre l’Irak, lors de la réunion de la Wehrkunde de février 2002, Lyndon LaRouche n’a eu de cesse de dénoncer ses menées pro-guerre. La campagne de LaRouche a catalysé une opposition à Perle et aux « faucons mouillés » à l’intérieur de l’armée américaine et dans d’autres institutions du gouvernement. En juillet 2002, Perle a monté son « coup Murawiec » non seulement contre l’Arabie saoudite mais également contre LaRouche. Cependant, les révélations de Seymour Hersh pourraient avoir des répercussions bien plus importantes que le jugement d’une cour britannique. Il est révélateur que Murawiec ait été choisi pour déclarer au New York Sun, le 12 mars, que « l’éthique de Richard » est impeccable et que l’article de Hersh est de « la pure foutaise ». L’administration Bush n’a pas profité de la provocation anti-saoudienne de Perle pour le renvoyer. Elle a aujourd’hui une deuxième occasion de le faire.
Plus il pousse la Grande-Bretagne vers une guerre impopulaire et désastreuse contre l’Irak, plus le Premier ministre britannique Tony Blair rencontre d’opposition chez lui. Si la guerre éclatait, au mépris de la majorité du Conseil de sécurité des Nations unies, Blair aurait à faire face à des démissions dans son gouvernement et à une rébellion parmi les parlementaires de son propre Parti travailliste, dépassant de loin les 122 députés qui ont voté contre le gouvernement lors du débat du 26 février sur l’Irak, à la Chambre des Communes.
Le 9 mars, la secrétaire au développement d’Outremer, Clare Short, a provoqué des ondes de choc dans tout le pays en qualifiant la politique va-t-en guerre de Blair d’« extraordinairement imprudente » et confirmant qu’elle démissionnerait si la Grande-Bretagne entrait en guerre sans autorisation onusienne. Le même jour, Andy Reed, secrétaire aux questions parlementaires auprès de la secrétaire à l’Environnement Margaret Beckett, a déclaré qu’il quittait le gouvernement pour protester contre l’attitude belliciste de Blair. Quant à Robin Cook, ancien secrétaire britannique aux Affaires étrangères et président actuel de la Chambre des communes (et à ce titre, membre du cabinet), il vient de démissionner, annonçant que d’autres de ses homologues allaient suivre.
Le 10 mars, dans une interview à France Info, le député travailliste Tam Dalyell, le plus ancien membre de la Chambre des Communes, a de nouveau réclamé la démission du Premier ministre. Dalyell a entamé des démarches pour une procédure de « motion de défiance » (leadership challenge) contre Blair, si ce dernier entre en guerre sans mandat de l’ONU. Parallèlement, 40 parlementaires travaillistes, du groupe de gauche Campaign Group, ont publié une lettre appelant Blair à se retirer.
Par ailleurs, on constate une extraordinaire opposition à la guerre parmi les militaires professionnels actifs et réservistes. Le 9 mars, le Sunday Telegraph de Londres, plutôt pro-guerre, a publié le commentaire d’un officier resté anonyme, qui est « membre des Forces armées de Sa Majesté depuis 23 ans » et a loyalement servi dans toutes les guerres où la Grande-Bretagne s’est engagée. Il avoue qu’il ira dans le Golfe « à contre-coeur » car il ne voit absolument aucune raison de mener cette guerre. Il a précisé que la majorité des officiers qui servent avec lui partagent ce point de vue. Du côté des cadres de réserve, l’amiral sir Nicholas Hill-Norton a sévèrement critiqué la guerre dans une lettre adressée le 13 mars au Times de Londres. Hill-Norton était le numéro deux de l’état-major de défense de 1992 à 1995 ; il est le fils de l’amiral lord Hill-Norton, qui fut à la tête de la Commission militaire de l’OTAN, de 1974 à 1977.
Les problèmes de Blair se multiplient également sur d’autres fronts. Nombre d’éminents avocats britanniques travaillent sur des procédures permettant de déclarer Blair en violation des Lois de Nuremberg dans le cas où il s’allierait avec les Etats-Unis dans une guerre préventive contre l’Irak. Pour couronner le tout, des enquêtes sérieuses sont menées au Royaume-Uni sur un réseau de pédophiles impliquant l’entourage immédiat de Blair, et certains sont convaincus que le Premier ministre a fort besoin d’une guerre pour détourner l’attention de ce qui risque de devenir son scandale le plus dévastateur.